Le chauffeur de la camionnette qui a tuĂ© 10 piĂ©tons et en a blessĂ© 14 autres au hasard de sa course folle lundi Ă Toronto a Ă©tĂ© inculpĂ© de meurtres avec prĂ©mĂ©ditation mardi, et les premiers Ă©lĂ©ments de l?enquĂȘte tendent Ă dĂ©montrer qu'il nourrissait une rancoeur contre les femmes.
"C'est juste de dire" que les victimes sont "majoritairement des femmes", a reconnu en confĂ©rence de presse l'enquĂȘteur Graham Gibson. L'Ăąge des victimes va "de la mi-vingtaine Ă environ 80 ans". Quelques minutes avant qu'il ne fonce dans la foule, l'assassin prĂ©sumĂ©, Alek Minassian, "a postĂ© sur Facebook un message Ă©nigmatique", a ajoutĂ© M. Gibson.
Le réseau social américain a reconnu à l'AFP avoir "immédiatement effacé le compte Facebook du suspect" et "travailler étroitement avec les autorités" sur ce dossier. Plusieurs médias canadiens ont publié une capture d'écran du message affirmant notamment que "la rébellion des +incel+ a déjà commencé" et vouant un culte au masculinisme.
Le terme "incel" est une abrĂ©viation anglophone pour "involontairement cĂ©libataire" et renvoie Ă des personnes animĂ©es d'un certain mĂ©pris des femmes, accusĂ©es d'ĂȘtre responsables de leur insatisfaction sexuelle. La police de Toronto a toutefois mis en garde: "Nous n'avons aucune Ă©vidence" dĂ©montrant formellement que le conducteur ne visait que les femmes, a dĂ©clarĂ© l'enquĂȘteur Gibson.
- 'Socialement mal Ă l'aise' -
ArrĂȘtĂ© rapidement lundi, Alek Minassian, 25 ans, a comparu mardi matin quelques minutes dans un petit tribunal du quartier North York de Toronto oĂč le procureur Joe Callaghan lui a signifiĂ© les dix chefs d'inculpation pour meurtre avec prĂ©mĂ©ditation. Debout dans le box des accusĂ©s, les mains mains menottĂ©es, la tĂȘte rasĂ©e et vĂȘtu d'une tenue blanche, Alek Minassian, a Ă©galement Ă©tĂ© accusĂ© de 13 tentatives de meurtre sur autant de blessĂ©s graves. Il devrait ĂȘtre prochainement poursuivi pour un 14e chef d'accusation, a prĂ©cisĂ© la police, rectifiant le bilan des blessĂ©s Ă 14 et non 15.
L'assaillant Ă©tait jusqu'ici inconnu des services de police, a soulignĂ© le chef de police de Toronto Mark Saunders. Il n'Ă©tait pas non plus fichĂ© par les services de renseignement ce qui permet, Ă priori selon le ministre de la SĂ©curitĂ© publique Ralph Goodale, d'Ă©carter la piste d'un acte de terrorisme comme cela a pu ĂȘtre le cas dans le mĂȘme type d'attaque Ă la voiture-bĂ©lier Ă Londres ou Ă Nice.
"Les informations disponibles à ce stade indiquent que cet événement ne semble aucunement lié à la sécurité nationale", a assuré Ralph Goodale.
L'homme est prĂ©sentĂ© comme renfermĂ© et avec des difficultĂ©s de communication par quelques personnes qui frĂ©quentaient le mĂȘme Ă©tablissement d'enseignement professionnel de la mĂ©tropole de l'Ontario (centre).
Habitant à Richmond Hill, en grande banlieue nord de Toronto, Alek Minassian était depuis 2011 étudiant au College Seneca, selon son profil sur le réseau social LinkedIn. Il avait fait un bref passage dans les rangs de l'armée canadienne en 2017, mais avait abandonné sa formation aprÚs deux semaines, ont confirmé mardi les Forces armées.
"Socialement mal Ă l'aise", souffrant de trouble obsessionnel compulsif (TOC) en se frottant la tĂȘte ou les mains, Alek Minassian se tenait la plupart du temps en retrait dans les groupes d'Ă©tudiants ou restait seul Ă la cafeteria de l'Ă©cole, selon les tĂ©moignages recueillis par des mĂ©dias de Toronto auprĂšs de personnes ayant assistĂ© aux mĂȘmes cours.
Ari Blaff, l'un de ces Ă©tudiants, a racontĂ© Ă la tĂ©lĂ©vision CBC que le comportement d'Alek Minassian "Ă©tait gĂ©nĂ©ralement assez Ă©trange (...) mais n'a jamais Ă©tĂ© remarquĂ© pour quelque chose de violent", simplement "peut ĂȘtre en mettant les gens mal Ă l'aise".
- 'Tue-moi' -
Corpulent, Alek Minassian a défié le policier au moment de son interpellation. Brandissant un objet dans la main gauche, le chauffeur aurait crié "tue-moi" au policier qui le mettait en joue à cinq mÚtres de lui, selon une vidéo postée sur les réseaux sociaux. Selon le chef de la police, Alek Minassian n'était pas armé. Avec un calme absolu, le policier avance prudemment vers le chauffeur qui s'agenouille sur le trottoir avant d'ùtre menotté dans le dos puis emmené par les forces de l'ordre.
Mardi, la police a poursuivi son long travail d'enquĂȘte et d'identification des victimes parmi lesquelles deux Sud-CorĂ©ens et plusieurs autres d'origine Ă©trangĂšre. Une employĂ©e d'Invesco Canada est morte pratiquement au bas de son bureau, la sociĂ©tĂ© d'investissement Ă©tant basĂ©e sur la rue Yonge.
Spontanément, les habitants de Toronto ont rendu hommage aux victimes en accrochant des messages aux murs des bùtiments ou en laissant des bouquets de fleurs sur les trottoirs.
"Les Canadiens sont choquĂ©s et attristĂ©s par cette attaque insensĂ©e", a dĂ©clarĂ© mardi le Premier ministre Justin Trudeau, appelant ses concitoyens Ă ne "pas vivre dans la peur et l'inquiĂ©tude (et Ă ) rester un pays ouvert et libre". Chef d'Ătat en titre du Canada, la reine Elizabeth II a exprimĂ© sa "tristesse (...) face Ă la terrible tragĂ©die qui a secouĂ© Toronto, offrant ses "plus vives condolĂ©ances aux familles et aux amis de ceux qui ont perdu la vie".
AFP


