Élection présidentielle

Turquie: Erdogan prie à Sainte-Sophie avant le scrutin décisif

  • Publié le 13 mai 2023 à 14:45
  • Actualisé le 13 mai 2023 à 14:52

A la veille d'un scrutin décisif pour la Turquie et son avenir, le président sortant Recep Tayyip Erdogan, menacé comme jamais, mobilise samedi ses partisans toute la journée à travers Istanbul, avec un final en prière à Sainte-Sophie, la basilique qu'il a transformée en mosquée.

C'est dans cette basilique byzantine rose du IVe siècle, qu'il a convertie en mosquée en 2020, que le chef de l'Etat clôturera une campagne menée tambour battant, à coups d'invectives et de menaces à peine voilées, formulées par lui-même et son entourage, à l'encontre de son opposant social-démocrate Kemal Kiliçdaroglu.

"Tout l'Occident est devenu fou ! Mais je l'ai fait !", s'est-il vanté samedi devant ses partisans à propos de la conversion de Sainte-Sophie.

Le "Reis", 69 ans, régulièrement reconduit par les urnes depuis 2003, a promis vendredi de respecter le résultat des élections présidentielle et législatives auxquelles sont appelés 64 millions d'électeurs, non sans juger la question sur ce point "complètement idiote".

"Nous sommes arrivés au pouvoir par la voie démocratique, avec le soutien de notre peuple: si notre nation prend une décision différente, nous ferons ce que la démocratie exige. Il n'y a rien d'autre à faire", a-t-il assuré, visiblement en colère, lors d'une interview télévisée, diffusée en soirée simultanément sur la plupart des chaines du pays.

Néanmoins, la crainte de dérapages violents demeure dans les grandes villes après une série d'incidents survenus dans la dernière ligne droite d'une campagne ultra-polarisée, obligeant son adversaire à porter un gilet pare-balles sous son costume lors de ses derniers meetings de campagne.

Le bus du maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu, star du parti CHP (social-démocrate) dirigé par M. Kiliçdaroglu et puissant atout de sa campagne, avait été caillassé dimanche à Erzurum en Anatolie orientale.

- "Etes vous prêts ?" -

Kemal Kiliçdaroglu, rentré à Ankara, conclut sa campagne samedi par une visite symbolique au mausolée de Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la Turquie moderne et laïque.

Ekrem Imamoglu menacé d'une peine de prison dont il a fait appel, mouillera encore sa chemise samedi au cours de quatre rencontres publiques dans la capitale économique dont il a pris la tête en 2019.

Au contraire du pouvoir autocratique "d'un seul homme", Erdogan, dénoncé par l'opposition, son principal adversaire de 74 ans propose en cas de victoire une direction collégiale, entouré de vice-présidents représentant les six partis de la coalition qu'il emmène, de la droite nationaliste à la gauche libérale.

"Etes-vous prêts pour la démocratie dans ce pays ? Pour ramener la paix dans ce pays ? Moi je le suis, je vous le promets", a-t-il lancé vendredi, lors de son dernier grand meeting, sous un ciel déchainé entre éclairs et coups de tonnerre à Ankara.

"Je te promets" est d'ailleurs son slogan de campagne, le refrain des chansons de ses partisans: retour à l'état de droit et au régime parlementaire, séparation des pouvoirs, libération des dizaines de milliers de prisonniers politiques, juges, magistrats, intellectuels, militaires et fonctionnaires emprisonnés pour "terrorisme" ou "insulte au président".

La dérive autoritaire de la dernière décennie et plus encore depuis le coup d'Etat avorté de 2016, une économie en berne avec une dévaluation de la livre turque de moitié en deux ans et une inflation autour de 40 % sur un an, selon les chiffres officiels contestés, ont entamé le crédit et la popularité du chef de l'Etat qui fait valoir les grandes réalisations et le développement, réel, de son pays depuis 2003.

Mais il a reconnu avoir du mal à séduire les jeunes dont plus de 5,2 millions voteront pour la première fois.

Autre inconnue, l'impact du puissant séisme qui a ravagé un quart sud du pays, faisant au moins 50.000 morts et 3 millions de disparus. Dans l'ancienne Antioche dévastée, les "revenants" ont parfois parcouru le pays en bus pendant des heures pour venir voter, dans des écoles en ruines ou des conteneurs.

"Ce n'est pas joyeux de voter au milieu des décombres, mais on veut que le gouvernement change", affirme samedi Dilber Simsek, 48 ans, réfugiée sous une tente. "Regardez, ça fait trois mois que rien n'a bougé", se plaint-elle.

 AFP

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