Il encourt 30 ans de prison

Assassinat de Samuel Paty : le Réunionnais Louqmane Ingar, 22 ans, ne se sent responsable de rien

  • Publié le 12 décembre 2024 à 10:50
  • Actualisé le 12 décembre 2024 à 10:52

En contact sur les réseaux sociaux avec Abdoullakh Anzorov, l'assassin du professeur Samuel Paty, deux des accusés de la "jihadosphère" ont rejeté mercredi devant la cour d'assises spéciale de Paris toute responsabilité dans cet assassinat. Parmi ces accusés, le Réunionnais Louqmane Ingar, 22 ans, ne se sent responsable de rien. Il encourt 30 ans de réclusion criminelle.

Contrairement à Ismaïl Ganaev, autre membre de la "jihadosphère", qui a reconnu mardi sa culpabilité et dit sa "honte", ni Louqmane Ingar, ni Priscilla Mangel, la seule femme parmi les huit accusés, n'ont exprimé de regrets malgré leurs liens avérés sur les réseaux avec le jeune Tchétchène qui a décapité le professeur d'histoire-géographie à la sortie de son collège le 16 octobre 2020.

"Je conteste ma culpabilité", déclare à la barre Louqmane Ingar, 22 ans, qui comparaît libre après un an de détention provisoire.

Le jeune Réunionnais, en veste bleu marine et chemise blanche, est poursuivi pour avoir "administré" et "participé activement" au groupe Snapchat baptisé "Etudiants en médecine" aux côtés notamment d'Ismaïl Gamaev et d'Abdoullakh Anzorov.

Louqmane Ingar envisageait, selon l’accusation, de quitter la France pour rejoindre l’Afghanistan ou la Syrie "dans les rangs d’une organisation terroriste". Il a passé un an en détention provisoire avant d’être placé sous contrôle judiciaire le 10 novembre 2021.

- Un prévenu qui explique "jamais radicalisé" -

Le premier contact entre Ingar et Anzorov remonte à juin 2020. "Tu aimes les talibans?", demande le second au premier. "Un peu quand même", lui répond Ingar dans un message accompagné d'un smiley.

L'accusé qui suit des études d'infirmier à La Réunion explique à la cour "n'avoir jamais été radicalisé". Il soutient "avoir toujours été opposé" à l'organisation Etat islamique tout en reconnaissant une certaine attirance pour Al-Qaïda "car ils ont combattu les Soviétiques en Afghanistan".

Pour "s'informer", il se tourne vers les réseaux sociaux, s'abreuve de photos et de vidéos dont certaines sont montrées à l'audience. On voit le mollah Omar, des personnes pendues la nuque brisée, un jihadiste arme à la main avec une légende visant les dessinateurs de Charlie Hebdo... "Je me suis tourné vers les réseaux sociaux, j'avais complètement tort", dit-il piteusement. "Ces photos sont une goutte d'eau dans l'océan... Il y avait 12.000 photos sur mon appareil", ajoute-t-il avec maladresse.

"J'aurais jamais dû discuter (sur Snapchat) avec autant d'inconnus. C'était irresponsable de ma part", admet-il.

Anzorov me disait "qu'il était contre le terrorisme", argumente-t-il. Pourtant, lui fait remarquer le président Franck Zientara, Anzorov estimait que "l'égorgement pouvait être une solution aux problèmes".

Quand Anzorov, le 9 octobre 2020, évoque Samuel Paty qui "a montré le messager d'Allah nu dans une classe de 4e", en donnant le nom du professeur et l'adresse du collège, Ingar ne réagit pas. "Je n'ai pas lu ces messages", élude-t-il. Quand Anzorov envoie la photo de la tête décapitée de Samuel Paty, Ingar se dit "choqué". "Supprime frère!" l'exhorte-t-il.

Lire aussi - Assassinat de Samuel Paty : les parents du Réunionnais Louqmane Ingar persuadés de l'innocence de leur fils

- "Virulente" -

Aujourd'hui, le jeune homme dit ne ressentir que de la "haine" pour Anzorov. "Comment j'ai pu discuter avec un terroriste?", demande-t-il.

C'est sur Twitter que Priscilla Mangel, 36 ans, a été en contact avec Anzorov avant son passage à l'acte.

