Intensification des bombardements et opérations terrestres

L'ONU craint l'effondrement de "l'ordre public" à Gaza après des pillages

  • Publié le 29 octobre 2023 à 18:20
  • Actualisé le 29 octobre 2023 à 18:37

L'ONU a mis en garde dimanche, après des pillages de ses centres, contre l'effondrement de "l'ordre public" dans la bande de Gaza, théâtre d'une intensification des bombardements et opérations terrestres de l'armée israélienne et où l'aide humanitaire entre au compte-goutte.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a évoqué samedi une "deuxième étape" du conflit contre le mouvement islamiste palestinien Hamas et dit s'attendre à une guerre "longue et difficile" à Gaza, où, selon le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, la situation est "chaque heure plus désespérée".

L'armée israélienne, qui opère au sol depuis vendredi soir avec des soldats et des blindés, a annoncé dimanche augmenter le nombre de ses troupes et l'étendue de ses opérations dans le territoire palestinien. Elle continue parallèlement d'intensifier ses bombardements en représailles à l'attaque sanglante sans précédent perpétrée par le Hamas le 7 octobre en Israël.

Plus de 1.400 personnes sont mortes côté israélien depuis cette date, essentiellement des civils tués durant cette attaque qui a aussi vu le mouvement islamiste prendre en otage 230 personnes, selon les autorités israéliennes.

Le Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007, affirme lui que plus de 8.000 Palestiniens, majoritairement des civils, ont été tués dans les bombardements israéliens incessants depuis le début du conflit.

- Entrée de camions d'aide -

Depuis le 9 octobre, Israël a imposé un "siège total" à Gaza, interrompant les approvisionnements en eau, électricité et nourriture, alors que le territoire où s'entassent 2,4 millions d'habitants était déjà soumis à un blocus israélien depuis 2007.

Dans ce contexte, l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) a dit craindre un écroulement de "l'ordre public", après des pillages de ses centres.

"Des milliers de personnes ont pénétré (samedi) dans plusieurs entrepôts et centres de distribution de l'UNRWA dans le centre et le sud" de Gaza, a affirmé l'agence onusienne dans un communiqué. "C'est un signe inquiétant que l'ordre civil commence à s'écrouler".

Dix camions d'aide humanitaire ont pu entrer dimanche via le point de passage de Rafah avec l'Egypte, portant à 94 le nombre de ces véhicules à être passés depuis le 21 octobre, selon le Croissant Rouge palestinien.

Dimanche, le patron de l'ONU a déploré une situation à Gaza "à chaque heure plus désespérée".

"Je regrette qu'au lieu d'une pause humanitaire cruellement nécessaire (...), Israël ait intensifié ses opérations militaires", a déclaré M. Guterres, réitérant son appel à un "cessez-le-feu humanitaire immédiat".

A Rafah, des habitants peinaient toujours dimanche à trouver du pain. "Nous faisons la queue depuis 5h30 du matin, nous attendons notre tour et nous ne sommes même pas sûrs" d'en avoir, a déclaré Aisha Ibrahim, une déplacée du nord de Gaza.

- "Sur terre et sous terre" -

L'armée israélienne a dit que son aviation, "guidée par des troupes (au sol), avait frappé (dimanche) dans le nord de la bande de Gaza des structures militaires du Hamas". Des roquettes ont par ailleurs été tirées depuis le territoire palestinien en direction du centre et du sud d'Israël, selon la même source.

Dans le nord de Gaza, un soldat israélien a été grièvement blessé par des obus de mortier dans la nuit et un autre légèrement touché dans des combats, d'après l'armée israélienne.

Parlant de guerre "longue et difficile", Benjamin Netanyahu a assuré samedi que l'armée israélienne "détruira(it) l'ennemi sur terre et sous terre", une référence au réseau de centaines de kilomètres de tunnels souterrains d'où le Hamas dirige ses opérations, selon Israël.

L'objectif de cette "deuxième étape de la guerre" est "clair: détruire les capacités militaires et la direction du Hamas" et "ramener les otages à la maison", a affirmé M. Netanyahu après avoir rencontré les familles des captifs du Hamas.

