Leader du mouvement contre la vie chère

Intrusion dans la résidence du préfet de Martinique: 15 mois de prison ferme requis contre Rodrigue Petitot

  • Publié le 23 janvier 2025 à 13:40
  • Actualisé le 23 janvier 2025 à 14:40

Au moins 30 mois de prison, dont 15 avec sursis, ont été requis contre Rodrigue Petitot, leader du mouvement contre la vie chère en Martinique, qui comparaissait détenu mercredi pour "menaces et actes d'intimidation" envers le préfet du territoire. La décision du tribunal de Fort-de-France a été mise en délibéré à vendredi à 8h locales (16h à La Réunion).

"Il eût été naturellement préférable que la décision soit rendue ce jour", a déclaré à l'AFP Maître Eddy Arneton, l'un des cinq avocats du prévenu.

En reportant à vendredi l'annonce du jugement, le tribunal atteint le délai maximal de dix semaines "au-delà duquel une décision ne peut pas être rendue", avance-t-il. En effet, déroule Me Arneton, l'affaire devait être jugée le 15 novembre mais les avocats de M. Petitot avaient obtenu un renvoi.

"Nous attendons la décision sereinement", assure-t-il.

La procureure Odile de Fritsch a requis contre le leader du Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens (RPPRAC) "une peine qui ne sera pas inférieure à 30 mois d'emprisonnement, dont 15 maximum" avec sursis, assortie d'un sursis probatoire de deux ans et d'un maintien en détention.

Elle a en outre demandé au tribunal la confiscation des biens saisis et que soit prononcé à l'encontre du surnommé le "R" une interdiction de s'approcher de la résidence préfectorale et d'entrer en contact avec les victimes qui se sont constituées parties civiles.

Dans un dossier différent, Rodrigue Petitot avait été condamné en décembre à dix mois de prison ferme aménageable pour intimidation à l'encontre de maires de Martinique.

- "La justice doit servir à autre chose qu'à museler la contestation sociale"-

Il est reproché à M. Petitot d'avoir tenté le 11 novembre dernier de rencontrer le ministre chargé des Outre-mer de l'époque, Jean-Noël Buffet, qui effectuait un déplacement de quatre jours en Martinique, au terme de deux mois de tensions et plusieurs nuits d'émeutes en marge des manifestations contre le coût élevé des denrées alimentaires sur l'île.

Après un face-à-face tendu devant la porte de sa maison, le préfet Jean-Christophe Bouvier avait refusé d'accéder à la demande du RPPRAC.

"C'est le procès de l'atteinte à l'autorité de l'Etat", a indiqué la procureure en débutant son réquisitoire. "Il s'agit d'une rébellion en réunion parfaitement constituée", selon elle.

Murielle Renar-Legrand, bâtonnière du barreau de Fort-de-France et avocate de quatre policiers qui se sont constitués parties civiles, a, avant elle, dénoncé dans sa plaidoirie les "dérives insupportables" d'un mouvement pourtant "parfaitement légitime".

"M. Petitot n'est pas un Robin des bois, il n'est pas Nelson Mandela. C'est juste un prévenu de droit commun", a-t-elle affirmé.

Sa consœur Mélanie Luce, en défense, a asséné en réponse que "la justice doit servir à autre chose qu'à museler la contestation sociale".

- "On veut incarcérer le symbole de la vie chère" -

"On veut incarcérer le symbole de la vie chère", avait soutenu le prévenu la veille depuis son box. "Tout est fait pour éteindre le vrai combat", a-t-il estimé. "Je ne reconnais pas être auteur de violation de domicile. Je suis arrivé, la barrière était ouverte", a-t-il par ailleurs soutenu devant le tribunal.

Le visionnage durant l'audience d'images de la caméra de surveillance et de plusieurs vidéos de l’incident a permis de confirmer ce point.

Les trois autres militants du RPPRAC mis en cause dans l'incident, qui avaient filmé la scène pour la diffuser en direct sur les réseaux sociaux, seront jugés le 31 mars.

Quelques centaines de sympathisants du RPPRAC ont manifesté mercredi devant les grilles du tribunal, comme la veille, pour afficher leur soutien à M. Petitot, a constaté un journaliste de l'AFP.

Des émeutes ont éclaté à plusieurs reprises ces derniers mois en Martinique, île des Antilles où les denrées alimentaires sont en moyenne 40% plus chères que dans l'Hexagone, selon l'Insee.

AFP

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3 Commentaires
Kunta Kinté
Kunta Kinté
4 mois

@ Paul

Kunta Kinté a lu, ne pas oublier qu'on a les élus péyi qu'on mérite !

GBH a compris un truc lors des campagnes électorales, il distribue " des aides " aux candidats carpettes du système avec retour sur investissement .

La difficulté est de faire comprendre les électeurs leur bon vote , leur droit, leur devoir !

Tout le reste devient de la philosophie car politique, justice, le monde des affaires, des fonctionnaires triés sur le volet bouffent à la même en toute discrétion .

Paul
Paul
4 mois

Chez nous ils s'appellent Caillé, Leclerc, tous les Karanes, ainsi que les Chinois.
Même système....mêm résultat, et même...plumés...
Et quelle est la responsabilité du Préfet dans cette affaire???

OUTRE-MER - Ce sont trois lettres qui concentrent la colère de la vie chère aux Antilles : GBH. Si ce nom est presque inconnu en France hexagonale, ce n’est pas le cas en Martinique ou en Guadeloupe. Le Groupe Bernard Hayot détient plusieurs enseignes comme Carrefour, Mr Bricolage ou encore Décathlon, mais est aussi très présent dans le secteur automobile, comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête de l’article.


