Affichage public

Moches et agressifs pour les yeux : les panneaux publicitaires gâchent nos villes

  • Publié le 6 décembre 2022 à 10:03
  • Actualisé le 6 décembre 2022 à 11:07
panneaux publicitaires

Des panneaux en veux-tu en voilà… Plus grands et plus « moches » les uns que les autres, les panneaux publicitaires ornent les bords de nos communes. À titre d’exemple, pour faire le trajet sur le Boulevard Lancastel à Saint-Denis, on peut en dénombrer pas moins d’une dizaine. Alcool, ameublement, fast-food...Tout pour pousser encore et toujours plus à la consommation des Réunionnais. Face à cette pollution visuelle, certaines communes ont décidé de passer à l’action. (Photo : rb/www.imazpress.com)

« Agression visuelle », « horribles », « moches »… c’est par ces mots que les Réunionnais caractérisent les panneaux publicitaires qui jonchent les routes de notre si belle île.

Si belle et pourtant, alors que sur notre trajet matinal nous devrions apprécier les beautés des champs de canne, de l’océan ou des montagnes, nous sommes plutôt happés par ces pubs qui se suivent les unes derrières les autres. Bien sûr, autant de publicités sont nécessaires, dans le cas où l’on n’aurait pas vu la première.

La Réunion est d'ailleurs très mauvaise élève en termes de publicité. « La Réunion c’est un peu le far ouest des panneaux publicitaires », dénonce Vincent, bénévole de l'association Paysages de France à La Réunion. Selon ce dernier, entre 50 et 70% des panneaux publicitaires à La Réunion sont illégaux, soit plus d'un panneau sur deux.

Pour l’association pourtant, peu de ces panneaux illégaux sont enlevés. « Les pollueurs sont protégés pour des raisons purement économiques » estime-t-elle. « Il y a pourtant urgence climatique à agir. »

- Saint-Paul retire vite ses panneaux "moches" -

D’ailleurs, il y a peu, la ville de Saint-Paul a reçu le prix de « l’agression du paysage ». "Trois doses de whisky, une dose de SUV : merci à la commune de Saint-Paul de nous offrir ce cocktail !", écrivait l’association Paysage de France. En ce qui concerne ce prix, l’association a dit ne pas vouloir pointer du doigt Saint-Paul, mais de dire qu’il y a un vrai problème. En même temps, il est vrai que ces immenses panneaux publicitaires sont particulièrement vilains. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que quelques semaines après, ils ont été enlevés.

Saint-Paul - Chaussée royale
Paysages de France

Cette même association, en septembre 2022, a saisi le tribunal administratif en raison du refus du préfet de faire appliquer la réglementation relative à la publicité extérieure.

L'association Paysages de France mène une véritable bataille contre les affiches publicitaires. Saint-Denis, Saint-Pierre, Saint-Leu… « Nos abords sont complètement envahis », dénonce Vincent, bénévole de l’association à La Réunion.

Ce que souhaite par-dessus tout Paysages de France, c’est que les communes mettent en place un vrai règlement local de publicité et obligent les afficheurs à se mettre en règle.

- Une réglementation les affiches publicitaires -

Les affiches publicitaires sont absolument partout. Sur les façades des maisons, en bord de jardin ou simplement en bord de route. Mais alors, comment savoir ce qui est légal ou pas ? « Tout dépend du code de l’environnement », explique Vincent. Pour y voir plus clair, l’association Paysage de France a édité un document qui recense les différentes infractions et ce que doivent respecter les annonceurs.

Sont interdites, les publicités hors agglomération (sauf aéroport et espaces sportifs), mais également les publicités dans les sites classés, dans les arbres ou encore dans les parcs naturels régionaux.

Pas de publicité non plus sur les murs comportant des ouvertures. La pub ne doit pas non plus déborder du mur qui la supporte, ni être installée sur une clôture non aveugle. La publicité ne doit pas être trop proche de la propriété du voisin.

