Inflation et pĂ©nuries : la Bolivie au bord de l'asphyxie

  • PubliĂ© le 14 juin 2025 Ă  12:01
  • ActualisĂ© le 14 juin 2025 Ă  14:04
Des habitants font la queue tÎt le matin pour acheter des produits dans un supermaché d'Etat, à La Paz, le 11 juin 2025 en Bolivie

Encore une fois, Sonia, une mĂšre cĂ©libataire de 40 ans, repart bredouille. Depuis l'aube, elle faisait la queue devant un supermarchĂ© d'État de La Paz pour tenter d'acheter des produits devenus inaccessibles dans un pays plongĂ© dans une grave crise Ă©conomique.

"Je dois travailler pour mes six enfants. Et venir faire cette queue en plus, je n'y arrive pas", dit-elle avec lassitude en repartant les mains vides. EmmitouflĂ©e dans plusieurs couches de vĂȘtements face au froid mordant, elle refuse de donner son nom.

La crise économique, causée par une pénurie de dollars et des dépenses publiques excessives, appauvrit depuis l'année derniÚre la population.

Dans le supermarché, qui vend des produits de base à prix contrÎlés, certains invectivent le personnel.

"Il n'y a pas de riz, pas de sucre, pas d'Ɠufs. Il n'y a plus rien", peste Gisela Vargas, 30 ans.

La crise s'est aggravée ces derniers jours avec le blocage de routes par les partisans de l'ancien président Evo Morales. Ils réclament la démission du président Luis Arce, qu'ils tiennent pour responsable du marasme et accusent d'avoir écarté leur leader de l'élection présidentielle du 17 août.

- "Précipice" -

Les barrages empĂȘchent notamment la circulation des marchandises. Des heurts avec la police, qui tente de dĂ©loger les protestataires, ont fait cinq morts, dont quatre policiers, selon un dernier bilan du gouvernement jeudi.

Dans la longue queue pour accéder à un autre entrepÎt d'Etat de la capitale administrative, Rocio Perez, une retraitée de 65 ans, explique vivre avec ses enfants et petits-enfants et avoir du mal à joindre les deux bouts.

"Nous n'avons jamais pensé que la situation pourrait en arriver là, à devoir faire la queue pour des aliments ou du papier hygiénique. Nous sommes au bord du précipice," dit-elle à l'AFP.

"En termes de pouvoir d'achat, les salaires se détériorent trÚs fortement" avec l'inflation, explique José Luis Evia, économiste et ancien membre du conseil d'administration de la Banque centrale de Bolivie.

Ces derniÚres années, la chute des exportations de gaz bolivien a fortement réduit les entrées de devises dans le pays andin, dont le gouvernement a besoin pour importer du carburant revendu ensuite à prix subventionné. Faute de réserves suffisantes, les importations diminuent, provoquant de longues files d'attente aux stations-service.

Dans un quartier commerçant, un camion décharge des poulets pour un magasin de gros. Des centaines de personnes forment, là aussi, une lonque queue.

Il y a quelques mois, le kilogramme de poulet se vendait pour l'équivalent de 2,6 dollars. Aujourd'hui, il a presque doublé à 5 dollars.
Francisca Flores, une vendeuse ambulante de 69 ans du quartier, assure ne plus pouvoir en acheter, expliquant se contenter de plats Ă  base d'oeufs.

"Je sors avec mes petits sous (...) et si je ne peux rien" acheter, "eh bien je pars, résignée", dit-elle.

- HĂŽpitaux Ă  sec -

Pour JosĂ© Luis Evia, le mĂ©contentement social pourrait ĂȘtre un facteur dĂ©cisif dans une Ă©ventuelle dĂ©faite de la gauche, au pouvoir depuis presque deux dĂ©cennies, lors de la prĂ©sidentielle d'aoĂ»t prochain.

"Il y a de plus en plus de consensus pour un changement", assure-t-il.

Le prix des produits importés figure parmi ceux qui ont le plus augmenté, en raison de la hausse du dollar sur le marché parallÚle, qui renchérit leur coût pour les importateurs.

La mĂšre diabĂ©tique de Griselda Ventura, 27 ans, a dĂ» ĂȘtre hospitalisĂ©e Ă  La Paz. Dans sa province, Ă  une centaine de kilomĂštres de lĂ , les mĂ©dicaments importĂ©s dont elle dĂ©pend Ă©taient introuvables.

Mais mĂȘme lĂ , l'hĂŽpital peine Ă  lui en fournir, faute de stocks. "Il n'y a mĂȘme pas une seringue" lĂ -bas, assure Griselda devant une pharmacie.

AFP

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