Présentée comme un symbole des femmes victimes de violences conjugales, Jacqueline Sauvage, dont le cas avait suscité une intense mobilisation, est sortie de prison mercredi après avoir été graciée par François Hollande, malgré deux décisions de justice opposées à sa libération.
Jacqueline Sauvage, qui avait fêté mardi son 69e anniversaire à la prison de Réau où elle était détenue pour le meurtre de son mari violent, n'y passera pas le Nouvel An: elle est sortie libre peu avant 18H30 de ce centre pénitentiaire de Seine-et-Marne, au sud-est de Paris, à bord d'une voiture qui ne s'est pas arrêtée devant les nombreux journalistes présents.
"Elle a eu le plus beau des cadeaux d'anniversaire", a commenté sur BFMTV l'une de ses avocates, Janine Bonaggiunta, saluant le "geste très fort" du président Hollande.
Sans préciser où se rendait Jacqueline Sauvage, son avocate a expliqué qu'elle pourrait vivre "chez l'une ou chez l'autre" de ses filles, "vendre sa maison" et "s'adonner à ses loisirs" tels le jardinage ou la peinture.
La grâce totale avait été annoncée par l'Élysée dans l'après-midi par communiqué: "Le président de la République a estimé que la place de Madame Sauvage n'était plus aujourd'hui en prison, mais auprès de sa famille."
"J'en pleure, c'est merveilleux", a réagi Carole Marot, l'une des filles de cette femme condamnée à dix ans de prison pour le meurtre de son mari violent, tué de trois coups de fusil dans le dos en 2012.
François Hollande l'avait déjà graciée partiellement le 31 janvier, lui permettant de demander une libération conditionnelle. Mais cette demande avait été rejetée en première instance, puis en appel.
Après ces deux rejets, les filles de Jacqueline Sauvage avaient déposé début décembre une demande de grâce. Le chef de l'État a finalement décidé, "après avis du ministre de la Justice", de lui accorder "une remise gracieuse du reliquat de sa peine d'emprisonnement" -- ce qui n'efface pas la condamnation.
Son autre avocate, Nathalie Tomasini, s'est dite "terrassée par la joie et l'émotion" après avoir "porté ce dossier à bout de bras" pendant "un an de travail acharné".
"C'est le fruit de l'union de toutes les associations féministes et, plus largement, de la mobilisation massive qui a eu lieu", s'est félicité Osez le Féminisme.
La demande de grâce avait été relayée par un comité de soutien présidé par la comédienne Éva Darlan, mais aussi par le candidat à la primaire socialiste Benoît Hamon.
- Consensus politique -
Valérie Boyer, porte-parole du parti Les Républicains et membre du comité de soutien, a renouvelé son souhait qu'aboutisse sa proposition de loi, déposée au printemps et qui vise à ce que les situations d'emprise soient prises en compte. Selon elle, Jacqueline Sauvage subissait l'emprise "physique", "économique", "sexuelle" et "morale" de son mari et "c'est le cas de bien des femmes".
Le geste présidentiel a fait consensus dans la classe politique, de Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon, en passant par Manuel Valls ou le camp de François Fillon, qui ont tous salué la nouvelle.
La justice avait pourtant par deux fois refusé une libération conditionnelle. Après le tribunal d'application des peines de Melun, qui avait reproché à Jacqueline Sauvage "de ne pas assez s'interroger sur son acte", la cour d'appel de Paris avait estimé à son tour qu'elle peinait à accéder à un "authentique sentiment de culpabilité" et qu'elle continuait "à se poser en victime", confortée par la mobilisation en sa faveur.
L'Union syndicale des magistrats, majoritaire dans la profession, a d'ailleurs dénoncé un geste "très hypocrite", par lequel le chef de l'Etat "piétine allègrement" sa promesse de respecter l'indépendance de la justice.
Lors des procès, en octobre 2014 puis en appel en décembre 2015, les trois filles de Jacqueline Sauvage avaient témoigné à charge contre leur père, expliquant avoir été violées et battues, comme l'avait été leur mère.
Dans cette affaire, le président Hollande aura donc fait usage à deux reprises d'un droit de grâce qu'il proposait de supprimer dix ans plus tôt, lorsqu'il était premier secrétaire du PS, jugeant alors "pas normal, dans une démocratie, que l'un d'entre nous, fût-il élu au suffrage universel, puisse disposer de la possibilité de lever une condamnation".
AFP