Les personnes de même sexe pourront-elles un jour se passer la bague au doigt en France ? C'est le débat du moment, après le rejet de l'Assemblée nationale d'une proposition de loi PS susceptible d'ouvrir les unions maritales aux homosexuels. Pour les principaux concernés et les défenseurs des droits de l'Homme, ce refus est consternant et incompréhensible. Cela d'autant que la France, pays démocratique et laïc, rejette ce type d'union, alors que des pays à forte tradition religieuse, comme l'Espagne et le Portugal, ont finalement laissé la possibilité aux gays et lesbiennes de se marier. Pour d'autres, le mariage est clairement une instance sacrée et doit unir un homme à une femme.
Suite au refus de l'Assemblée de légaliser le mariage entre personnes du même sexe, les réactions de colère ont fusé de la part des associations qui militent pour les homosexuels en France. A La Réunion, Valérie Renouf, présidente de l'association LGBT 974, qui défend les droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels, fait part de son incompréhension : "je suis révoltée et indignée. Je ne comprends vraiment pas pourquoi les décideurs politiques refusent de nous accorder ce droit. C'est comme s'ils nous considéraient comme une sous-catégorie d'êtres humains".Le refus de l'Assemblée a aussi choqué les défenseurs des droits de l'Homme. "Le gouvernement français a un double discours", regrette Christophe Pomez, vice-président du comité local de la Ligue des droits de l'Homme. "D'un côté, la France approuve la résolution de l'ONU selon laquelle chacun doit pouvoir bénéficier de l'ensemble des droits et des libertés sans aucune distinction. De l'autre, elle refuse d'accorder le droit au mariage aux personnes de même sexe", explicite-t-il. Pour la Ligue des droits de l'Homme, "le discours de la France est hypocrite et discriminatoire". Christophe Pomez souligne : "Certes, chacun a ses convictions idéologiques, morales, religieuses. Mais l'Etat français est censé être laïc, et les valeurs conformistes idéologiques n'ont pas lieu d'exister dans le discours des hommes politiques".
Du côté des élus locaux, si certains refusent de s'exprimer sur le sujet, le député-maire Jean-Claude Fruteau se prononce haut et fort : "J'ai voté pour cette proposition de loi. Selon moi, le mariage est une institution civile, c'est un droit qui doit être accessible à tous les citoyens, quelle que soit leur orientation sexuelle". Il explique que les élus réfractaires au mariage homosexuel sont "ceux qui ont peur de l'opinion publique, et ceux qui laissent leurs conceptions religieuses et idéologiques prendre le dessus". Le député-maire estime par ailleurs que "la France est en retard par rapport à d'autres pays en ce qui concerne l'égalité des droits".
D'autres élus sont plus nuancés. Paul Técher, maire de Cilaos, déclare : "Je n'ai rien contre les homosexuels. Les élus ont obligation d'appliquer les lois et si le mariage homosexuel est autorisé, je le célébrerai". Cependant, son avis personnel sur la question est plus réservé. "En tant qu'individu, je pense que le mariage est une valeur sacrée et il doit s'établir entre un homme et une femme, notamment pour que l'espèce humaine perdure. Selon moi, la nature nous a imposé des normes, et elle ne permettrait pas de célébrer les unions homosexuelles" dit-il.
Ce discours est également celui des religions monothéistes. "Dans l'islam, l'homosexualité est condamnée, c'est une union contre-nature, répréhensible et contraire à la morale", indique Houssen Amode, président du conseil régional du culte musulman (CRCM) à La Réunion. "Pour autant, là, il ne s'agit pas d'un débat religieux, mais de politique, et c'est aux élus de se positionner sur la question. Les homosexuels auront droit au mariage civil si c'est inscrit dans la loi, ce qui n'est pas le cas actuellement", ajoute-t-il. Le président du CRCM estime par ailleurs que "La Réunion n'est pas encore prête à accepter ce type d'unions, car la religion et les valeurs morales sont très ancrées dans la société".
Pour le frère Arnaud Blunat, curé de la cathédrale de Saint-Denis, "l'homosexualité est le choix libre de certaines personnes, on ne peut pas les empêcher de vivre ensemble s'ils le souhaitent. Mais le mariage est l'union d'une femme et d'un homme". Pour lui, "la France ne doit pas légaliser le mariage homosexuel pour suivre un effet de mode". "Il doit y avoir un vrai débat à ce sujet, et les opinions religieuses y ont leur place parce que les valeurs judéo-chrétiennes ont forgé les sociétés civiles", estime-t-il.
Dans la religion tamoule, le discours est moins catégorique. "L'homosexualité n'est pas encouragée, car le but du mariage, c'est la procréation, mais elle n'est pas interdite", explique le swami Advayananda Sarasvati, responsable de l'ashram du Port. "Il existe des cas d'homosexualité et de bisexualité dans la mythologie et la littérature hindoues. Selon moi, le mariage, c'est avant tout l'harmonie entre deux personnes, peu importe leur sexe". Le swami considère : "il ne faut pas voir tout en noir ou en blanc. Il y a une grande variante de couleurs dans l'arc-en-ciel. Tous les goûts sont dans la nature, on doit juste les accepter". Lui, est persuadé que "tôt ou tard, le mariage homosexuel sera officialisé en France".
Quoi qu'il en soit, pour l'instant les homosexuels n'ont pas droit au mariage civil, et ils ont du mal à l'accepter. "A l'heure actuelle, on nous interdit le bonheur. C'est cruel. L'homosexualité est déjà suffisamment difficile à vivre au quotidien, entre les regards accusateurs, les moqueries, les reproches et les insultes. Que l'Etat refuse de nous reconnaître, c'est une souffrance supplémentaire. Nous ne demandons pas un mariage religieux, mais bien un mariage civil.On aimerait juste qu'on nous laisse nous aimer en toute liberté et que l'union homosexuelle soit officiellement reconnue et acceptée", conclut Valérie Renouf.
Samia Omarjee pour
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