La France n’est pas prête

La Cour des comptes décrypte le retard de l’Etat dans l’adaptation au dérèglement climatique

  • Publié le 12 mars 2024 à 16:53

Face à la multiplication des canicules, les villes françaises ont adopté "tardivement" des stratégies d’adaptation au changement climatique, constatent les magistrats, et elles ne répondent "que partiellement" aux enjeux. Le "foisonnement" des stratégies inscrites au niveau local "appelle une rationalisation" pour mieux s’articuler avec la stratégie nationale d’adaptation, souligne le rapport, réclamant des trajectoires concrètes avec des "étapes à franchir et des objectifs à atteindre".

La Cour regrette "l’absence de chiffrages exhaustifs et cohérents pour l’ensemble des acteurs publics" des dépenses qui seront nécessaires pour adapter la France au changement climatique.

"L’évaluation des coûts actuels et futurs de l’adaptation est lacunaire, voire inexistante, faute de données suffisantes mais également parfois d’objectifs clairs", déplorent les magistrats, enjoignant l’État de jouer "correctement son rôle de stratège".

Le parc de logements est lui "très majoritairement inadapté" aux risques climatiques, comme la généralisation rapide des pics de chaleur. Les politiques de rénovation énergétique et thermique se sont surtout concentrées sur la réduction des émissions de CO2 avec des aides ciblées (changement du mode de chauffage), regrette la Cour, alors que les rénovations globales visant l’adaptation restent "rares".

- La Cour des comptes sévère avec le gouvernement sur ses prévisions de finances publiques -

La situation est "préoccupante", voire "sérieuse": la Cour des comptes étrille le gouvernement pour sa gestion des finances publiques dans son rapport annuel publié mardi, lui reprochant un scénario initial "improbable" pour 2024 et une trajectoire "peu ambitieuse et fragile" sur le déficit public.

L'un d'eux est que "le respect du déficit pour 2024" à 4,4% "n’est pas acquis", a-t-il averti, même avec les récentes coupes de dix milliards d'euros dans le budget de l'État, prises en compte dans ce rapport qui donne une photographie à fin février 2024.

Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire les avait annoncées mi-février, en même temps qu'il avait abaissé la prévision de croissance française pour 2024 à 1%, contre 1,4% lorsque le budget avait été bâti - un scénario "improbable" dès le départ, estime la Cour.

Ces annulations de crédits étaient "impératives" mais risquent de ne pas être "suffisantes pour maintenir la trajectoire du déficit", a estimé M. Moscovici. Devant les journalistes, il a affirmé que les magistrats de la Cour n'étaient "pas des austères qui veulent tout couper", mais qu'il fallait avoir "une approche intelligente et subtile de la dépense publique".

- Trajectoire de déficit "fragile" -

Car tout retard pris cette année "risque de fragiliser, voire de rendre caduque la trajectoire" de retour du déficit sous les 3% de déficit en 2027, note le rapport, qui ne prend pas en compte la révision à la hausse mercredi dernier du déficit public 2023, le gouvernement l'estimant désormais "significativement" au-dessus de l'objectif de 4,9% du PIB.

Pour le moment, Bercy n'a pas révisé ses objectifs de déficit à court ou long terme. Mais avec le retard accumulé en 2023, "l'écart à résorber est encore plus grand", prévient le président de la Cour des comptes.

La trajectoire d'ici 2027, entérinant 17,2 milliards d'euros de déficit de la Sécurité sociale, est jugée "peu ambitieuse" et "fragile", selon l'institution. Elle "ne comprend aucune marge de manœuvre en cas de scénario moins favorable", s'alarme le rapport, jugeant les prévisions gouvernementales de croissance et de plein emploi encore optimistes.

Sur France Culture, M. Moscovici a jugé "raisonnables" les 20 milliards d'euros d'économies en 2025 pour l'ensemble des finances publiques, annoncées mercredi par le gouvernement et pas prises en compte dans le rapport. Mais il a souligné devant la presse qu'elles ne sont, comme pour le reste des 50 milliards d'euros d'économies nécessaires d'ici 2027, "à ce stade pas documentées, ni étayées".

Selon la Cour des comptes, ces économies seront "d'autant plus difficiles" à réaliser que "la hausse des charges d'intérêts et de nombreuses lois de programmation sectorielle (Défense, Justice, Intérieur, Recherche) orientent déjà la dépense publique à la hausse", outre les futures dépenses sur la transition écologique.

- Podium de l'endettement -

Si l’État tient malgré tout le déficit prévu en 2024, les finances publiques resteront cependant "en 2024 parmi les plus dégradées de la zone euro", alerte la Cour, risquant d'exposer la France "à des discussions difficiles avec la Commission et ses partenaires européens", y compris dans le cadre des nouvelles règles en cours de discussion.

Avec une dette publique prévue à 109,7% du PIB en 2024 et 108,1% en 2027, "on est solidement installé sur le podium des trois pays les plus endettés de la zone euro", avec la Grèce et l'Italie, regrette M. Moscovici. Et avec la remontée des taux d'intérêt, cette dette "coûte de plus en plus cher", devenant "asphyxiante".

Sa juridiction préconise donc la "sélectivité dans les dépenses et de compenser tout surcroît de dépense ou baisse d'impôt par des économies ou des hausses de recettes", et de se préparer à "des réformes ambitieuses".

"Il y a des efforts considérables à faire", affirme M. Moscovici, le prochain projet de loi de finances (PLF) sera "le plus difficile à réaliser depuis la crise financière", nécessitant "courage et volonté politique".

- Les autres remarques -

La Cour des comptes demande aux armées françaises d’en faire davantage pour se décarboner et éviter un décalage à long terme avec le secteur civil, même si leurs missions spécifiques "justifie(nt) l’octroi de dérogations" pour l’utilisation de technologies fortement émettrices de gaz à effet de serre.

La Cour des comptes regrette que la SNCF, et plus particulièrement le gestionnaire d’infrastructures SNCF Réseau, "ne dispose pas des outils nécessaires à l’identification et à la mesure des coûts générés par le changement climatique" et l’exhorte à y remédier.

La Cour demande des investissements supplémentaires pour adapter les 18 centrales nucléaires, les barrages et le réseau de distribution d’électricité français au réchauffement. La juridiction recommande d’envisager "si nécessaire" un accroissement "des capacités d’entreposage" des centrales et souligne le besoin d’installation de tours aéroréfrigérantes dans les centrales dont la période de vie sera rallongée, afin de "réduire les températures de réchauffement des rivières".

La Cour juge "insuffisant" le soutien public à la recherche sur l’adaptation de la forêt. Elle appelle à des "regroupements forestiers" pour "améliorer l’efficacité de la gestion des forêts privées" et à un soutien renforcé aux communes forestières. Elle plaide pour une gestion par "une structure intercommunale", créée avec l’aide de l’État, qui permettrait des "économies d’échelle" dans l’élaboration des plans de gestion et de «mutualiser les risques".

Retrouvez l'ensemble du rapport ici.

www.imazpress.com avec AFP/redac@ipreunion.com

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