Contestation

Retraites : démarrage agité en commission à l'Assemblée pour l'examen de la réforme

  • Publié le 30 janvier 2023 à 14:56
  • Actualisé le 30 janvier 2023 à 16:50

Une bataille de sièges et de micros, en prélude à la bataille par amendements: les députés ont afflué lundi en commission pour l'examen du très contesté projet de réforme des retraites.

Les élus de l'alliance de gauche Nupes sont venus en nombre, à tel point que certains ont dû s'installer entre LR et RN, faute de places à gauche. "On est nombreux à vouloir co-construire", a lancé l'insoumis Hadrien Clouet, suscitant des rires dans la salle de la commission des Affaires sociales.

L'ambiance est quelque peu dissipée et les orateurs ont peiné à se faire entendre. "Si vous voulez, j'ai un mégaphone", suggérait un élu Nupes, à la veille d'une deuxième journée nationale de mobilisation des opposants.

Le socialiste Arthur Delaporte a d'emblée demandé des "jours supplémentaires" d'examen, alors que quelque 7.000 amendements ont été déposés - dont 6.000 par la gauche - et que la commission achèvera ses travaux mercredi soir.

Mais 28 heures au total en commission, c'est "un temps considérable", a rétorqué la présidente de commission Fadila Khattabi (Renaissance).

"Nous avons très envie de travailler" mais cela va être "extrêmement compliqué" de venir à bout des amendements "voire impossible", a déploré Sylvain Maillard (Renaissance), un des chefs de file de la majorité présidentielle.

Quoi qu'il en soit, le projet de réforme, qui prend la forme d'un budget rectificatif de la Sécu, sera examiné dans l'hémicycle à partir du 6 février, pour deux semaines.

"Chacun sait ce qui se passera, y compris en séance publique", a soufflé Charles de Courson (groupe Liot). Le gouvernement pourra transmettre le texte au Sénat au bout de ces deux semaines même si l'Assemblée ne l'a pas adopté. "C'est un total détournement de procédure", a déploré l'élu centriste.

Au total, le Parlement dispose de 50 jours pour se prononcer.

Le compteur tourne à chaque prise de parole, limitée à deux minutes. Seuls la soixantaine de députés membres de la commission peuvent voter, mais tous les présents peuvent s'exprimer.

Les députés LR ont défendu en vain un premier amendement, pour ajouter un volet sur "la valeur travail dans notre pays" à ce projet de loi jugé "étriqué".

L'écologiste Sandrine Rousseau a opposé "un droit légitime au temps libre", sous les exclamations de la majorité. Alors que le ton montait, après l'adoption d'un amendement contre l'avis de la majorité macroniste, Mme Khattabi intimait: "On ouvre les chakras et on se tait".

- L'âge de départ n'est "plus négociable" -

Dès dimanche, le ton est monté d'un cran après que la Première ministre Elisabeth Borne a assuré que le report de l'âge de départ n'était "plus négociable". Samedi, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a accusé la Nupes de vouloir "bordéliser le pays".

Depuis son fief d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), la patronne des députés RN Marine Le Pen a mis en garde: la Première ministre "ne devrait pas trop s'avancer, parce que, parti comme c'est parti, il n'est pas du tout impossible que sa réforme des retraites ne soit pas votée".

Le coordinateur de LFI Manuel Bompard a, lui, reproché à Elisabeth Borne de "bomber le torse", tandis que le vice-président exécutif de LR Aurélien Pradié a critiqué son "coup de menton".

Elisabeth Borne
Elisabeth Borne

- Coup de menton -

Lundi matin, c'est le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger, qui a mis en garde sur France 2 Mme Borne, qui "ne peut pas rester sourde à cette formidable mobilisation qui s'est créée".

Le temps sera compté au Palais Bourbon. Les députés ont jusqu'à mercredi 20H pour se prononcer sur les quelque 7.000 amendements déposés, dont la très grande majorité par l'alliance de gauche Nupes.

C'est loin des 22.000 amendements en commission sur la précédente tentative de réforme de 2020.

Les délais resserrés sont imposés par le vecteur choisi par l'exécutif, un projet de budget rectificatif de la Sécu, qui limite à cinquante jours au total les débats au Parlement. Les échanges pourraient être particulièrement tendus mardi, jour de mobilisation interprofessionnelle nationale.

Après celle du 19 janvier, qui a vu de 1 à 2 millions de personnes manifester contre la réforme, les syndicats espèrent faire au moins aussi bien. Un espoir conforté par des sondages attestant d'un rejet croissant dans l'opinion. La grève s'annonce très suivie dans les transports et à l'école.

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Une source dans les services de renseignement s'attend à 1,2 million de manifestants au niveau national "en fourchette haute dont 100.000 à Paris, avec 240 cortèges ou rassemblements prévus".

"C'est la première fois que nous commençons la bataille sur les retraites avec autant de monde", s'est réjouie sur BFMTV la patronne des députés LFI Mathilde Panot.

- Tenir la tranchée -

La gauche étrille un projet "solitaire, injuste et injustifié" voire "anti-femmes". Ses élus s'opposent en bloc aux 64 ans et récusent faire de l'obstruction, en évitant les amendements de pure forme. "On va adapter notre tactique au fur et à mesure, on veut que soit discuté l'article 7" sur l'âge, indique l'Insoumise Clémentine Autain.

Les députés RN combattent le report de l'âge, mais réservent leurs forces pour l'hémicycle.

De son côté, la droite, dont les voix sont cruciales pour que le texte soit adopté, fait monter les enchères. Les LR ont des demandes pour les femmes aux carrières hachées, pour ceux ayant commencé à travailler à 20 ans, sur les droits familiaux ou encore un report de l'entrée en vigueur de la réforme.

Assemblée nationale
Assemblée nationale

La majorité présidentielle n'est pas en reste, mais a été priée de réfréner ses ardeurs pour tenir l'équilibre financier de la réforme. L'idée de contraintes plus fortes autour de l'emploi des seniors dans les grandes entreprises fait cependant son chemin chez Renaissance.

Qu'il soit adopté ou pas en commission, le projet sera présenté en séance le 6 février. La règle pour les textes budgétaires impose que c'est la version initiale qui est soumise, sans les amendements adoptés en commission.

Deux semaines d'échanges sont programmées dans l'hémicycle, avec dans l'arène les ministres du Travail Olivier Dussopt et des Comptes publics Gabriel Attal, face à des députés promettant de "tenir la tranchée".

AFP

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