Société - Le débat sur l'euthanasie relancé

Faut-il mettre fin Ă  la souffrance ?

  • PubliĂ© le 29 aoĂ»t 2011 Ă  06:00
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Peut-on mettre fin à la vie d'une personne au motif qu'elle souffre trop ? C'est le débat récurrent sur l'euthanasie active qui est revenu au devant de la scÚne il y a quelques jours, suite à l'affaire Bonnemaison du nom d'un médecin soupçonné d'euthanasie active sur au moins quatre patients entre avril et août 2011. A La Réunion comme en France, la question de la légalisation de cette pratique ne fait pas encore l'unanimité mais les sondages nationaux se multiplient et montrent que les Français y sont favorables.

Ifop, Harris Interactive, deux sondages diffĂ©rents mais un mĂȘme constat. Les Français sont globalement favorables Ă  l'euthanasie active. Dans le sondage Ifop, plus d'un Français sur deux s'est dĂ©clarĂ© d'accord pour que les mĂ©decins puissent mettre fin, sans souffrance, Ă  la vie de patients atteints de maladie insupportables et incurables si ces derniers le demandent. Cette proportion atteint 92% dans le sondage Harris Interactive publiĂ© par VSD.

En France, cette pratique est totalement interdite, considérée comme un empoisonnement. Malgré tout, des médecins ont outrepassé cette interdiction, ce qui leur a valu une mise en examen pour empoisonnement. L'affaire la plus emblématique est l'affaire Humbert. Marie Humbert et le docteur Frédéric Chaussoy avaient décidé d'abréger les souffrances de Vincent Humbert, qui avait été victime d'un accident à la suite duquel il s'est retrouvé gravement handicapé (paralysé des quatre membres, muet, presque totalement aveugle, mais avait conservé ses facultés intellectuelles). Sa mÚre et le docteur Chaussoy ont été mis en examen.

Suite Ă  cette affaire, la loi Leonetti a Ă©tĂ© promulguĂ©e en 2005. Elle prĂ©voyait un "droit Ă  laisser mourir". Elle permet d'arrĂȘter un traitement ou de refuser l'acharnement thĂ©rapeutique. Cette loi interdit toujours le recours Ă  l'euthanasie active.

Mais voilà qu'une affaire vient de nouveau défrayer la chronique. Il s'agit de l'affaire Bonnemaison, du nom d'un médecin soupçonné d'euthanasie active sur au moins quatre patients entre avril et août 2011 à Bayonne. Il avait été mis en examen pour "empoisonnement sur personnes particuliÚrement vulnérables" puis remis en liberté sous contrÎle judiciaire. Les débats se sont cristallisés autour de la légalisation ou pas de l'euthanasie active.

"Je suis pour. Il faut arrĂȘter l'hypocrisie et toujours mettre en avant l'argument de l'Ă©thique du mĂ©decin. Nous sommes lĂ  pour soulager les patients. Notre devoir est donc de le soulager quand il souffre", martĂšle le docteur Patrice Humbert, mĂ©decin gĂ©nĂ©raliste, qui estime que l'euthanasie active devrait ĂȘtre autorisĂ©e. Le professionnel de santĂ© ajoute que le recours Ă  l'euthanasie doit se faire "suite Ă  une dĂ©cision collĂ©giale" oĂč mĂ©decins, membres de la famille du patient souffrant seraient consultĂ©s afin de donner leur avis sur ce point.

Cette vision est partagĂ©e par Jean-Pierre Cerveau, prĂ©sident de l'association Famille LaĂŻque qui se prononce en faveur de la lĂ©galisation de l'euthanasie active. "On ne peut pas laisser souffrir une personne sans rien faire", justifie-t-il. LĂ  encore, "la dĂ©cision d'euthanasier ne doit pas se faire de façon arbitraire", explique le responsable d'association qui se dit favorable Ă  une instance collĂ©giale rĂ©unissant mĂ©decins et famille. Jean-Pierre Cerveau va mĂȘme plus loin en proposant un service de soutien psychologique des familles aprĂšs la mort du patient.

Du cĂŽtĂ© de l'Eglise, on se dit totalement contre l'euthanasie active. "La vie ne nous appartient pas", insiste Monseigneur Aubry, Ă©vĂȘque de La RĂ©union. "Lorsqu'une personne souffre, c'est toute une famille qui souffre. Le malade ressent cette souffrance des autres et commence Ă  culpabiliser. D'oĂč son dĂ©sir de partir. Il faut au contraire l'entourer et l'aider Ă  passer l'Ă©preuve de transition vers l'au delĂ ", explique l'homme de foi qui se dit tout de mĂȘme opposĂ© Ă  "l'acharnement thĂ©rapeutique".

Le discours est sensiblement le mĂȘme du cĂŽtĂ© de Brahmachari Akhilesh, moine hindou, et de Bilal Gangate, imam Ă  la Grande MosquĂ©e de Saint-Pierre. Tous deux signalent que "les hommes n'ont pas le droit de ĂŽter la vie d'un autre homme" et que "seul Dieu a le droit de vie et de mort sur les hommes". "Mais nous sommes contre l'acharnement thĂ©rapeutique. Si une personne est en fin de vie, il faut l'aider Ă  partir", affirme Brahmachari Akhilesh. Bilal Gangate acquiesce.

Mais pas question pour les responsables religieux d'avoir recours à des injections mettant fin à la vie d'une personne. "En Inde, on invite le patient mourant à jeûner. On lui donne un peu d'eau ou de jus de fruit et des antidouleurs s'il souffre trop. On l'accompagne ainsi dans les derniers moments de sa vie", détaille le représentant de la religion hindoue. Chez les musulmans, l'accompagnement se fait à travers la récitation de priÚres, le soutien de la famille et "si c'est nécessaire", la présence d'un imam.

Pour ou contre l'euthanasie active ? Les avis sont donc encore trÚs partagés. Ce débat pourrait avoir lieu dans les prochains mois, voire en 2012, à l'issue de l'élection présidentielle. C'est en tout cas le souhait affiché par Jean Leonetti, ministre des affaires européennes.

Mounice Najafaly pour
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