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Les madeleines Jeannette renaissent doucement de leur cendres

  • PubliĂ© le 31 janvier 2016 Ă  13:46
Des employĂ©s de la biscuiterie Jeannette arrangent les madeleines qui viennent d'ĂȘtre prodouites dans l'unitĂ© de production de Demouville, prĂšs de Caen, le 26 janvier 2016

Deux ans aprÚs sa liquidation à Caen la biscuiterie Jeannette renaßt doucement de ses cendres avec une production de madeleines désormais "artisanale" réalisée par 18 salariés dont 13 avaient participé à l'occupation pendant presque un an de leur ancienne usine pour défendre leur emploi.


"On a eu trĂšs chaud mais lĂ  c'est que du bonheur, on a du travail et il est plus intĂ©ressant car tout est manuel, alors qu'avant tout Ă©tait automatique", rĂ©sume Rosa, 60 ans, une des 34 Jeannette licenciĂ©es en janvier 2014, visiblement comblĂ©e par le nouveau site flambant neuf ouvert en mai, oĂč domine l'allĂ©chante odeur des gĂąteaux.
Son sourire contraste avec le souvenir de son visage tendu un an plus tÎt alors qu'elle comparaissait avec quatre autres ex-salariés pour l'occupation de l'ancienne usine Jeannette. Le propriétaire leur réclamait 128.000 euros en tout. Il n'a obtenu que leur départ.
Une vingtaine des salariĂ©s licenciĂ©s se sont relayĂ©s nuit et jour entre fĂ©vrier 2014 et janvier 2015 pour occuper leur ancien site et "sauver Jeannette". Au printemps 2014, aprĂšs avoir tenu tĂȘte aux huissiers venus saisir les machines puis couper le gaz, ils ont produit plusieurs fournĂ©es de gĂąteaux que les Caennais se sont arrachĂ©s sur le marchĂ©.
Leur succĂšs a fini par attirer des repreneurs et la marque a Ă©tĂ© attribuĂ©e en novembre 2014 par la justice Ă  un ancien cadre de Suez, Georges Viana. Mais ce dernier n'a dĂ» son salut qu'Ă  la rĂ©ussite exceptionnelle en septembre d'une opĂ©ration de financement participatif, car aucune banque ne lui avait encore accordĂ© de prĂȘt lorsqu'il s'est prĂ©sentĂ© devant les juges.
- 'Rien n'est gagné' -
Aujourd'hui, aprÚs deux ans de "parcours du combattant", le repreneur a tenu ses promesses : les madeleines sont en vente depuis septembre et Jeannette emploie 18 personnes quand M. Viana promettait une quinzaine d'emplois au départ. 13 font partie des licenciés de l'ancienne biscuiterie qui employait 400 personnes dans les années 70.
Du site vétuste de Caen, il ne reste que quelques cartons d'emballage.
La biscuiterie s'est installée en périphérie de l'agglomération, à Démouville, avec de nouvelles machines destinées à produire beaucoup moins, mais plus haut de gamme (deux euros les quatre).
Les ouvriers manipulent désormais farine, ?ufs, et fil à couper le beurre local, alors qu'auparavant "j'appuyais sur le bouton d'une machine qui injectait la pùte, j'ajoutais juste de la levure et du sel. Ici les journées passent plus vite", raconte André, 55 ans.
"Rien n'est gagnĂ©, on sort seulement de terre. On se bat comme on l'a toujours fait", tempĂšre Marie-Claire Marie, chef de fabrication et 40 ans de maison. Et ce, mĂȘme si les salariĂ©s ont au passage perdu leur anciennetĂ© sur la feuille de paie.
"Tout n'est pas rose", confirme Georges Viana. "On a des demandes de beaucoup de magasins y compris de la grande distribution, mais on commence tout juste à fournir une quinzaine de boutiques, parce qu'on n'a pas encore l'argent pour acheter le matériel pour produire plus. C'est trÚs frustrant", explique le patron de l'entreprise.
D'autant que le seuil de rentabilitĂ© n'est pas atteint. Le prĂȘt bancaire (250.000 euros) dĂ©crochĂ© en juillet devrait arriver d'ici deux semaines sur le compte de la biscuiterie. Le financement participatif a permis Ă  Jeannette de lever 430.000 euros pour un projet de 1,1 million au total, aides incluses.
En décembre, "on était en rupture quasi tous les jours. On ne vendait presque qu'en direct", poursuit-il.
"L'atelier", qui ne produit que 500 Ă  600 kg par jour, espĂšre passer Ă  une tonne en avril pour un total de 250 tonnes en 2016 et 750 tonnes en 2020, quand l'ancienne usine en sortait 2.700 tonnes par an.
En attendant, les Jeannette sont invités à raconter leur épopée à l'Assemblée nationale le 16 février.

Par Veronique DUPONT - © 2016 AFP
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