Insertion professionnelle des personnes handicapées

Double "racket budgétaire" aux dépens du handicap

  • Publié le 17 novembre 2014 à 05:15
Handicapé

La perspective du prélèvement arbitraire de 87 millions d'euros, en trois ans, sur les réserves de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (AGEFIPH) prévue par l'article 62 du projet de loi de finances pour 2015, n'ayant suscité ni véritable hourvari parlementaire ni véritable "buzz", François Rebsamen - ministre du Travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social - s'est cru autorisé à dupliquer ce prélèvement en ponctionnant, via un amendement impromptu (numéro 455), le Fonds d'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) du même montant, sur la même période.

En conséquence, ce ne sont plus 87 millions d'euros qui seront pris dans les caisses des associations d'aide aux travailleurs souffrant d'un handicap, mais 174 millions d'euros. Pour le gouvernement qui s'exprime par la bouche du ministre Rebsamen, ce détournement de fonds, d'objectif ou de charges, serait légitime car "il minore (…) les dépenses faites sur le budget du ministère de l’Emploi au titre des emplois aidés…"

Dans l'espoir de couper court à un débat fatalement délicat sur le sujet, en pleine assemblée, François Rebsamen a légitimé comme suit le prélèvement opéré manu militari sur les fonds du FIPHFP : "La contribution complémentaire de ce fonds sera intégralement utilisée pour financer une partie des emplois aidés à destination des travailleurs handicapés dans le secteur non marchand. Ces 29 millions d’euros correspondent au financement d’environ 10 000 emplois aidés alors même que 50 000 travailleurs handicapés bénéficiaient déjà d’emplois aidés en 2013. Cette contribution n’est donc qu’un co-financement qui n’a rien de limitatif quant au nombre de bénéficiaires d’emplois aidés…"

Majorité présidentielle oblige, article 62 et amendement numéro 455 furent adoptés sans coup férir, le 3 novembre dernier, par les députés.

Des questions de l'opposition furent posées lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2015, consacrée au chapitres Travail et emploi, qui portaient principalement sur la destination effective des 174 millions d'euros puisés pour raisons "de bonne et saine gestion" dans les réserves des fonds paritaires. Ainsi de l'interpellation d'Isabelle Le Callennec (UMP) : "Vous acceptez des amendements du groupe socialiste – 30 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi et 15 000 emplois d’avenir de plus – sans nous avoir dit, en commission élargie, comment vous les financerez. Au vu de cet amendement, on a le sentiment que vous allez en financer une partie grâce aux fonds de l’AGEFIPH. Nous n’avons encore aucune garantie que les 29 millions d’euros seront bien destinés exclusivement à l’emploi des personnes handicapées…"

Même souci manifesté par Dominique Tian (UMP) : "Nous avons l’impression que, par cet amendement, vous financez des emplois aidés au moyen d’un prélèvement sur des fonds réservés au handicap. Il s’agit en quelque sorte de récupérer un " fond de tiroir ", c’est-à-dire 29 millions d’euros, et de l’employer au financement des emplois aidés et pas du tout à celui de l’insertion des personnes handicapées…"

"Main basse du gouvernement sur l'argent du handicap"

Leur positionnement fait écho à celui des principaux intéressés, l'Association des paralysés de France, par l'intermédiaire de son président, Alain Rochon, parle de "racket budgétaire".

Par communiqué du 7 novembre, les organisations siégeant au FIPHFP dénoncent "la main basse du gouvernement sur l'argent du handicap (…) après la scandaleuse ponction de l’Etat d’un montant identique de 29 millions sur l’AGEFIPH (Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées), il récidive avec une ponction du FIPHFP.  Cet acte est grave car il diminue les moyens de ce fonds pour les personnes handicapées qui cherchent un emploi ou qui veulent le conserver au sein des trois versants de la fonction publique (…) nous considérons cette ponction de 29 millions d’euros comme un mépris pour les personnes handicapées et pour une instance ayant vocation à promouvoir leur insertion professionnelle dans la fonction publique…"

On retrouve là les positions manifestées par le comité d’entente des associations de personnes en situation de handicap au sujet de l’AGEFIPH : "Après les nombreux transferts de charges et de missions de l’Etat vers l’AGEFIPH (gestion de la déclaration annuelle de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, gestion de la reconnaissance de la lourdeur du handicap ...) et les ponctions déjà opérées sur les fonds de l’AGEFIPH, l’Etat vient de décider, une nouvelle fois unilatéralement, de prélever 29 millions d’euros dans le cadre du projet de loi de finances 2015 (…) l’Etat n’apporte aucune garantie sur l’utilisation de cette (…) il est à craindre que la création de contrats aidés supplémentaires à ceux actuellement financés sur le budget de l’Etat, ne vienne en déduction de l’action de l’Etat au bénéfice des personnes handicapées, au moment où celles-ci en ont le plus besoin."

Philippe Le Claire pour www.ipreunion.com

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3 Commentaires
Mamyocline
Mamyocline
10 ans

Etre "doté" d'un handicap de nos jours n'est pas un cadeau ! Et pourtant , si vous saviez la force que possèdent certains enfants handicapés!
Lorsque mon fils a été déclaré "handicapé" parce qu'atteint d'une maladie orpheline ,tout s'est effondré pour moi , pour toute la famille !
Mais grâce à l'association ANC et le recul qu'a pris mon fils sur son fardeau , c'est lui qui nous a porté ! Alors , à tous ces décideurs qui ont perdu leur humanité , je dis : n'attendez pas d'avoir un handicapé dans votre proche chair pour " grandir" !

gramounfm
gramounfm
10 ans

Bravo à Imaz Press d'avoir dénoncé ce scandale et honte aux médias et aux politiques qui restent silencieux !

Citoyens du Sud
Citoyens du Sud
10 ans

l’action de l’Etat au bénéfice des personnes handicapées, au moment où celles-ci en ont le plus besoin?!? Ici on ne peut meme pas voir un médecin de la MDPH pour mise à jour de l'handicap10ans après! alors, quels droits et quelle protection? Tout le monde sait que ces budgets votés sont détournés dès le début.