A six jours de la Saint-Sylvestre, les professionnels du tourisme parisiens ignorent si leurs clients viendront fêter le Nouvel An dans leurs établissements, ou s'ils renonceront à la dernière minute à réveillonner, faute de transports.
"A Noël nous avons très bien travaillé, mais pour le 31 décembre on ne le saura que le jour même. Pour l'instant nous sommes complets", dit à l'AFP François Delahaye, patron des palaces Le Meurice et le Plaza Athénée, à propos des restaurants tenus par le chef Alain Ducasse, doublement étoilé au Guide Michelin.
En revanche les deux hôtels de luxe, dont la fréquentation avait souffert du mouvement des "gilets jaunes" l'an dernier à la même période, sont à nouveau confrontés à de nombreuses annulations de leurs clients.
Ces touristes étrangers très fortunés, qu'ils viennent "des Etats-Unis, du Brésil ou du Royaume-Uni", "préfèrent réveillonner à Londres ou à New York, ils ne prennent pas le risque de venir à Paris et d'être bloqués", rapporte M. Delahaye. "Pour le réveillon du 31 décembre, les clients ne savent pas s'ils pourront se rendre à Paris ou s'ils trouveront un taxi pour rentrer, alors ils hésitent à réserver: nous ne sommes qu'à 70% de taux de réservation alors que nous devrions être complets", confie à l'AFP Franck Landragin, directeur du pôle restauration de Paris Society.
Ce dernier compte neuf établissements parisiens à la mode - Monsieur Bleu, Loulou, Girafe, Apicius... - situés dans les 8e, 9e et 16e arrondissements. Depuis le début du mouvement, la baisse d'activité est de 30% au déjeuner, car "la clientèle d'affaires vient beaucoup moins", et de 20% au dîner, détaille-t-il.
En revanche les restaurants festifs du groupe, comme le Roxie où jouent des musiciens, résistent mieux, avec une baisse d'activité limitée à 10%: ils sont ouverts plus tard et leur clientèle "se déplace par ses propres moyens".
Le Moulin Rouge, mythique cabaret de Montmartre qui propose un dîner-spectacle pour 500 à 1.000 euros, fera le plein le 31 décembre, la clientèle étrangère étant au rendez-vous. Il note seulement "un tout petit peu de reports de la part de la clientèle française". "Nous travaillons avec les concierges d'hôtels qui nous disent que leur clientèle habituelle de touristes étrangers n'est pas là", rapporte toutefois Franck Landragin.
- Recul des visiteurs provinciaux -
Certains viennent malgré les difficultés, note de son côté Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du Voyage. "Ces grèves touchent essentiellement Paris et le transport ferroviaire: donc les touristes étrangers qui avaient un vol vers la capitale ne l'ont pas annulé", dit-il.
L'Office du Tourisme de Paris renchérit: "les signaux ne sont pas du tout alarmistes, les réservations pour les arrivées aériennes internationales (long et moyen courriers) du 31 décembre sont en hausse de 32% par rapport à 2018, année perturbée par les +gilets jaunes+", et proche de 2017, indique sa directrice générale Corinne Menegaux.
En revanche, l'impact des grèves se mesure "plus du côté des provinciaux", met en avant Jean-Pierre Mas, ce que confirme Franck Delvau, coprésident pour Paris et l'Ile-de-France de l'Union des métiers et industries de l'hôtellerie (Umih), principale organisation du secteur. "Si vous habitez Tours, Besançon ou Nancy, vous ne vous dites pas +Je vais réveillonner à Paris!+, en sachant que tous les jours, des gens sont bloqués dans les transports", affirme M. Delvau.
Dans la restauration parisienne en général, "les restaurants ne sont pas complets pour le réveillon, et dans l'hôtellerie trois et quatre étoiles, il y a nettement moins de réservations que ce qu'on devrait avoir", précise-t-il.
Après avoir obtenu du gouvernement un étalement de charges patronales pour aider les entreprises du secteur, et de la Mairie de Paris la gratuité des terrasses en décembre, l'Umih a écrit jeudi à Anne Hidalgo pour lui demander de réduire le montant de la taxe de séjour.
Car les difficultés pourraient se prolonger: Jean-Pierre Mas souligne que les acteurs du tourisme constatent "des baisses très sensibles dans les réservations pour les vacances de février. Et les décisions de vacances ou de congrès pour 2020 risquent aussi d'être arbitrées vers d'autres destinations que la France", selon lui.
AFP