Foulard châtaigne autour du visage, ample blouse vert pomme, Priscilla Mangel, convertie à l'islam à l'âge de 16 ans, est apparue dans plusieurs procédures antiterroristes, rappelle la cour.

Elle est mariée "religieusement" avec un jihadiste qui purge actuellement une peine de 14 ans de réclusion criminelle pour association de malfaiteurs terroriste. Pour autant, l'accusée qui comparaît libre affirme n'avoir "jamais adhéré à la cause jihadiste".

Elle reconnait cependant avoir pu se montrer "virulente" sur les réseaux sociaux au point d'avoir été bannie plusieurs fois de nombreux comptes. En septembre 2020, quand Charlie Hebdo annonce la republication des caricatures honnies par les islamistes, elle écrit: "Charlie en redemande".

"J'étais dans la provocation... Je ne mesurais pas la portée des mots... Dès que j'ai une émotion je réagis", se justifie-t-elle avant de critiquer le droit au blasphème.

Son premier contact avec Anzorov date du 9 octobre après qu'elle a publié la vidéo de Brahim Chnina, un des accusés, contre Samuel Paty.

L'encourage-t-elle ? Elle s'en défend. "Je n'ai pas vu d'intentions violentes", affirme la femme qui à l'époque avait pris le pseudonyme de "Cicatrice sucrée".

Le cours de Samuel Paty, écrit-elle pourtant à l'intention d'Anzorov, est "l'illustration de la guerre menée par les institutions républicaines contre les musulmans".

Elle aussi se dira "horrifiée" quand Anzorov lui enverra la photo de la tête tranchée du professeur. Elle ferme son compte Twitter. "J'ai pris peur. J'étais en panique".

Louqmane Ingar et Priscilla Mangel, tout comme Ismaïl Ganaev, encourent 30 ans de réclusion criminelle. Le procès est prévu jusqu’au 20 décembre.

www.imazpress.com avec AFP/redac@ipreunion.com

guest
8 Commentaires
Kalouma
Kalouma
5 mois

Sauf votre respect, je trouve que votre titre laisse à désirer. Il a pu être influencé par l'ambiance générale des débats – auxquels ni vous ni moi ne pouvons assister – mais peut-on écrire, par exemple, que Louqmane Ingar ne se sent "responsable de RIEN" quand il reconnaît avoir été léger dans ses contacts (il est responsable de ses contacts et il le reconnaît) ou quand il reconnaît avoir été irresponsable dans ses échanges avec eux ? A moins que l'accusation puisse faire la preuve factuelle d'un projet de voyage vers un groupe terroriste précis (je rappelle ici qu'en Syrie, ce sont eux qui sont maintenant au pouvoir avec la bénédiction d'Israël – qui ne va pas tarder à le regretter – et de l'OTAN), à moins de ça, la seule participation à un réseau social ne fait pas de L. Ingar un criminel. Et il faut espérer que les juges et les jurés ne vont pas à leur tour succomber à un manque de discernement quant à la relation entre monde virtuel et monde physique.

L’Ardechaise
L’Ardechaise
5 mois

Nous expliquent les
Courageux anonymes

Kalouma
Kalouma
5 mois

@elgé : Même intransigeance que chez Dom : Vous aussi vous êtes "à l'abri derrière un écran" quand vous les condamnez. Est-ce qu'on peut faire de la prison pour ça ?

Kalouma
Kalouma
5 mois

@Dom : on en est au niveau des "lampistes". Ça n'a pas de sens.

Sadaqah
Sadaqah
5 mois

Quand on dit souvent que la jeune génération paye pour la génération d’avant qui certainement sont loin d’être des Saints. I paye tôt ou tard dans la vie, de ses faits et actes. N’a enkor grand famillle zot génération i sa subit les foudres de Dieu

Dom
Dom
5 mois

Pas de pitié.

Achtung
Achtung
5 mois

Quand la.fiction des réseaux devient réalité

elgé
elgé
5 mois

"Je ne mesurais pas la portée de mes mots".
Le voilà le problème de tout ce qui se croit à l'abri derrière un écran. A vouloir réagir sur tout et n'importe quoi.
Ils ne se sentent pas responsables de leurs actes.
Trop facile comme défense. Débrouille azot astér.
Tous coupables