"Plus de personnes meurent d'obésité que de sous-nutrition à l'échelle de la planète" déclarait le docteur André dans une émission de Télé Réunion "La Santé d'abord". À La Réunion, un adulte sur deux et 16 à 26 % des jeunes de 5 à 15 ans sont en surpoids ou obèses. Les chiffres réunionnais dépassent largement les moyennes nationales. En cause, les habitudes alimentaires mais aussi le développement économique réunionnais très rapide de ces 20 dernières années. De l'arrêt cardiaque, au diabète gras, les complications de santé dues à l'obésité sont graves pour la population. Cela alors que de simples mauvaises habitudes sont souvent à l'origine de l'obésité, comme le grignotage devant la télé. Pourquoi cette maladie des temps modernes sévit-elle autant à La Réunion?
Près d'un Réunionnais sur deux, parmi les plus de 18 ans, est en surcharge pondérale, c'est-à-dire en situation d'obésité ou de surpoids, contre 41% en métropole. Plus précisément, 15 % de la population réunionnaise est obèse contre 11 % en métropole, indique l'observatoire régional de la santé (Ors).L'union régionale des médecins libéraux de La Réunion (Urmlr) commence à parler d'obésité "quand le poids dépasse de 20 % le poids attendu pour la taille". La mesure s'effectue par le tour de taille et l'indice de masse corporelle (IMC). "Cet indice est un rapport entre le poids et la taille (poids en kg / taille au carré). Un IMC normal se situe entre 18 et 25. Entre 25 et 30 la personne est en surpoids, et au delà de 30 elle est atteinte d'obésité", explique le docteur Leroux, gastro-entérologue et nutritionniste à Saint-Pierre.
En un quart de siècle d'occidentalisation, le nombre de personnes en surcharge pondérale a augmenté en flèche à La Réunion. L'évolution de la corpulence a été mesurée par l'Ors chez les hommes appelés à effectuer leur service militaire de 1972 à 1998. Dans un document intitulé "Surpoids et obésité à La Réunion", l'Ors indique que les hommes en surpoids et en obésité ont respectivement augmenté de 8,2% et de 2,9%. "Sur l'ensemble de la période, la prévalence du surpoids et de l'obésité regroupés a été multipliée par 4,3 chez les conscrits réunionnais".
Ces statistiques révèlent le revers du développement économique accéléré qu'a connu l'île ces vingt dernières années. Des facteurs génétiques et environnementaux expliquent également les pourcentages plus élevés de personnes en surcharge pondérale. "Nos ancêtres étaient majoritairement des esclaves, et recevaient très peu de nourriture" rappelle Frédérique Macé, diététicienne et chargé de mission à l'institut régional d'éducation et de promotion de la santé (Ireps). Elle ajoute, "leurs corps étaient donc habitués à stocker plus que la normale".
Parallèlement les habitudes alimentaires ont profondément changé. Aujourd'hui, "l'équilibre n'a pas été trouvé entre les traditions culinaires créoles et l'arrivée des aliments occidentaux" affirme Frédérique Macé. Une des causes de la prévalence du surpoids à La Réunion est "l'accumulation des plats traditionnels réunionnais (riz, grain, cari) et des produits occidentaux, comme les chips et les sodas" précise la diététicienne. Le docteur Rivière, du service médical du conseil général remarque: "en 20 ans nous avons remplacé les brèdes de nos repas quotidiens par de la viande grasse comme le porc".
S'il est aisé de constater dans la rue ou dans les bus, que de plus en plus de personnes sont en surcharge pondérale, peu d'études réalisées à La Réunion permettent de quantifier cette observation. La Réunion est passée rapidement "d'une économie de subsistance à une économie d'abondance avec accumulation des modèles alimentaires" écrit le Dr Alcaraz, directeur de la santé publique au conseil général, dans une présentation du plan départementale de lutte contre l'obésité (PDLO). Tout le monde garde en mémoire qu'il n'y pas si longtemps, "nos parents et grands-parents étaient en situation de manque", rappelle Frédérique Macé, "aujourd'hui où tout est accessible et disponible en grande quantité, les personnes achètent et mangent beaucoup pour se faire plaisir".
La récente accessibilité à l'alimentation et à l'abondance, la diversification des produits, l'arrivée d'aliments plus gras, la sédentarisation des modes de vie sont des facteurs environnementaux propres à La Réunion que la diététicienne Frédérique Macé considère comme des pistes de réponses concernant l'évolution de la corpulence des Réunionnais. "La voiture a remplacé la marche à pied, les jeux vidéos ont remplacé les jeux d'extérieur" remarque-t-elle.
Plus qu'un souci esthétique, le constat est inquiétant pour la santé des Réunionnais. Plus d'un tiers des décès à La Réunion est dû à des pathologies associées à la surcharge pondérale. Parmi les complications de santé liées au supoids ou à l'obésité, figurent le diabète, les maladies cardio-vasculaires, les apnées du sommeil, les problèmes d'articulations comme l'ostéo-arthrite, et certains cancers. Le docteur Leroux explique, "la majorité des complications sont causées par l'accumulation de graisse dans les parties supérieures, lorsque la graisse s'amasse autour des viscères, comme le foie et la rate". Il s'agit d'obésité androïde. L'obésité dite "gynoïde" se caractérise quand à elle par une accumulation de graisse sous la peau dans les parties inférieures.
Face à l'obésité ou au surpoids, la solution c'est "le régime" répond le docteur Leroux. "Il faut rééquilibrer le bilan, entre les dépenses énergétiques et les apports, en l'occurrence les aliments" explique le docteur Leroux. Pour lui, le plus délicat est le mental. "L'obésité a un retentissement sur la psychologie" précise le praticien, "c'est un cercle vicieux, les personnes n'aiment pas leur image et donc mange plus".
Marie Trouvé pour