Huit jours après le coup de filet antiterroriste effectué à Saint-Denis le mardi 2 juin dernier, les instances musulmanes de La Réunion se sont exprimées ce mercredi 10 juin 2015. Autour du président du conseil régional du culte musulman (CRCM), Houssen Amode, les responsables religieux ont voulu afficher leur unité pour condamner ce qu'ils qualifient de "dérive" et rappeler leur attachement à la défense du "vivre ensemble réunionnais". Selon eux, l'existence de cette filière djihadiste présumée relève du "dérapage" d'un seul et unique individu et "il n'y a pas d'autres cas de radicalisation à La Réunion", comme l'a affirmé Mohammad Bhagatte, imam de la grande mosquée de Saint-Denis.
Les visages étaient fermés et le ton solennel ce mercredi matin lors de cette prise de parole particulièrement attendue. "C’est un moment important et sensible pour la composante musulmane de La Réunion. Ces événements ont libéré les paroles, les écrits, mais aussi les mauvais instincts", a déclaré en préambule Houssen Amode, soulignant "l’impact" et "l’émotion" suscités par ces interpellations effectuées à Saint-Denis.
Le temps d’une conférence de presse, les responsables religieux ont tenté de répondre aux nombreuses questions soulevées par la découverte de cette filière djihadiste présumée, qu’ils ont évoquée avec la plus grande prudence. "La semaine dernière on parlait d’un réseau, on a vu où est parti ce réseau ; on parlait d’un terreau, on a bien compris qu’il n’y avait pas de terreau ; donc laissons la justice faire la lumière sur cette affaire", estime ainsi Mohammad Baghatte.
"L'influence néfaste d'internet"
Concernant les cas de radicalisation, "aujourd’hui parmi les jeunes qui ont été auditionnés, on n’en a qu’un", a également déclaré l’imam de la mosquée dionysienne. "Il faut être clair, il n’y a pas d’autres cas de radicalisation que nous connaissons", a-t-il insisté, alors que la préfecture recense tout de même 48 "signalements" et qu’au moins une demi-douzaine de Réunionnais seraient partis faire le djihad au Moyen-Orient en 2014.
Seul Naïl Varatchia, le jeune de 21 ans soupçonné d’être le "prédicateur" de cette filière supposée et actuellement incarcéré à Paris, serait donc un individu "déviant", à l’origine des événements récents. Un jeune homme "connu de longue date par les autorités", a confié Houssen Amode, dont "la radicalisation progressive se serait construite en dehors des mosquées et sous l’influence néfaste d’internet", et dont "le comportement est atypique et totalement nouveau pour nous", a ajouté le président du CRCM.
"On le connaissait et on connaissait bien sa famille", a confirmé Igbal Ingar, président de la mosquée de Saint-Denis. "Il venait faire sa prière à la mosquée et il s’en allait, comme le font des centaines de personnes. La mosquée est ouverte à tout le monde et tant qu’il n’y a pas de troubles, on n’a pas à agir", a-t-il précisé.
Pour les autorités religieuses, il s’agit donc avant tout d’être "vigilant", du moins autant que possible, sachant qu’il leur est très difficile de contrôler les messages véhiculés sur internet et les réseaux sociaux. "C’est un phénomène nouveau, mais les autorités sont encore plus démunies que nous", souligne Houssen Amode.
"Il n'y a pas de discours extrêmes"
Mais selon ce dernier, "au niveau religieux, il n’y a pas de discours extrêmes", ni dans les mosquées, ni dans les multiples salles de prière existant un peu partout sur l’île. "Les imams sont en grande majorité des Réunionnais ayant suivi un cursus universitaire. Ils ne sont pas auto-proclamés, comme j’ai pu l’entendre. Les mosquées ont pignon sur rue et les prêches sont dits en français et en toute transparence", a développé le président du CRCM. "Par ailleurs, il n’y a pas d’islam parallèle dans les salles de prières, mais un accompagnement pour permettre à ceux ne pouvant pas se rendre à la mosquée de faire leurs prières quotidiennes. Ces salles sont officiellement recensées et font l’objet d’une attention particulière des autorités", a-t-il poursuivi.
Suite à la découverte de cette filière djihadiste présumée, il n’y aurait ainsi pas plus que ça matière à s’inquiéter selon les instances religieuses. "Nous ne sommes pas là pour faire le procès de l’islam et des musulmans", a déclaré Mohammad Baghatte. "C’est un événement malheureux qui est arrivé. Nous sommes confrontés à des problèmes de société, mais nos imams transmettent le savoir d’un islam paisible. L’islam universel est un islam de paix", a tenu à souligner l’imam de la mosquée de Saint-Denis.
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La radicalisation n'est pas un fait nouveau. Ce phénomène, marginal, a toujours existé et n'a jamais été l'apanage du seul islam. Le terme radicalisation désigne un processus par lequel un individu ou un groupe adopte une forme violente d'action, directement liée à une idéologie extrémiste à contenu politique, social ou religieux qui conteste l'ordre établi sur le plan politique, social ou culturel.L'important est de comprendre quels sont les processus qui amènent des individus à adhérer à des groupes extrémistes et quel est le profil des personnes, le plus souvent jeunes, qui s'engagent sur la voie de la radicalisation. La radicalisation ne doit pas être appréhendée seulement sur un registre sécuritaire, elle doit devenir un enjeu majeur de connaissance de la société.