Avec les syndicats

Retraites: rencontres Ă  Matignon pour tourner, ou pas, la page

  • PubliĂ© le 5 avril 2023 Ă  07:20
  • ActualisĂ© le 5 avril 2023 Ă  09:24
Des manifestants brandissent une banderole contre la réforme des retraites, à Rennes, le 4 avril 2023

La porte de son bureau va-t-elle claquer ? Elisabeth Borne reçoit mercredi dans un geste "d'apaisement" les syndicats pour tenter de sortir de la crise des retraites, mais ces derniers n'entendent pas passer l'éponge de sitôt, réclamant de concert le "retrait" de la réforme.

La Première ministre a promis qu'elle serait "à l'écoute de tous les sujets" que les syndicats voudraient aborder lors de cette rencontre qui débutera à 10H00 à Matignon, en dépit de "points de désaccord" sur la réforme des retraites, en particulier le recul de l'âge de départ de 62 à 64 ans.

Si l'exécutif refuse de parler des 64 ans, "on partira", a prévenu le leader de la CFDT, Laurent Berger. "Ca peut durer cinq minutes", a abondé la nouvelle patronne de la CGT, Sophie Binet.

"Demain, le gouvernement qui veut tourner la page va voir qu'on ne veut pas tourner la page", a affirmé auprès de l'AFP un leader syndical, à l'issue d'une réunion mardi de l'intersyndicale en présence de Sophie Binet.

"L'intersyndicale est bien unie, soudée. C'est rassurant, rien n'a changé" depuis le remplacement de Philippe Martinez à la tête de la CGT, a fait valoir ce responsable.

La rencontre avec Mme Borne, qui a lieu la veille d'une 11e journée de manifestations et de grèves contre la réforme, "est déjà écrite", estime un ministre de premier plan, qui table sur une impasse.


- "Impasse" -


Une source syndicale balaie les récentes dissonances entre la CFDT, qui réclame de "retirer ou suspendre" le texte, et la CGT, qui veut le "retrait" pur et simple: "en réalité parler de suspension, c'est comme pour le CPE (Contrat première embauche), c'est ne pas appliquer".

Outre le retrait, la CFDT devrait réclamer une conférence sociale sur le travail et les retraites, selon son secrétaire national Yvan Ricordeau.

"On est dans une impasse" car "tant qu'il n'y aura pas de retrait (...) on ne passera pas à autre chose", a abondé la patronne des écologistes Marine Tondelier mardi à l'issue d'une rencontre avec Elisabeth Borne, qui consulte tous azimuts pour "élargir la majorité" et bâtir un programme de gouvernement pour les mois à venir.

"Et quand on est dans une impasse, il faut faire demi-tour", a renchéri la leader du PS Olivier Faure, qui a trouvé la Première ministre "démunie" de solutions pour sortir de la crise.

C'est la première fois que la Première ministre reçoit les organisations syndicales depuis la présentation le 10 janvier de la réforme.
Celle-ci a généré une mobilisation quasi hebdomadaire inédite allant jusqu'à 1,3 million de personnes dans la rue le 7 mars (selon les autorités), soit davantage qu'en 1995 ou 2010. Et ces manifestations ont connu un regain de tensions après l'adoption sans vote de la réforme au Parlement, via le 49.3.

Les syndicats avaient déjà demandé, en vain, d'être reçus par Emmanuel Macron. Elisabeth Borne les avaient alors renvoyés au ministère du Travail.


- Fatigue -


Côté gouvernement, le souhait c'est de "négocier autre chose" que les retraites, selon un ministre, "inquiet du niveau de tension", en attendant la décision du Conseil constitutionnel lundi.

Elisabeth Borne considère qu'il y a "beaucoup de sujets à aborder" sur "la qualité de vie au travail, sur les fins de carrière, sur la prévention de la pénibilité".

L'exécutif mise aussi sur la fatigue des manifestants alors que les vacances de printemps débutent le 8 avril. "La manière dont les choses se sont passées mardi (28 mars) est plutôt positive : une mobilisation en baisse, des syndicats qui acceptent d'être reçus", estimait un député Renaissance après la 10e journée de mobilisation.

A l'inverse, les syndicats entendent jeudi "montrer que la mobilisation est toujours puissante".

Le leader de la CFDT Laurent Berger espère dans L'Obs que le Conseil constitutionnel "censurera la loi". Car "s'il y a censure de points particuliers comme l'index senior, la pénibilité au travail, etc., mais pas des 64 ans, alors ça ne répondra en rien à la conflictualité sociale en cours", selon lui.

Le Conseil constitutionnel rendra sa décision le 14 avril.

Les syndicats comme la gauche comptent également sur la validation par la Haute juridiction du référendum d'initiative partagée (RIP) sur la réforme.

