L'intérêt écologique reste à prouver

Échanges, remboursements... un vrai casse-tête pour le consommateur sans ticket de caisse

  • Publié le 11 août 2023 à 15:55
ticket de caisse

Depuis le 1er août 2023, les Réunionnais ont dit au revoir au fameux ticket de caisse papier. Une mesure prise au nom de l'écologie. Le geste se veut écologique en termes d'économie de papier, mais son efficacité reste à démontrer. De plus, ce bout de papier est un repère pour beaucoup de consommateurs, pas forcément prêts à s'en défaire. D'autant qu'en cas d'erreur sur le produit, le ticket est toujours d'utilité. Et quid des données personnelles enregistrées ? (Photo : sly/www.imazpress.com)

Imaz Press est allé interroger quelques personnes sur le sujet. Sont-ils pour ou contre la suppression de l'impression automatique du ticket de caisse.

Le contre l'emporte majoritairement. S'ils comprennent la suppression du papier ticket pour des fins écologiques, ils comptent bien le réclamer à chacun de leur passage en caisse.

Certains dénonçant même "l'attitude voleur" des grandes enseignes. "Quand c'est deux trois achats on peut se passer du ticket mais il faut que les commerces fassent les choses correctement et mettent les vrais prix et en rayon et à la caisse", note Josiane, une mère de famille de Saint-Denis.

"C'est très bien d'un point de vue écologique mais il faut être prudent avec les erreurs de prix en caisse, les promotions…il faut vérifier", lance une de nos internautes.

À l'inverse, d'autres préfèrent ne pas s'encombrer de cette petite paperasse qui finit très souvent à la poubelle. "Je préfère retrouver mon ticket dans mes mails ou sur mon téléphone comme ça j'en ai terminé avec tous ces papiers volants", note Karine, mère de famille.

Ce qui est certain, "c'est que ce n'est pas cette mesure qui va faire baisser le prix et stopper l'inflation", ajoute encore Jean-Luc.

Plusieurs associations de consommateurs – et notamment UFC-Que Choisir – ont d'ailleurs rappelé que ce ticket est "un outil de gestion du budget familial" qui permet de "vérifier l'exactitude du montant de la transaction".

La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) s'est d'ailleurs engagée à effectuer des contrôles sur ce point et vérifiera "la cohérence entre le prix affiché en rayon et le prix passé en caisse", note Bercy.

À noter qu'il existe des exceptions. Certains tickets seront toujours imprimés, notamment lorsque vous effectuerez l'achat de biens "durables", à savoir des appareils électroménagers ou des équipements informatiques.

La liste complète est indiquée dans l'article D211-6 du code de la consommation.

Lire aussi - Fin de l'impression systématique du ticket de caisse au 1er août: cette fois, c'est la bonne

- Sans ticket, le casse-tête des remboursements -

Des consommateurs qui se demandent d'ailleurs comment ils feront dès lors qu'il y aura une erreur en caisse ou qu'un vêtement est à échanger. "Quelle preuve on aura", se demande Elena. Car si sa destinée se finit souvent au fond d’une poche ou dans une poubelle, il a son utilité : c’est l’unique preuve d’un achat.

Sa suppression suscite donc des interrogations, notamment en cas de problème sur un article. Erreur de taille ou de pointure, défaut, cadeau qui n’a pas plu, produits périmés… Comment faire pour échanger ou se faire rembourser ?

À La Réunion des Marques, boutiques spécialisées dans le déstockage de marques situées à Saint-Paul et Saint-Pierre, on l'assure, "tout est enregistré sur le compte des clients, donc s'il y a un retour, pas de soucis", note le gérant, Bertrand Liot.

Selon lui, ne plus donner systématiquement le ticket de caisse "est une bonne chose pour l'environnement et cela fait faire un peu d'économies".

L'équipe de Chaus'en Folie déclare elle, "en ce qui concerne les échanges ou le retour d'un article, toutes les caisses de nos boutiques sont digitalisées". "Dès lors qu'une cliente donne son nom, prénom et coordonnées, nous pouvons retracer tous les achats effectués dans notre enseigne", ajoute l'équipe.

