Le procureur de Paris RĂ©my Heitz a annoncĂ© Ă l'AFP l'ouverture mardi d'une vaste enquĂȘte prĂ©liminaire sur la gestion critiquĂ©e de la crise du Covid-19 en France visant notamment les chefs d'"homicides involontaires" ou "mise en danger de la vie d'autrui".
Cette enquĂȘte est une premiĂšre rĂ©ponse judiciaire Ă une quarantaine de plaintes, plus ou moins circonstanciĂ©es reçues par le parquet de Paris pendant le confinement. Elles ont Ă©tĂ© dĂ©posĂ©es par des proches de victimes, des organisations professionnelles ou encore, dans une "dĂ©marche pĂ©titionnaire", via des plaintes-types publiĂ©es sur le site internet plaintecovid.fr.
Ces plaintes contre X ciblent parfois nommément des responsables de l'administration, notamment le directeur général de la Santé JérÎme Salomon, en premiÚre ligne médiatique lors de l'épidémie en France, ou encore Santé Publique France. Sont également visés, entre autres, l'administration pénitentiaire et le ministÚre du Travail.
Cette "enquĂȘte-chapeau" regroupe les 13 procĂ©dures consacrĂ©es aux plaintes d'associations ou organisations syndicales et une quatorziĂšme englobant 33 plaintes, pour leur grande majoritĂ© de particuliers, issues de plaintecovid.fr. Cette vaste enquĂȘte Ă portĂ©e nationale ne concerne pas la gestion de la crise dans les Ehpad, qui font l'objet Ă ce jour d'enquĂȘtes locales, dont deux Ă Paris, mais Ă©galement Ă Nanterre ou Grasse (Alpes-Maritime).
Ces nouvelles investigations portent sur les principaux griefs émis quant à la gestion de l'épidémie : les mesures de protection sur les lieux de travail, la mise à disposition de masques de protection et de tests.
L'enquĂȘte du parquet de Paris, qui continue Ă recevoir de nouvelles plaintes, est ouverte pour "homicides involontaires", "blessures involontaires", "mise en danger de la vie d'autrui", "abstention volontaire de combattre un sinistre", "non-assistance Ă personne en pĂ©ril".
- Tests et masques -
Alors que certains ont vilipendĂ© l'imprĂ©voyance supposĂ©e de l'exĂ©cutif actuel mais aussi de ses prĂ©dĂ©cesseurs face Ă cette crise, l'enquĂȘte ne cible pas le chef de l'Ătat, irresponsable pĂ©nalement, ou les membres du gouvernement, dont l'Ă©ventuelle responsabilitĂ© pĂ©nale relĂšve de la Cour de la justice de la RĂ©publique, saisie Ă ce jour de 80 plaintes. "L'enquĂȘte pĂ©nale n'est pas lĂ pour dĂ©finir des responsabilitĂ©s politiques ou administratives, mais pour mettre au jour d'Ă©ventuelles infractions pĂ©nales", a expliquĂ© Ă l'AFP M. Heitz.
"S'il y a des fautes pĂ©nales, ce seront trĂšs probablement - c'est une hypothĂšse - des fautes non intentionnelles. Or la loi fixe des conditions prĂ©cises pour Ă©tablir ces dĂ©lits : elle exige la preuve d'une +faute qualifiĂ©e+ qui n'est pas une simple imprudence ou nĂ©gligence", dĂ©taille le procureur. Regrouper ces enquĂȘtes va ainsi permettre, selon le procureur, d'Ă©tablir un fonds documentaire commun sur l'Ă©tat des connaissances scientifiques sur la maladie, les tests et les masques, etc. Car "pour ce type d'infractions, le code pĂ©nal dit bien qu'il faut apprĂ©cier les responsabilitĂ©s" des dĂ©cideurs "au regard des moyens et des connaissances dont ils disposaient au moment des dĂ©cisions", souligne M. Heitz.
Le procureur de Paris anticipe un travail "considĂ©rable", dans une "situation historique": "C'est la premiĂšre fois que des plaintes sont dĂ©posĂ©es alors que la crise bat son plein", relĂšve-t-il, alors que jusque-lĂ "dans les grandes affaires de santĂ© publique (sang contaminĂ©, amiante?), la Justice est intervenue bien a posteriori". L'enquĂȘte est confiĂ©e Ă l'Office central de lutte contre les atteintes Ă l'environnement et Ă la santĂ© publique (Oclaesp). "Nous sommes dĂ©terminĂ©s, cette enquĂȘte est attendue, mais il faut la mener avec prĂ©caution", assure le procureur alors que pendant le confinement des avocats de plaignants lui ont reprochĂ© de ne pas avoir immĂ©diatement ouvert des enquĂȘtes.
D'ores et dĂ©jĂ , plusieurs voix se sont Ă©levĂ©es pour rĂ©clamer la dĂ©signation d'un juge d'instruction indĂ©pendant pour mener les investigations. "Sur une affaire qui met en cause le pouvoir politique, il est tout Ă fait anormal que ce soit le parquet, lui-mĂȘme dĂ©pendant du pouvoir politique, qui mĂšne une enquĂȘte, mĂȘme prĂ©liminaire, car elle conditionne toute la suite", estime l'association Coronavictimes dans un communiquĂ©. MĂȘme avis du cĂŽtĂ© du collectif Inter Urgences, qui appelle Ă "une instruction approfondie, menĂ©e par un juge indĂ©pendant et non par le parquet, pour ĂȘtre conforme Ă la hauteur des enjeux soulevĂ©s".
AFP
