France Mayotte - La préfecture de La Réunion "est au courant" (actualisé à 11h30)

La maison de Mayotte à Saint-Denis, "chambre de rites funéraires clandestine"

  • Publié le 18 avril 2013 à 10:20

"La Maison de Mayotte accueille les morts". C'est la Une de France Mayotte Matin ce jeudi 18 avril 2013. Le journal révèle que la maison de Mayotte, située rue de l'Est à Saint-Denis, et qui assure à la fois le relais avec la communauté mahoraise et la promotion de l'île aux Parfums, "s'est transformée en chambre de rites mortuaires pour les Mahorais, qui apportent leurs défunts afin que les rites musulmans et ancestraux soient appliqués avant l'inhumation". Interrogés par Imaz Press Réunion, les services de l'Etat à La Réunion indiquent "être au courant parce que le conseil général de Mayotte a saisi la préfecture dans le courant du mois d'avril pour demander l'autorisation d'organiser ces rites funéraires à la maison de Mayotte". Ils précisent toutefois que pour le moment, "ce n'est pas autorisé". Mais selon le témoignage d'un homme d'origine comorienne, les rites mortuaires sont pratiqués à la maison de Mayotte depuis "un bon moment maintenant".

Selon le journal France Mayotte Matin, à La Réunion, "le volet outil de promotion touristique de Mayotte est aujourd’hui totalement inutilisable". L’organisation d’événements ouverts au grand public, tels que des "voulés" (rendez-vous gastronomiques), des danses traditionnelles ou des expositions", est devenue "impossible", rapporte France Mayotte.

En cause : "la maison de Mayotte a été transformée en chambre de rites mortuaires clandestine", indique le journal mahorais. En effet, en cas de décès, "au lieu d'être pris en charge par des pompes funèbres ou des mosquées adaptées, les corps sont envoyés à la maison de Mayotte pour y être traités, ce qui est totalement illégal", souligne France Mayotte. Le journal précise que "cela se produit de manière très régulière, en tout cas plusieurs fois par semaine. A tel point qu'il n'est désormais plus possible d'accueillir du public".

"Un premier rappel à la loi avait été notifié par les autorités locales, il n'a visiblement pas été entendu et à Mayotte, du côté des élus, nombreux sont ceux à être au courant. Mais rien n'est fait pour interdire la pratique qui a pris beaucoup d'ampleur", indique également France Mayotte.

Quant à savoir pourquoi les Mahorais ne font pas appel aux pompes funèbres  et pourquoi les corps des défunts ne sont pas transportés dans l’une des mosquées de l’île où tout est prévu pour recevoir et traiter les défunts selon les rites musulmans, le journal mahorais explique : "il n'existe pas à La Réunion de structure légale dédiée pour pratiquer les rites des Musulmans de Mayotte avant mise en terre". France Mayotte précise qu’il s’agit de "rites lourds, traditionnels et compliqués car la présentation du corps du défunt sur le 101ème département doit suivre une procédure très codifiée".

Ainsi, "dans un premier temps, on ferme les yeux, la bouche, on couvre le corps et on lui assure un bain mortuaire digne comprenant l'usage d'eau chaude, des plantes aromatiques, du camphre nommé ”Kanuru”, des feuilles de “Mtsinavu” et du coton pour boucher les orifices ainsi que du parfum". Par ailleurs, "la pratique du bain mortuaire doit suivre des étapes précises", rapporte France Mayotte. "Par le biais de massages, on appuie sur l'abdomen du mort pour vider les viscères. Les écoulements et les selles sont recueillis dans un trou fait sous le lit ou dans des bassines placées sous le lit", décrit le journal mahorais. "Cet acte pose un sérieux problème de santé publique lorsqu'il s'agit d'un décès très contagieux", poursuit le journal.

"La loi vient donc tout simplement limiter les possibilités de respecter les traditions ancestrales à La Réunion. Des rites que les pompes funèbres ne connaissent pas et que les mosquées réunionnaises n'appliquent pas pour des raisons d'hygiène et de sécurité imposées par les textes", note France Mayotte. Estimant que la maison de Mayotte est un endroit propice aux rituels, "une demande d'agrément a été déposée auprès de la commission départementale d'hygiène et de sécurité", selon France Mayotte, mais "elle a été refusée".

