L'arrĂȘtĂ© visant Ă autoriser la pĂȘche aux requins de 2022 Ă 2024 pris par le prĂ©fet de La RĂ©union le 28 dĂ©cembre 2021 est suspendu, suite Ă une ordonnance du juge des rĂ©fĂ©rĂ©s du tribunal administratif de La RĂ©union rendue ce lundi 28 mars 2022. L'instance judiciaire avait Ă©tĂ© saisie le 22 fĂ©vrier par plusieurs associations, Sea Shepherd France, One Voice, Longitude 181 Nature, Vie OcĂ©ane et le Taille-Vent. Ces derniĂšres demandaient la suspension de l'arrĂȘtĂ©. Le juge leur a donnĂ© raison, invoquant un " doute sĂ©rieux quant Ă la lĂ©galitĂ© de l'arrĂȘtĂ© prĂ©fectoral du 28 dĂ©cembre 2021 ". Cette suspension vient mettre un nouveau coup de frein sur la pĂȘche aux requins sur les cĂŽtes rĂ©unionnaises.
Dans lâarrĂȘtĂ© en question, le prĂ©fet de La RĂ©union avait autorisĂ© pour deux ans (de 2022 Ă 2024) le prĂ©lĂšvement de requins dans un rayon dâun mille nautique, soit 1852 mĂštres, " autour du lieu oĂč sâest produit chaque observation ". Cet arrĂȘtĂ© autorisait par ailleurs la pĂȘche de deux espĂšces de requin, Ă savoir le requin bouledogue et le requin tigre. " Les prises accessoires et les espĂšces vivantes de requins autres que celles visĂ©es sont systĂ©matiquement relĂąchĂ©es ", assurait la prĂ©fecture.
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Câest cet arrĂȘtĂ© qui a donc Ă©tĂ© attaquĂ© par un collectif dâassociations en demandant sa suspension en rĂ©fĂ©rĂ©. Pour ce faire, ils justifiaient de lâurgence en arguant que " la rĂ©itĂ©ration de ce dispositif de prĂ©lĂšvement de requins cause un prĂ©judice irrĂ©versible Ă lâenvironnement, notamment au regard des intĂ©rĂȘts et objectifs de la RĂ©serve marine, et des atteintes Ă des espĂšces vulnĂ©rables et protĂ©gĂ©es ".
Le juge des rĂ©fĂ©rĂ©s a reconnu le caractĂšre dâurgence, reconnaissant que les requins bouledogues et les requins tigres sont des espĂšces " respectivement inscrites sur la liste rouge de lâUICN comme " vulnĂ©rables " et " quasi-menacĂ©es " et que leur prĂ©lĂšvement " affecte directement la zone de protection renforcĂ©e de la RĂ©serve naturelle nationale marine de La RĂ©union ainsi que les objectifs environnementaux inhĂ©rents au classement en rĂ©serve naturelle ".
Les demandeurs Ă©voquaient aussi des vices de procĂ©dures, la prise de cet arrĂȘtĂ© " nâayant Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ© ni de consultation du public [âŠ) dĂšs lors que la note de prĂ©sentation au public prĂ©sente un caractĂšre insuffisant, ni dâune consultation du comitĂ© consultatif et du conseil scientifique de la RĂ©serve marine ". Ils arguaient aussi que la mesure " nâapparaĂźt pas pertinente en vue de la diminution du risque dâattaques ", constituant une " erreur manifeste dâapprĂ©ciation ".
Sur ce point, le juge des rĂ©fĂ©rĂ©s note que, si une consultation du public a bien eu lieu, elle nâa donnĂ© lieu Ă " aucune synthĂšse qualitative des 751 avis et observations du public ". Il note Ă©galement lâabsence de motivation " pour Ă©carter ces observations pourtant dĂ©favorables Ă prĂšs de 90%.
La note de prĂ©sentation de lâarrĂȘtĂ© est aussi pointĂ©e du doigt, ne justifiant pas suffisamment de " lâutilitĂ© de cette mesure pourtant trĂšs controversĂ©e Ă raison notamment des risques de prises accessoires et dâatteinte aux objectifs de la rĂ©serve marine ".
Le juge constate par ailleurs que, selon un bilan communiquĂ© par la prĂ©fecture, de 2019 Ă 2021, " 942 jours de pĂȘches ont Ă©tĂ© comptabilisĂ©s occasionnant 515 prises dites accessoires et le prĂ©lĂšvement de 53 requins bouledogues et de 281 requins tigre, alors mĂȘme que cette espĂšce inscrite sur la liste rouge de lâUICN comme " quasi menacĂ©e " nâa Ă©tĂ©, selon les donnĂ©es de la prĂ©fecture, impliquĂ©e que dans une seule attaque et sans que la dĂ©fense ait Ă©tĂ© en mesure de prĂ©ciser les lieux ou circonstances de ces pĂȘches et prises ".
" Dans ces conditions, les moyens tirĂ©s de ce que lâarrĂȘtĂ© a Ă©tĂ© pris Ă lâissue dâune procĂ©dure irrĂ©guliĂšre faute dâune information suffisante et pertinente du public et, quâil est entachĂ© dâune erreur manifeste dâapprĂ©ciation eu Ă©gard Ă son impact sur lâenvironnement et les objectifs de la rĂ©serve marine, au regard des objectifs poursuivis et de lâutilitĂ© du dispositif mis en Ćuvre, sont de nature Ă crĂ©er un doute sĂ©rieux quant Ă la lĂ©galitĂ© de lâarrĂȘtĂ© prĂ©fectoral du 28 dĂ©cembre 2021 ", conclut le juge des rĂ©fĂ©rĂ©s.
Pour Didier Derand, reprĂ©sentant du collectif dâassociations qui est Ă lâorigine de la saisine, câest " une petite victoire, certes, mais qui je lâespĂšre en appellera dâautres bien plus grandes pour les requins et pour notre patrimoine marin ".
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