Enquête en cours

Dîmes, dons et influence : les dessous économiques de l’église Extravagance

  • Publié le 30 juin 2025 à 17:41
eglise extravagance

L'association cultuelle Extravagance, fondée par Bruno Picard, intrigue autant qu’elle divise. Derrière les chants et les sermons, l’organisation reposerait sur un système économique structuré : dîmes, dons dirigés, entreprises satellites… Le modèle suscite des interrogations notamment dans le cadre de l’enquête judiciaire en cours. Entre foi et stratégie, où tracer la ligne ? (Photo : sly/www.imazpress.com)

Derrière les louanges, les prières et les messages d’espoir diffusés par l’église Extravagance se cache un système financier structuré. Fondée par Bruno Picard, l'église évangélique repose presque exclusivement sur les dons de ses fidèles. Mais pour les enquêteurs, une question cruciale se pose : ces dons sont-ils vraiment libres ou habilement orchestrés ?

Extravagance est enregistrée comme association cultuelle sous la loi 1905. Son fonctionnement repose, comme beaucoup d’églises protestantes, sur les dons volontaires. En apparence, rien d’illégal. Mais la frontière entre don et pression est floue, selon les anciens membres.

Des témoignages concordants évoquent un discours culpabilisant : "Si tu ne donnes pas, tu n’es pas dans l’obéissance à Dieu". D'autres parlent de prophéties délivrées en priorité aux donateurs les plus généreux, ou de promesses de bénédictions spirituelles pour ceux qui "placent leurs finances sur l’autel".

- Une église financée par ses adeptes -

Selon les chiffres connus, l’église Extravagance a perçu 860.915 euros de dons en 2017, 600.037 euros en 2018 et 1.101.400 euros en 2019, un montant très élevé au regard de sa taille. Une dizaine de pasteurs en sont les bénéficiaires, à travers des indemnités exonérées de charges sociales, un montage fiscal légal mais optimisé.

Bruno Picard, leader du mouvement, a déclaré officiellement à la même époque un revenu mensuel de 3.000 euros, partagé avec son épouse Élodie, très impliquée dans la communication du groupe. Pourtant, une déclaration fiscale plus récente, en 2019, ferait état de 160.000 euros annuels, soit plus de 13.000 euros par mois. D’où vient l’écart ?

Les enquêteurs s’interrogent, selon toute logique, sur ce que l’on appelle les "dons dirigés" : des contributions non pas versées à l’église, mais qui pourraient l'être directement au pasteur, en remerciement pour ses prophéties ou son accompagnement spirituel. Une pratique discrète mais lucrative, qui échapperait au contrôle du conseil d’administration.

- Le revenu réel de Bruno Picard en question -

Cette différence entre les revenus affichés et les sommes réellement perçues alimente aujourd’hui une partie de l’enquête judiciaire ouverte pour abus de faiblesse.

L'association cultuelle Extravagance ne s'est pas contentée pas de collecter des dons. Le mouvement a mis en place sur la période de sa mise en examen un écosystème associatif et commercial impressionnant. On y trouvait à cette époque :

• Zoé Éducation, une SCOP qui gère une école privée chrétienne hors contrat à Saint-Pierre. Financement : dons et crowdfunding.
• Les Fabriques, un site e-commerce spirituel. Peu de produits en vente, mais un bouton "faire un don" bien visible.
• PotenCiel Music, un label pour lancer des artistes chrétiens. Là encore, les fidèles sont invités à financer la mission.
• Groupes de maison et cellules "Respire", qui organisent des activités ludiques ou sportives pour attirer et fidéliser les nouveaux venus. Objectif : les amener à donner… et à s’engager.

Tout cet ensemble fonctionnait comme une couveuse d’initiatives liées à l’église, favorisant le recrutement, l’encadrement et la centralisation des ressources.