- "Les familles veulent des réponses" -

Leurs proches sont de plus en plus mécontents de l'"incertitude absolue" à laquelle ils sont confrontés, a déclaré Haim Rubinstein, leur porte-parole. "Les familles ne dorment pas, elles veulent des réponses".

Quatre femmes ont été libérées à ce jour. Le Hamas estime à "près de 50" le nombre de ces otages tués dans les bombardements.

Le chef du mouvement islamiste à Gaza, Yahya Sinouar, qui s'est exprimé samedi pour la première fois depuis l'attaque du 7 octobre, a déclaré être prêt "à conclure immédiatement un échange pour faire libérer tous les prisonniers dans les prisons de l'ennemi sioniste contre tous les otages".

Selon le Club des Prisonniers palestiniens, une association qui défend leurs droits, quelque 5.200 Palestiniens sont incarcérés par Israël.

Samedi, l'armée israélienne avait appelé les civils du nord de Gaza "à se déplacer temporairement au sud du cours d'eau de Wadi Gaza, vers une zone plus sûre où ils pourront recevoir de l'eau, de la nourriture et des médicaments". Elle avait renouvelé son appel aux habitants de Gaza-ville à "partir immédiatement" vers le sud.

Mais Ibrahim Shandoughli, père de famille âgé de 53 ans, a confié à l’AFP qu’il resterait à Jabaliya, une ville du nord de Gaza. "Où voulez-vous qu’on évacue?, c’est dangereux partout."

Israël veut "anéantir" le Hamas, qu'il qualifie d'organisation "terroriste" comme les Etats-Unis et l'UE notamment, en représailles à l'attaque du 7 octobre.

Ce jour-là, en plein Shabbat, le repos juif hebdomadaire, des centaines de combattants du mouvement islamiste se sont infiltrés depuis Gaza sur le sol israélien, où ils ont commis l'attaque la plus meurtrière de l'histoire d'Israël.

Samedi, Benjamin Netanyahu a reconnu qu'elle constituait un "terrible échec", et promis une "enquête approfondie" quant aux responsabilités.

- "Lignes rouges" -

L'intensification des bombardements sur Gaza a coïncidé avec une coupure des communications et d'internet, compliquant encore la tâche des humanitaires. Mais le réseau était en cours de rétablissement dimanche, selon l'organisme de surveillance du réseau Netblocks.

Les médicaments manquent aussi et certaines opérations chirurgicales sont réalisées sans endormir les patients, a alerté samedi MSF.

Cent-seize membres du personnel de santé ont été tués dans le territoire palestinien depuis le 7 octobre, selon le ministère de la Santé du Hamas, qui a indiqué que 12 hôpitaux ne fonctionnaient plus.

La Turquie a fustigé des "massacres" à Gaza, entraînant le rappel par Israël de ses diplomates dans ce pays. L'Arabie saoudite a dénoncé une violation "injustifiée" du droit international.

La communauté internationale redoute un embrasement régional, alors que le président iranien Ebrahim Raïssi, dont le pays soutient le Hamas, a estimé dimanche qu'Israël avait franchi "les lignes rouges" en intensifiant son offensive, ce qui "pourrait" décider d'autres parties "à passer à l'action".

Une des craintes d'embrasement concerne la frontière entre Israël et le Liban, où des échanges de tirs quasi quotidiens ont lieu entre l'armée israélienne et le puissant mouvement Hezbollah.

L'armée israélienne a rapporté dimanche de nouveaux tirs en provenance du Liban vers le secteur de Har Dov, les projectiles étant tombés dans des zones non habitées. Elle a dit avoir riposté vers l'origine des tirs.

La tension est aussi très vive en Cisjordanie occupée, où trois Palestiniens ont été tués dimanche par des tirs de l'armée israélienne, selon le ministère de la santé de l'Autorité palestinienne. Depuis le 7 octobre, plus de 110 Palestiniens ont été tués par des soldats ou des colons israéliens.

AFP

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