En ce qui concerne le ticket de caisse et la fin de son édition obligatoire, "nous nous adaptons au mieux aux nouvelles législations qui nous sont imposées", nous confie le service de Chaus'en Folie. "Si cela permet de réduire le gaspillage de papier, d'encre et autres substances liées à l'impression des tickets, pourquoi pas."

Chez Sidiot Lingerie, "la suppression du ticket de caisse n'est pas une bonne chose". "Mais chez nous, toutes les ventes sont aussi notées manuellement, donc aucun souci pour un échange", précise la gérante.

Pour l'enseigne Jacadi Réunion, "la majorité de nos clients sont enregistrés dans notre base de données clients, ce qui nous permet de les retrouver facilement en cas d'échange ou de retour, même en l'absence d'un ticket de caisse. De plus, pour les achats effectués en tant que cadeau, nos clients ont l'habitude de nous solliciter pour obtenir un ticket de caisse imprimé, excluant le prix du produit, afin de faciliter d'éventuels échanges".

"Actuellement, nous continuons à imprimer plus de 50% des tickets de caisse à la demande des clients qui préfèrent avoir une preuve physique de leur transaction, ce qui contribue à renforcer leur sentiment de confiance. Toutefois, il est évident que des efforts de sensibilisation restent nécessaires pour encourager progressivement tous les acteurs à adopter cette nouvelle approche", conclut la marque Jacadi.

Si ces commerces digitalisent les tickets de caisse, il est certain que le fait de ne pas avoir la preuve papier pour faire un retour de produit inquiète quelques clients.

Certes, ils peuvent demander l'impression du ticket, mais parfois, on ne pense pas à le demander, tant l'automatisme de le recevoir à chaque fois est présent. Et c'est alors là que se pose la question de : comment se faire rembourser ou échanger un article sans preuve d'achat ?

Si le client ne veut pas de la version papier, il est possible de le recevoir en format dématérialisé (email, SMS ou QR Code). Mais le cabinet de la ministre déléguée au Commerce, Olivia Grégoire, indique toutefois que la transmission du ticket par voie électronique n’est pas obligatoire : "si le commerçant n’a pas les moyens technologiques de le faire, il peut le refuser".

En revanche, si vous bénéficiez d’une carte de fidélité du magasin, pas de stress. Le programme permet de conserver tout l’historique d'achats. En cas de problème, il sera donc plus simple de pouvoir faire une réclamation.

Si vous décidez néanmoins de quitter le magasin les mains dans les poches et qu’une fois rentré chez vous vous n'êtes plus satisfait de votre achat, les retours produits vont être difficiles.

Le client pourra contacter le service client. Et si rien ne s’arrange, le consommateur peut toujours saisir le service de médiation du commerce et de la distribution. Un dispositif mis en place en 2016 qui intervient en cas de litige avec un vendeur sur la base d’un contrat de vente. Mais attention, avant toute démarche le client doit envoyer un courrier de réclamation au vendeur "pour tenter de résoudre le litige et que celui-ci ait été refusé ou soit resté sans réponse durant un délai de 21 jours à un mois", précise la Fédération du commerce et de la distribution (FDC). C’est la seule condition pour être suivi par le médiateur.

- Ticket dématérialisé et données personnelles enregistrées -

"Tout est enregistré sur le compte des clients", nous dit Bertrand Liot, gérant de À La Réunion des Marques. " "Dès lors qu'une cliente donne son nom, prénom et coordonnées, nous pouvons retracer tous les achats effectués dans notre enseigne", ajoute l'équipe de Chaus'en Folie.

L’arrivée des tickets dématérialisés fait émerger la crainte d’un raz-de-marée de sollicitations commerciales indésirables des magasins et la récupération des données personnelles.

En réalité, les marchands ne pourront pas faire n’importe quoi. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a rappelé que le respect de la réglementation (le RGPD) demeure incontournable, en cas de collecte de coordonnées.

À cette occasion, la Cnil a rappelé plusieurs lignes directrices : si l’option du ticket dématérialisé est retenue, le commerçant doit opter pour une solution qui minimise autant que possible la collecte de données personnelles, et de préférence l’évite. Pour autant, la Cnil admet des cas de figure où de la prospection commerciale basée sur ces données personnelles peut survenir.