- Un discours puissant, mais subtil -

Dans les vidéos de prêche, pas d’appel direct à l’argent. Mais des phrases puissantes : "Donner sa dîme, ce n’est pas être généreux, c’est être obéissant", "Soyons fous, donnons trop", ou encore "Ce que tu mets sur l’autel révèle ta relation avec Dieu". Des messages qui agissent sur la fibre spirituelle, la loyauté, la peur du péché ou l’espoir de miracles.

L’église insiste pourtant : tout est volontaire. Dans un communiqué, elle rappelle que "la dîme est une libéralité", et que "chacun donne selon son cœur". Les comptes sont, dit-elle, certifiés par un commissaire aux comptes et publiés au Journal officiel.

Rien, en apparence, n’est illégal. Et c’est bien ce qui complique l’affaire. Car entre ce qui est autorisé, ce qui est éthique et ce qui relève de la manipulation, la frontière est ténue.

L’enquête judiciaire devra donc trancher : l’église Extravagance a-t-elle utilisé son autorité spirituelle pour construire un empire économique personnel ? Ou s’agit-il d’un modèle religieux moderne, certes audacieux, mais conforme à la loi ?

Derrière le rideau des louanges et des prophéties, une chose est certaine : l’argent ne semble jamais bien loin.

is/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com 

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5 Commentaires
Avenir 974
Avenir 974
2 mois

"... Ces individus chercheront donc à nier votre altérité, votre singularité, votre libre arbitre. Et ils vous imposeront ce que vous devez faire. Parce qu’ils le disent, parce qu’ils se disent être le Deus ex machina*. Et pour eux, vous, vous n’êtes qu’une pâte à modeler sur laquelle ils vont travailler....... et vous allez finir par accepter de n’être plus ‘personne’ et de devenir ‘objet’. "
Philippe Parquet, Professeur en Psychiatrie. Membre du conseil d’orientation de la Miviludes.

(*Deus ex machina: mots latins signifiant un dieu descendu au moyen d'une machine).

Ne blâmons pas les anciens adeptes. Aidons-les à retrouver une vie normale, loin de la soumission.
En 2015, 2160 signalements de suspicion de dérives sectaires ont été enregistrés auprès de la Miviludes (Mission Interministérielle de Vigilance et de lutte contre les dérives sectaires). En 2024, il y en a eu 4571!
Ces organisations exploitent souvent des besoins humains fondamentaux et des périodes de vulnérabilité pour attirer et retenir leurs membres.
La compréhension de ces dynamiques est cruciale pour développer des stratégies de prévention et de soutien efficaces pour protéger les individus vulnérables.

Coffre fort de st andrec
Coffre fort de st andrec
2 mois

Et on recherche toujours le coffre fort de st andre disparu il y a 40 ans
Siouuuu

Atterré
Atterré
2 mois

Les moutons adorent être tondus !
Comme il faut les tondre, tout le monde est content !
Amène dit le gourou !

Gramoune
Gramoune
2 mois

Si les ouailles n’étaient pas des « ânes »……. Mais voilà…
Le prêcheur et ses victimes…
Sous des prétextes pseudo religieux….

Avenir974
Avenir974
2 mois

Il ne fait pas blâmer les fidèles. Car bon nombres, quand ils ouvrent les yeux, ont ûe honte immense, et ressentent une grande humiliation. Beaucoup d'ex adeptes racontent que la pression et le regard de la société sur eux est très dur. D'où le fait qu'ils n'en parlent pas. Ce qui ralenti le processus de guérison. C'est dramatique pour eux. J'ainéCorée entendu 2 témoignages ce week end de gens de metropole me raconter leur souffrance. Et il faut arrêter de dire que ca n'arrive qu'aux plus vulnerables. Car non! Ça peut arriver à tout le monde. La.question est aussi de se demander pourquoi sur le territoire de La Réunion, l'un des plus gangrené par cette bande d'arnaqueurs, il n'y a pas de mesures préventives ni de soutien dédié spécifiquement aux victimes d'emprise mentale et dérives sectaires?