AFP

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1 Commentaires
Lutte ouvrière
Lutte ouvrière
2 ans

Ce n'est pas à Matignon que l'on obtiendra satisfaction ! Jeudi, soyons encore des millions en grève et dans la rue !

La Première ministre, Élisabeth Borne, a prévu de recevoir l’intersyndicale mercredi. Celle-ci sera au complet, puisque la CGT, par la voix de sa nouvelle secrétaire générale, Sophie Binet, a indiqué que son organisation honorera l’invitation. Pourtant, Borne l’a dit et redit : elle a acté le recul à 64 ans et refusera de négocier sur les retraites.

Mis à part se faire payer le thé et le café, que vont faire les chefs syndicaux à Matignon, à la veille d’une nouvelle journée d’action ? Bavarder de tout et de rien et ressortir avec une mesure symbolique censée faire avaler ce recul ? Ou feront-ils vraiment du retrait de la retraite à 64 ans un préalable à toute discussion ?

Laurent berger de la CFDT, qui revendique à cor et à cri son rôle constructif et sa volonté de négocier est sans doute pressé d’en finir et de reprendre sa place d’interlocuteur privilégié du pouvoir. Mais cette pression existe pour toutes les confédérations. Y compris à la CGT, à FO et à Solidaires, où les cadres permanents passent, de fait, bien plus de temps à discuter avec les représentants patronaux ou gouvernementaux qu’à aider les travailleurs à s’organiser et à se battre dans les entreprises.

Il n’y a rien de bon à attendre de ce genre d’entrevue. Tout comme il ne faut pas attendre les bras croisés le verdict du Conseil constitutionnel. Cette institution, composée de serviteurs patentés de la bourgeoisie, peut, en théorie, censurer tout ou une partie de cette loi avec des arguments juridiques. Mais elle ne s’y résoudra qu’en sentant l’opposition et la pression du monde du travail.

Depuis deux mois et demi, c’est la mobilisation de millions de travailleuses et de travailleurs qui compte. Des millions de femmes et d’hommes, ouvriers, aides à domicile, agents de service, éboueurs, employés ont pris la parole pour dire « ça suffit ». C’est cette parole-là qui pèse sur le gouvernement, sur toute la vie politique, et pousse les chefs de l’intersyndicale au bras de fer avec le gouvernement.

La pénibilité, les problèmes de santé, les difficultés des horaires décalés, les salaires qui ne suivent pas les prix, le mépris envers les travailleurs ne sont plus des objets de discussion entre agents des cabinets ministériels et experts syndicaux. Ce sont des sources de colère et de revendications criées dans les rues du pays par les premiers concernés.

Personne ne connait mieux que nous, travailleurs, les problèmes que nous rencontrons sur une ligne de production, sur un chantier, dans un service hospitalier ou administratif, où les moyens manquent pour faire le travail comme il faudrait. Personne ne sait mieux que le monde ouvrier ce que cela signifie de ne plus rien avoir sur son compte le 10 du mois et de devoir choisir entre remplir son caddy et se chauffer. Alors, il nous revient d’exprimer nos revendications.

Allons jusqu’au bout du combat que nous avons commencé. Macron ne veut pas céder ? Nous non plus, parce que nous n’avons aucune raison d’accepter une telle injustice.

En temps normal, nous sommes rivés à notre machine, à notre poste de travail ou à notre bureau. La dureté du travail et la pression des chefs nous empêchent souvent d’échanger avec nos camarades de travail et de nous connaître vraiment. Eh bien, profitons-en pour discuter et faire connaissance ! Profitons-en pour échapper, ne serait-ce qu’une journée, à l’exploitation et à la domination patronale. Nous avons la possibilité de nous libérer pour crier ce que nous avons sur le cœur, profitons-en.

Par la grève, les éboueurs ont rappelé que les ordures ne se ramassent pas toutes seules, les travailleurs des raffineries ont montré que les cuves des stations-services ne sont pas approvisionnées par le Saint-Esprit, les cheminots que les trains ne roulent pas sans aiguilleurs, contrôleurs, conducteurs ou agents de maintenance… Nombre de travailleurs ont repris conscience de leur rôle indispensable pour toute la société et de la force collective qu’ils représentent.

Car tout le monde l’a compris : si nous ressentons tous une pénibilité au travail, c’est que, oui, se faire exploiter est pénible pour tout le monde, quel que soit le métier, et que l’on travaille dans le public ou le privé !

Conscients de notre unité, conscients de notre force numérique et politique, continuons à nous mobiliser ! Ne laissons personne parler à notre place ! Macron est fatigué de ce bras de fer, montrons-lui que le monde du travail a de la réserve. Et que, si les travailleurs font preuve d’abnégation et de courage pour faire tourner toute la société, ils en ont aussi pour se battre et se faire respecter !

Nathalie Arthaud