Ainsi, "la publicité par voie électronique est possible à condition que les personnes aient explicitement donné leur consentement avant d’être démarchées". Il peut exister des exceptions à ce consentement, comme l’intérêt légitime. Ce scénario est possible si la personne est déjà cliente de la boutique et si la prospection porte sur des produits ou des services similaires de l’enseigne.

Il est demandé aux enseignes d’informer correctement les individus des tenants et des aboutissants du ticket de caisse dématérialisé, afin qu’ils puissent se décider en toute connaissance de cause. Il faut aussi leur donner les moyens de s’opposer, facilement et gratuitement, à l’utilisation de leurs données ; par exemple, un bouton de désinscription à chaque envoi de mail.

La CNIL rappelle les règles que les commerçants doivent respecter dans une fiche dédiée.

Reste à savoir comment récolter le consentement sans rallonger les files d'attente en caisse. La procédure (orale ou écrite) reste floue et les professionnels sont toujours en attente du décret d’application de la loi anti-gaspillage.

- Des ressources qui polluent l'esprit et la planète -

Si l'argument avancé pour supprimer l'impression obligatoire du ticket de caisse est celui de l'environnement, les bénéfices environnementaux de la disparition du ticket de caisse sont discutés, car des critiques pointent le bilan carbone du mail, supposément plus lourd.

En revanche, on a déjà une idée de l’empreinte carbone qui pourrait être laissée par un e-ticket de caisse. Cité par Les Échos, Xavier Verne, ingénieur télécom, agrégé de mathématiques, explique qu’un mail pourrait faire entre 0,2 Mo et 1 Mo, si ce mail est léger (pas de grosse mise en page, pas trop de publicités, etc.). Or, un mail de 1 Mo aurait une empreinte carbone de 19 grammes, selon les estimations de l’Ademe.

Des emails, des pièces jointes, des réunions par visio… ces échanges que l'on pense rapide et sans danger, le sont pour les salariés, mais aussi pour l'environnement. "Les flux de communication migrent toujours plus vers des services hébergés sur le cloud. Les données virtuelles y sont physiquement hébergées, et de nombreuses fois répliquées, au sein de datacenters qui consomment toujours plus d'énergie avec l'explosion des volumes de données."

Ces datacenters qui représentent près de 3% de la consommation mondiale en 2022 et qui, d'ici 2030 ; devraient représenter plus de 10%. Sachant qu'un mail, pour son usage et son stockage, émet 7,1 kilos de CO2 par an. Tout en sachant que de nombreuses données sont stockées inutilement.

Ce sont d'ailleurs les pièces jointes qui sont responsables de la plus grande partie du poids des emails. 85% du volume total du partage de fichiers est généré par 10% des emails.

Pour le ministère, c’est toutefois un faux problème, car ce qui est obligatoire ici, c’est la disparition du ticket de papier. Le ticket dématérialisé n’est pas imposé.

Quoiqu'il en soit, qu'il s'agisse d'un achat cadeau qui pourrait être échangé ou faire l'objet d'un remboursement ou même d'un produit qui pourrait entraîner l'activation d'une garantie légale de conformité, l'Institut national de la consommation et la plupart des spécialistes préconise le recours au ticket de caisse, papier ou automatique, afin de conserver une preuve d'achat qui facilitera grandement les démarches du consommateur.

Au final, en cas de doute et pour éviter toutes déconvenues, mieux vaut garder une preuve d’achat, papier ou numérique.

En d’autres termes, ce n'est pas encore demain que les Réunionnais diront totalement adieu au ticket de caisse.

Lire aussi - Mails, pièces jointes, réunions digitales...  une étude met en garde contre le stress numérique

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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2 Commentaires
Sauve ta planète mouais...
Sauve ta planète mouais...
2 ans

J'ai eu mille peines à me faire rembourser un paquet de biscuit périmé à Carrefour. Ils m'obligent à aller sur internet, faire un compte client et compagnie. C'est l'organisation avec la bénédiction de Macron du fichage des consommateurs pour la grande distribution surtout. Encore une largesse pour les groupes agro ultra riches. Le fichage des consommateurs vaut de l'or pour cette industrie et l'Etat le leur offre sous couvert de sauver la planète. Pfff

Dom
Dom
2 ans

Le ticket envoyé par mail, N EST PAS plus écologique, quand on sait la consommation d'énergie que cela demande.