Interrogés par Imaz Press Réunion, les services de la préfecture indiquent "être au courant parce que le conseil général de Mayotte a saisi la préfecture dans le courant du mois d'avril pour que la maison de Mayotte puisse organiser les rites funéraires". Les services de la préfecture précisent qu'une réunion a déjà eu lieu avec l'ARS (agence régionale de santé) à ce sujet, et qu'une "réponse globale va être apportée au conseil général de Mayotte, en prenant en compte le contexte local". Si cette autorisation est délivrée, les rites pratiqués devront être conformes à la réglementation sur la manipulation, le traitement et le transports des défunts, précise la préfecture. Pour cela, la maison de Mayotte devra ainsi soit faire appel à des sociétés de pompes funèbres, soit à des organismes habilités pour le transport des corps, ou elle devra se faire habilitée elle-même pour cela, indique la préfecture. Reste à savoir pourquoi aucun rappel à la loi n'a été fait par l'autorité préfectorale alors qu'elle indique "être au courant" de pratiques "non autorisées" et donc illégales.

A La Réunion, il existe en effet des organismes habilités pour le transport des défunts. Amode Houssen, président du conseil régional du culte musulman de La Réunion (CRCM) précise ainsi que les musulmans originaires d’Inde ont mis en place une association  qui a pour nom les volontaires de l’entraide musulmane.  "Cette association est équipée d’un véhicule adapté au transport des corps et elle a une habilitation légale pour cela. Les membres de l’association, tous bénévoles, prennent totalement en charge la famille les obsèques. Outre le transport, ce sont eux qui s’occupent de toutes les démarches administratifs et rituelles : bains, communication auprès de la mosquée...", dit-il. Il ajoute que tous ces services sont entièrement gratuits. Il précise que les services de cette association sont accessibles à tous les Musulmans sunnites et chiites de l’île, mais qu’ils ne sont pas imposés aux familles "qui restent libres de choisir les modalités des funérailles".

Dans son édition de ce jeudi, France Mayotte soulevait "le problème du transport des corps jusqu'à la maison de Mayotte". Le journal indiquait que "là encore, les professionnels sont rarement sollicités en raison de leurs tarifs mais aussi parce qu'il paraît difficile de leur demander d'acheminer le corps d'une personne dans une maison accueillant du public". De ce fait, "les disparus voyagent bien souvent dans des camionnettes, des coffres de voitures, des banquettes arrière, ce qui est là encore totalement illégal", note France Mayotte. Il faut en effet "des cercueils, une entreprise patentée pour le transport et une escorte de police pour chaque commune traversée si le défunt est mort depuis plus de 48 heures".

"Or, il y a quelques jours, un homme est décédé à Saint-Benoît, sa dépouille est arrivée à la maison de Mayotte en toute discrétion bien loin des estampilles pompes funèbres agréées. Un autre est arrivé de saint-Pierre et ce, dans la même journée", rapporte France Mayotte. Le journal conclut en disant qu’à La Réunion, "depuis des années, les cadavres se promènent sur les routes sans que personne ne sache quoi que ce soit de ce “trafic” qui repose sur un lit de traditions obligées de disparaître en raison de la réglementation qui a bien du mal à proposer de la souplesse".

Selon le témoignage d'un homme d'origine comorienne, les rites funéraires "sont pratiqués à la maison de Mayotte depuis un moment déjà". Selon lui, les organismes habilités "n'acceptent pas forcément de s'occuper des défunts mahorais". "Pour ces associations, il ne suffit pas de dire que le défunt était musulman, il faut le prouver. Il faut être en mesure d'établir que la personne défunte allait régulièrement à la mosquée, ou du moins, qu'elle respectant les rites religieux et notamment qu'elle ne buvait pas d'alcool", dit-il. "S'il est de notoriété publique que le défunt ne respectait pas les préceptes de l'islam et si ses proches n'arrivent pas à prouver le contraire, alors oui organismes habilités à organiser des obsèques musulmanes refuseront de prendre en charge la personne décédéeé" ajoute-t-il ecore

"Je n’ai jamais entendu parler de cette pratique (le transport des corps dans des voitures particulières jusqu’à la Maison de Mayotte – ndlr)", indique un dignitaire religieux musulman. "Mais si cela se fait, je ne pense pas que les familles mahoraises le fasse sciemment dans le but de violer la loi. Elles font simplement comme elles feraient  à Mayotte sans forcement savoir que cela n’est pas légal", ajoute-t-il.

Ce dignitaire religieux ajoute : "Je sais aussi que souvent les hôpitaux appellent les familles lorsqu’un malade est à l’article de la mort et leur demande si elles veulent ramener la personne chez elle pour qu’elle meure entourée de ses proches et que son corps soit ensuite traité selon les rites religieux adéquats. Les familles prennent alors en charge le malade et s’il arrive qu’il décède dans la voiture qui le ramène chez lui, cela ne peut pas être considéré comme du transport illégal de corps".

www.ipreunion.com

 

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