Des coquilles Ă©clatĂ©es, des carcasses, des ossements... Sur les plages de Mayotte c'est toujours le mĂȘme spectacle. Le braconnage des tortues marines se porte bien, malgrĂ© les efforts conjoints des acteurs qui ouvrent pour la protection des espĂšces protĂ©gĂ©es. En fĂ©vrier dernier, l'association mahoraise Oulanga na Nyamba (Environnement et tortue) a lancĂ© une pĂ©tition sur Change.fr pour alerter le MinistĂšre de la transition Ă©cologique et solidaire. Plus de 3.700 personnes l'ont signĂ©e. Deux mois plus tard, oĂč en est-on ?
"Avec cette pĂ©tition, nous nâavions pas dâobjectif particulier Ă atteindre si ce nâest dâalerter les pouvoirs publics. Nous avons eu la visite dans nos locaux du directeur de la police nationale de lâAgence française pour la biodiversitĂ©. Nous avons donc fait rĂ©agir," estime François-Eli Paute, membre dâOulanga Na Nyamba.
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Pour autant, rien nâest vraiment gagné⊠Lâune des revendications de lâassociation environnementale Ă©tait dâobtenir des moyens humains consĂ©quents, des renforts engagĂ©s sur le long terme pour la protection de la biodiversitĂ©. "Des choses qui ne sont pas possible de maniĂšre pĂ©renne par manque de fonctionnaires mobilisables," souffle le militant.
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Sept agents seulement pour surveiller une cinquantaine de plages de ponte
A Mayotte, les moyens engagĂ©s par l'Etat "sont insuffisants. Nous ne sommes que sept agents dĂ©diĂ©s Ă la lutte contre le braconnageâŠ", nous expliquait il y a quelques mois Franck Charlier, syndicaliste au SNE-FSU (Syndicat national environnement), chargĂ© de lutter contre les braconniers. Seulement sept agents pour surveiller une cinquantaine de plages oĂč viennent pondre les tortues. Bien trop peuâŠ
D'autant plus que les braconniers "ont changĂ© de stratĂ©gie, tĂ©moigne un membre de l'association Oulanga na Nyamba. Ils sont aujourd'hui organisĂ©s en rĂ©seau, comme des trafiquants de drogue. Ce sont de vĂ©ritables filiĂšres: ils vont en nombre sur les plages et sont agressifs." TrĂšs bien structurĂ©es, elles se partagent le territoire. "Chaque groupe Ă son endroit, comme une chasse gardĂ©e. Les plages ne sont parfois quâaccessibles en bateau, ils viennent, dĂ©coupent plusieurs tortues sur la plage et repartent. Il est trĂšs compliquĂ© dâessayer dâavoir des informations, personne ne parle, câest interdit," poursuit François-Eli Paute. Il existe Ă©galement des braconniers opportunistes, qui emportent lâanimal dans leur voiture et la dĂ©bite une fois chez euxâŠ
Une viande de luxe
DâaprĂšs le REMMAT (RĂ©seau dâEchouage Mahorais de MammifĂšres marins et de Tortues marines), plus de 230 tortues ont Ă©tĂ© braconnĂ©es Ă Mayotte en 2016, et prĂšs de 300 en 2015. En sachant que ce rĂ©seau "n'Ă©chantillonne que la partie visible de lâiceberg. Les braconniers peuvent cacher les carapaces ou les jeter en mer," indique Franck Charlier.
Sur le marchĂ© noir, la viande de tortue peut se vendre entre 10 et 15 euros le kilo et peut monter jusqu'Ă 30-40 euros. Une seule tortue peut donner jusquâĂ 80 kilos. En comparaison, le poisson est moins cher, il se vend entre 5 Ă 7 euros le kilo.
Seulement quatre à six affaires de braconnage devant la justice chaque année
En 2017, la réglementation s'est durcie et les contrevenants risquent désormais entre un et deux ans de prison ferme et jusqu'à 150.000 euros d'amende. En août dernier, par exemple, cinq braconniers, surpris avec une tortue verte de 150 kilos à bord de leur véhicule, ont été jugés en comparution immédiate. Deux, récidivistes, ont été condamnés à un an de prison ferme, les deux autres à une peine de six mois de prison ferme.
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Mais finalement, la loi est peu appliquĂ©e et seules quatre Ă six affaires parviennent jusqu'au tribunal chaque annĂ©e. "Il y a quand mĂȘme une prise de conscience, la justice rĂ©agit. Mais ce sont surtout les "petites mains" dâun rĂ©seau bien structurĂ© qui sont attrapĂ©es et condamnĂ©es," tient Ă prĂ©ciser François-Eli Paute.
Du cĂŽtĂ© des consommateurs de viande de tortue, interdite, "Ă ma connaissance, personne nâa jamais Ă©tĂ© condamnĂ©. Elle est vendue en cachette, consommĂ©e en cachette entre hommes, en petit comitĂ© avec de lâalcool. Nous savons seulement que la demande augmente lors de la saison des mariages et pendant le Ramadan parce quâon observe une forte activitĂ© de braconnage," dĂ©taille le militant dâOulanga na Nyamba.
A La Réunion, les cas de braconnage sont trÚs rares
Sur lâĂźle de La RĂ©union, les tortues, sont protĂ©gĂ©es et choyĂ©es depuis les annĂ©es 80. "Il y a un ou deux cas de braconnage par an. C'est exceptionnel. Rien Ă voir avec ce qui se passe Ă Mayotte," signale StĂ©phane Ciccione, directeur de Kelonia l'observatoire des tortues marines. Le 19 mars dernier, une jeune tortue verte, "Dodo" a Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ©e par des plongeurs. TrĂšs affaiblie, elle prĂ©sentait une lĂ©sion circulaire sur le sommet de crĂąne, trĂšs probablement provoquĂ©e par une flĂšche de fusil harpon... "Je pense que nous l'avons sauvĂ©e mais je ne sais pas si elle aura la capacitĂ© Ă repartir vers son milieu naturel. Pour le moment, elle flotte et n'arrive pas Ă plonger...," soupire le directeur de KĂ©lonia.
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Finalement, les principales menaces qui pÚsent sur les tortues réunionnaises sont la pollution et les chocs avec les bateaux. "En moyenne, nous récupérerons 25 à 30 tortues par an à Kélonia, ajoute Stéphane Ciccione, un peu moins de dix décÚdent."
nt/www.ipreunion.com

