La présidente sortante de Taïwan, Tsai Ing-wen, qui a fait campagne contre l'autoritarisme de Pékin, a été réélue samedi pour un nouveau mandat malgré la campagne d'intimidation économique et diplomatique du pouvoir communiste pour isoler l'île.
"Taïwan a montré au monde à quel point nous aimons notre mode de vie libre et démocratique ainsi que notre nation", a lancé Mme Tsai devant la presse en annonçant sa victoire. La Chine considère Taïwan comme une de ses provinces et a juré d'en reprendre un jour le contrôle, par la force si nécessaire. "La paix, c'est que la Chine abandonne ses menaces contre Taïwan", a assuré la présidente de 63 ans tout juste réélue.
"J'espère que les autorités à Pékin comprendront que Taïwan, pays démocratique, et que notre gouvernement démocratiquement élu, ne cèderont pas aux menaces et à l'intimidation", a ajouté Tsai Ing-wen.
Taïwan, île de quelque 23 millions d'habitants, est séparée politiquement de la Chine depuis sept décennies. L'île n'est toutefois considérée comme un pays indépendant que par une poignée de capitales dont le nombre a fondu ces dernières années. 19 millions d'électeurs taïwanais étaient appelés samedi à départager deux visions divergentes de l'avenir du territoire et de ses relations avec Pékin, son plus grand partenaire commercial.
- 'Une gifle' -
Peu avant 22H00 locales (14H00 GMT), Tsai Ing-wen était créditée de 57% des suffrages devant son principal adversaire, Han Kuo-yu, selon la Commission électorale. La présidente Tsai Ing-wen se présente comme la garante des valeurs démocratiques face au pouvoir communiste jugé autoritaire du président chinois Xi Jinping.
Cette position a provoqué l'ire de Pékin qui, depuis son arrivée à la présidence de Taïwan en 2016, n'a cessé de durcir le ton. Han Kuo-yu, membre du parti d'opposition Kuomintang, argue au contraire que de meilleures relations avec Pékin pourraient apporter des bénéfices à Taïwan sur le plan économique.
"La victoire de Tsai Ing-wen est une gifle pour Pékin car les Taïwanais n'ont pas cédé aux intimidations", a déclaré à l'AFP l'analyste politique Hung Chin-fu de l'université nationale Cheng Kung à Taïwan.
Depuis l'arrivée de Tsai Ing-wen au pouvoir, Pékin a coupé les communications officielles avec l'île, intensifié ses exercices militaires, durci les pressions économiques et arraché à Taïwan sept de ses alliés diplomatiques. Les tensions sont vives entre les deux rives du détroit de Taïwan car Mme Tsai refuse de reconnaître le principe de l'unité de Taïwan et de la Chine au sein d'un même pays -- comme le réclame le pouvoir communiste.
Pékin n'a pas réagi dans l'immédiat aux résultats de la présidentielle taïwanaise. Mais de toute évidence, "il ne sera pas content", pronostique Joshua Eisenman, analyste politique à l'Université Notre-Dame aux Etats-Unis. "Va-t-il continuer sa fermeté envers Tsai Ing-wen ou opter pour une approche plus souple (...) c'est la grande question", souligne-t-il à l'AFP.
Jusqu'à présent, les pressions de Pékin sur l'administration de Tsai Ing-wen ont été "relativement faibles", assure Jonathan Sullivan, spécialiste de la Chine à l'Université de Nottingham au Royaume-Uni.
- Cyberattaques, porte-avions -
Mais la victoire de Mme Tsai devrait changer la donne et Pékin va "rapidement vouloir mettre la pression sur son deuxième mandat", prévient-il. Cyberattaques, investissements dans les médias de l'île pour obtenir une image plus favorable, voire démonstrations de force militaire ne sont pas à exclure, estime M. Sullivan.
Déjà fin décembre, Pékin a envoyé dans le détroit de Taïwan le "Shandong", son premier porte-avions de conception 100% chinoise. Dans cette course à la présidentielle, Mme Tsai était opposée à Han Kuo-yu, qui défendait un réchauffement des relations avec Pékin. M. Han, qui a reconnu sa défaite, a indiqué à une foule d'électeurs dans sa ville de Kaohsiung, dans le sud de Taïwan, avoir appelé la présidente Tsai pour la féliciter. "Elle a un nouveau mandat pour les quatre prochaines années", leur a-t-il dit.
AFP