La surface de la publicité est limitée à 4 m2 dans les communes de moins de 10.000 habitants et à 12 m2 au-delà.

Ce qui est certain, c’est que plusieurs communes ont décidé d’agir. À Saint-Denis, la mairie a décidé de rendre les espaces visuels à l’art de rue. Dans le chef-lieu, 30 à 40 des affiches publicitaires sont en infraction. Pour remédier à cela, la commune souhaite, d’ici un an, réduire au maximum cette pollution visuelle.

À partir de début 2023, les panneaux publicitaires installés sur le domaine public devraient être amenées à disparaître dans leur totalité. En effet, le contrat avec plus de soixante afficheurs publicitaires arrivent à échéance le 31 décembre 2022 et ne seront pas renouvelés. Ces derniers avaient deux ans, à compter de l’entrée en vigueur du RLP, pour rendre conformes les publicités  et les pré-enseignes. Les enseignes de magasins ont, quant à elles, jusqu’en 2026 pour leur mis en conformité. 

À Saint-Paul aussi, on lance son règlement local de publicité. La commune porte actuellement une réflexion sur la publicité extérieure dans une optique de protection du paysage et du cadre de vie. Ces efforts collectifs déboucheront sur la mise en application de ce Règlement à la fin 2023. Pourquoi si loin ? Tout simplement parce que « c’est une procédure longue et complexe », explique Michel Clément de la Direction Cadre de Vie & Propreté - Service Gestion de la Salubrité et des Déchets - Cellule Salubrité. « On a décidé de mettre cela en place parce que ces publicités sont moches et polluent », déclare-t-il.

- Lutter contre les panneaux publicitaires illégaux -

L’État et la DEAL (Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement de La Réunion) contrôlent ces panneaux publicitaires. « Il y a tout d’abord le contrôle qui se fait sur déclaration préalable lorsque l’afficheur souhaite installer un dispositif », déclare Ludovic Lauret, chargé de missions contentieux pénal de l'urbanisme et publicité. « Après nous faisons des contrôles sur signalement ou lorsque l’on fait des visites de terrain », dit-il.

En fonction de la situation, des sanctions peuvent être décidées. « La sanction peut aller de la simple amende administrative de 1.500 euros, à l’astreinte journalière de 200 euros par jour de retard. » Mais si l’annonceur ne fait rien, « cela peut aller au pénal ».

C’est d’ailleurs en ce sens que la Préfecture a annoncé la mise en place de Signal-Pub. L’objectif étant de repérer les dispositifs irréguliers. « L’idée étant de préserver le paysage urbain, agricole, naturel pour un cadre de vie le mieux préservé possible », note Ludovic Lauret.

Actuellement l’État et la DEAL gèrent la police de la publicité. Toutefois, d’ici 2024, cette compétence sera déléguée aux communes.

La loi « climat et résilience » du 22 août 2021 prévoit qu’à partir du 1er janvier 2024, avec ou sans RLP, les missions d'instruction et de la police de la publicité seront assurées par les maires ou les représentants d'EPCI. Cette loi modifie et complète les dispositions relatives à la publicité pour prendre en compte les enjeux écologiques.

Pour l’association Paysages de France, cette délégation des compétences n’est pas forcément une très bonne chose. « Les mairies ne sont pas plus équipées que la Préfecture pour gérer cela », déclare Vincent, bénévole.

« Moches », « imposantes », « agressives »... L’association Paysage de France ne compte pas laisser les mauvais élèves continuer à afficher en 4 par 3 leurs publicités. L’association propose même aux communes de les aider dans l’élaboration de leur futur règlement local de publicité.

« On aimerait par exemple que Saint-Paul passe ses publicités à une taille de 2m2, c’est suffisant pour afficher les produits. »

Au-delà de ça, lutter contre la publicité envahissante est un véritable enjeu dans notre île. Une lutte contre l’agression visuelle mais également une lutte contre la surconsommation.

ma.m/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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