Une premiĂšre mondiale. Environ 100 millions d'Ă©lecteurs sont appelĂ©s dimanche Ă dĂ©signer tous les magistrats du Mexique, des tribunaux de district jusqu'aux neuf juges de la Cour suprĂȘme, dans un pays oĂč la justice est gangrĂ©nĂ©e par la corruption, le crime organisĂ© et les influences politiques en tout genre.
Cette élection est la colonne vertébrale d'une réforme constitutionnelle du pouvoir judiciaire lancée par la gauche au pouvoir pour lutter contre ce qu'elle appelle "la corruption et les privilÚges" du personnel judiciaire, contre l'inefficacité de la justice et contre l'impunité généralisée.
Le Mexique, qui compte prÚs de 130 millions d'habitants, enregistre chaque année 30.000 homicides, ce qui le classe parmi les pays les plus violents du monde. La plupart de ces crimes restent impunis.
Le pays compte six des huit bandes criminelles d'Amérique latine qualifiées d'"organisations terroristes" par le président américain Donald Trump.
Les adversaires de la réforme dénoncent un risque de prise de contrÎle de la justice par la gauche au pouvoir. Des inquiétudes portent également sur l'influence des cartels de la drogue sur le scrutin.
"Il y a des raisons de croire que les Ă©lections peuvent ĂȘtre plus facilement infiltrĂ©es par le crime organisĂ© que d'autres mĂ©thodes pour choisir les juges", affirmĂ© Ă l'AFP Margaret Satterthwaite, rapporteure spĂ©ciale des Nations Unies sur l'indĂ©pendance des juges et avocats. Selon elle, il existe aussi "un risque que les Ă©lecteurs ne se basent pas sur les mĂ©rites des candidats pour les Ă©lire".
- "Corruption et privilĂšges" -
La présidente de gauche, Claudia Sheinbaum, a parlé d'un "jour historique" en lançant samedi un dernier appel à voter.
"Ceux qui souhaitent le maintien du rĂ©gime de corruption et de privilĂšges au sein du pouvoir judiciaire disent que cette Ă©lection est truquĂ©e. Ils disent aussi que c'est pour qu'un parti politique s'approprie la Cour suprĂȘme", a-t-elle dit.
"Rien de plus faux", a poursuivi la prĂ©sidente, en assurant que cette Ă©lection inĂ©dite allait permettre l'avĂšnement "d'un pouvoir judiciaire honnĂȘte, proche du peuple" qui n'aura Ă©tĂ© choisi "ni par la prĂ©sidente, ni par les lĂ©gislateurs, mais par le peuple du Mexique".
Elue avec prÚs de 60% des voix il y a un an, Mme Sheinbaum bénéficie d'une cote de popularité d'environ 75%, encore plus forte que celle de son prédécesseur et mentor politique Andres Manuel Lopez Obrador.
Au pouvoir depuis décembre 2018, leur Mouvement pour la régénération nationale (Morena) est largement majoritaire au Parlement et dans une majorité des 32 Etats mexicains.
Des adversaires de la réforme ont convoqué une "marche nationale" dimanche.
La campagne électorale, discrÚte, n'a été marquée par aucun acte de violence significatif. Mais il est probable que les cartels tentent d'influencer subrepticement les résultats, estime le consultant Luis Carlos Ugalde, ancien président de l'autorité électorale mexicaine.
"Il est logique que les groupes criminels organisés aient approché les juges et les candidats qui sont importants pour eux", a-t-il dit.
- Candidats controversés -
Au total, 881 postes sont en jeu au niveau fĂ©dĂ©ral, dont les neuf membres de la Cour suprĂȘme. Quelque 1.700 juges vont ĂȘtre Ă©lus dans 19 des 32 Etats. Des Ă©lections complĂ©mentaires auront lieu en 2027.
L'ONG Defensorxs a identifié prÚs de 20 candidats à risque pour leurs liens présents ou passés avec des figures du crime.
Parmi eux, Silvia Delgado, ex-avocate de JoaquĂn "Chapo" GuzmĂĄn, cofondateur du cartel de Sinaloa, condamnĂ© Ă la perpĂ©tuitĂ© aux Etats-Unis. Mme Delgado est candidate Ă un poste de juge pĂ©nal Ă Ciudad Juarez, ville-frontiĂšre avec les Etats-Unis.
Autre exemple: Leopoldo Chåvez, en campagne dans l'Etat du Durango (nord), a passé six ans en prison aux Etats-Unis pour trafic de métamphétamines. "Je ne me suis jamais vendu auprÚs de vous comme le candidat parfait", a-t-il affirmé dans une vidéo publiée sur Facebook.
Les candidats doivent ĂȘtre diplĂŽmĂ©s en droit, avoir de l'expĂ©rience et "une bonne rĂ©putation".
Le scrutin risque de peu mobiliser les Mexicains, l'autorité électorale pronostiquant un taux de participation 13 à 20%. Un électeur doit choisir des dizaines de juges parmi des centaines de candidats, ce qui nécessite des heures de recherches pour qui veut voter de façon avisée, explique David Shirk, professeur de l'Université de San Diego, aux Etats-Unis.
Ce chercheur fait par ailleurs remarquer que le gros de la corruption judiciaire au Mexique est le fait des forces de l'ordre et des parquets, et non des magistrats du siĂšge.
"Il est beaucoup plus facile d'acheter un procureur et d'éviter les charges en général que de finir devant un tribunal et devoir influencer le juge", explique M. Shirk, directeur d'un projet de recherche sur la justice au Mexique.
AFP