Vie chère en Martinique : 15 ans après, ce qu’enseigne le précédent de 2009
Et si le groupe est désormais dans le viseur de la justice c’est à cause du mouvement contre la vie chère en Martinique et d’une enquête de Libération qui montre que GBH, derrière un fonctionnement opaque, fait des marges énormes au détriment des habitants.

GBH c’est l’acronyme de Groupe Bernard Hayot, du nom de son fondateur. Bernard Hayot est un béké, c’est-à-dire un blanc créole descendant de famille de colons esclavagistes. Il a commencé à bâtir son empire en Martinique dans les années 1960 avant de s’attaquer à d’autres territoires ultramarins, puis de s’exporter à l’international dans plusieurs pays d’Afrique francophone, d’Amérique centrale, aux États-Unis et allant même jusqu’en Chine.

Un système opaque

GBH est aujourd’hui le leader de la grande distribution aux Antilles. Il fait ainsi partie d’un petit nombre de grands groupes qui ont la mainmise sur le secteur dans les outre-mer. Depuis le mois de novembre, le patron de GBH est assigné devant le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France pour que le groupe publie ses comptes annuels, comme le veut la loi.

Jusqu’à maintenant, l’entreprise refusait de le faire et préférait s’acquitter d’une amende allant de 1 500 à 3 000 euros en cas de récidive. Une somme dérisoire alors que son chiffre d’affaires est estimé à 4,5 milliards d’euros. L’argument invoqué par GBH, lors d’une audition à l’Assemblée Nationale ? Le secret des affaires. En décembre 2024 et pour la première fois depuis six ans, ils ont cependant publié une partie de leurs comptes... mais seulement une partie.

Ce manque de transparence sur ses comptes permet notamment une chose : une opacité totale sur les marges pratiquées sur des produits qui peuvent être jusqu’à 40% plus chers qu’en Hexagone, selon l’Insee.

Des marges exorbitantes

En 2023, Johnny Hajjar, alors député de la Martinique, a mené un rapport parlementaire sur le coût de la vie en Outre-mer. À l’intérieur, on retrouve plusieurs pistes expliquant pourquoi les prix sont plus élevés, notamment à cause de l’importation des produits. Sur un document fourni par le groupe Créo, on s’aperçoit que lorsqu’il faut trois intermédiaires pour importer des produits en France hexagonale, la Martinique en a de quatorze.

Mais pour Johnny Hajjar, cette explication n’est pas suffisante pour comprendre l’écart de prix et dénonce des marges exorbitantes et injustifiées, du fait d’une concentration verticale de ces groupes. « Les grands groupes s’organisent pour maîtriser la chaîne d’approvisionnement, donc plus de la moitié des 14 intermédiaires qui appartiennent aux mêmes grands groupes », détaille-t-il au HuffPost.

« Ils découpent ensuite les marges par des myriades de petites entreprises pour donner une image extérieure de marges raisonnables. Sauf qu’elles s’accumulent et l’accumulation des marges fait des prix de sortie exorbitants, alors qu’ils devraient pouvoir bénéficier aux usagers en faisant en sorte que ces marges-là soient regroupées dans ces mêmes grands groupes. »

Ce système de concentration verticale dont parle Johnny Hajjar permet des prix largement surévalués, comme le montre une enquête de Libération. « GBH explique que les produits sont plus chers en raison de l’insularité, de l’éloignement des territoires d’outre-mer et notamment en raison de ce qu’on appelle les frais d’approche, qui sont tous les frais liés à l’acheminement des produits depuis la métropole jusqu’à l’outre mer. À nouveau, les documents qu’on a révélés démontrent que ce n’est pas le cas », explique au HuffPost, Emmanuel Fansten, journaliste chez Libération et auteur de l’enquête.

Une position hégémonique

Mais ce que montre aussi l’enquête c’est que dans le secteur de l’automobile, il y a aussi une concentration dite horizontale. « GBH détient une grande partie du secteur de la vente automobile, mais ils détiennent également, en lien avec l’automobile, tout un tas d’activités annexes. Par exemple des centres auto, de la pneumatique ou de la vente de pièces détachées », précise Emmanuel Fansten.

Le problème dans tout ça, c’est que GBH ne publiant pas le détail de ses comptes, on ne connaît même pas le nombre exact d’entreprises détenues par le groupe, ni les marges exactes réalisées grâce à elles. Mais en bout de chaîne, c’est le consommateur qui en paye le prix.

Depuis le 13 janvier, les acteurs de la distribution aux Antilles sont visés par une plainte pour « entente » et « abus de position dominante » au tribunal judiciaire de Fort-de-France. Celle-ci a été déposée par les quatre plaignants ayant déjà entamé une autre procédure contre le Groupe Bernard Hayot en novembre dernier.

De son côté, GBH réfute les accusations sur sa position de dominante dans la grande distribution et déclare que leurs marges « sont très comparables à celles pratiquées dans l’Hexagone ».

HULK
HULK
4 mois

Très juste.Çà s'appelle tondre les moutons. Et que font nos politiques? Rien,comme d'habitude. Moutons et électeurs c'est pareil. En outre,très bien introduit "en cour" GBH.Pourquoi? Cherchez et vous trouverez.Après,c'est malheureux qu'en Martinique ce soit un repris de justice qui mène une soi-disant révolte.