Hongrie

Des ombres d'affairisme sur la campagne électorale de Viktor Orban

  • PubliĂ© le 30 mars 2018 Ă  12:49
  • ActualisĂ© le 30 mars 2018 Ă  12:52
Le Premier ministre hongrois Viktor Orban Ă  Budapest, le 15 mars 2018

Une frénésie de nouveaux stades et de lampadaires municipaux peut-elle compromettre les ambitions de Viktor Orban aux législatives du 8 avril ? Pour les opposants au Premier ministre hongrois, ces marchés publics sont les symboles d'un pouvoir clientéliste et corrompu devenu un thÚme central de la campagne électorale.


"La Hongrie n'a pas de problĂšme majeur de corruption, il n'y a que la tentative politique de l'opposition d'en faire un sujet important", balaie auprĂšs de l'AFP Zoltan Kovacs, porte-parole de Viktor Orban, le dirigeant ultraconservateur Ă  la tĂȘte du pays depuis 2010 et en lice pour un troisiĂšme mandat d'affilĂ©e.
Ce n'est pas l'avis des mains anonymes qui détournent réguliÚrement les affiches électorales du gouvernement: le slogan "Pour nous la Hongrie est numéro un" devient par exemple "Pour nous l'argent est numéro un".
Dans le dernier rapport de l'ONG Transparency international sur le niveau perçu de corruption, basé sur des appréciations d'experts, la Hongrie est avant-derniÚre au sein de l'UE, juste avant la Bulgarie. Au niveau international, elle est devancée par le Monténégro et la Géorgie. L'indice du pays a baissé de 10 points entre 2012 et 2017.
"Plusieurs exemples, ces derniÚres années, montrent que ceux qui sont au pouvoir en Hongrie considÚrent les fonds publics comme les leurs", écrit l'organisation.
Un domaine, estime-t-elle encore, illustre le mélange des genres entre politique et affaires: le sport, et particuliÚrement le foot, cher à Viktor Orban, ancien joueur de l'équipe de Felcsut, son village d'enfance.

- "Alimenter une clientĂšle" -

Felcsut et ses 1.700 habitants se sont attirĂ©s les commentaires ironiques en 2014 lors de l'inauguration d'un luxueux stade de 3.500 places voulu par le Premier ministre Ă  deux pas de sa rĂ©sidence secondaire. Mais le cas est loin d'ĂȘtre unique: parmi une trentaine de projets de rĂ©novation ou de construction de stades approuvĂ©s depuis 2010, on compte celui de Kisvarda, ville de 16.000 habitants Ă  l'Ă©quipe insignifiante mais dont le dĂ©putĂ© est le ministre du dĂ©veloppement national Miklos Sesztak. Mez?kövesd, club sans palmarĂšs prĂ©sidĂ© par Andras Tallai, un membre du gouvernement, joue depuis 2016 dans un stade neuf de 4.500 places.
Depuis 2011, les entreprises peuvent sponsoriser les sports collectifs en échange de généreux abattements fiscaux. Ce dispositif controversé est réguliÚrement mis à contribution pour financer les stades.
Mais l'opacitĂ© du systĂšme est la porte ouverte aux conflits d'intĂ©rĂȘts dans un pays oĂč de nombreux prĂ©sidents de fĂ©dĂ©rations sportives sont des Ă©lus ou des proches du Fidesz, le parti d?Orban, dĂ©nonce Transparency international.
Le dispositif d'abattement fiscal est devenu "un outil pour alimenter la clientĂšle du gouvernement: ce sont toujours les mĂȘmes sociĂ©tĂ©s, liĂ©es aux oligarques, qui remportent les appels d'offre des infrastructures sportives", affirme le journaliste Miklos Hargitai qui a rĂ©guliĂšrement enquĂȘtĂ© sur ce sujet.
Parmi ces hommes d'affaires figure Lorinc Mészåros, ami de longue date du Premier ministre, actuel maire de Felcsut, chauffagiste de formation devenu en quelques années 5e fortune de Hongrie, magnat de la construction et récent acquéreur de la plupart des journaux régionaux.
Ou Istvan Tiborcz, gendre de Viktor Orban, qui codétenait l'entreprise Elios, entre 2011 et 2015, lorsqu'elle a remporté de juteux appels d?offres financés par des fonds européens pour moderniser l'éclairage public municipal en Hongrie.

- Payer le prix -

En janvier, un rapport de l'Office européen de lutte antifraude (Olaf) a mis en lumiÚre des soupçons de graves irrégularités dans ces appels d'offre.
La campagne électorale a été rythmée par les révélations de la presse d'investigation ou de l'opposition sur des allégations d'utilisation douteuse de fonds publics et de financements européens.
Quelques fidÚles de Viktor Orban lui ont tourné le dos ces derniÚres années, ulcérés notamment par l'ampleur d'un "capitalisme de connivence", comme le dénonce Péter Ákos Bod, ancien directeur de la Banque centrale de Hongrie.
Pour autant "la majorité des militants du Fidesz vote pour Viktor Orban, et non pour le parti. Tant qu'Orban n'est pas touché personnellement par les affaires, il ne risque pas de perdre le noyau dur des militants", affirme l'analyste Tamas Boros.
MĂȘme les Ă©lecteurs que dĂ©rangent ces accusations sont "prĂȘts Ă  payer le prix de la corruption", estime Daniel Renyi, journaliste au site d'informations indĂ©pendant 444.hu, "si c'est pour ĂȘtre protĂ©gĂ©s des migrants" - le thĂšme de campagne quasi unique du gouvernement.
Et au final, poursuit M. Renyi, "ils préfÚrent voir cet argent dans les mains du Fidesz que dans celles de la gauche et des "+communistes+".

2018 AFP

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