Ce lundi 17 juillet 2023 - au cours d'une conférence de presse -, la Première ministre et les ministres de l'Intérieur et de la Justice ont annoncé plusieurs mesures pour améliorer la sécurité routière et la prise en charge des victimes. Parmi les mesures phares : la suspension "automatique" du permis en cas de conduite sous l'emprise d'alcool ou de stupéfiants. Pourtant, cette mesure existe déjà. Alors vraies annonces ou "poudre de perlimpinpin" ? Les usagers penchent pour la seconde réponse (Photo : sly/www.imazpress.com)
Les avis sont toutefois divisés. Si les associations de défense des victimes de la route approuvent, certains estiment que la mesure ne changera pas grand-chose, puisqu'elle existe déjà.
"La suspension automatique du permis de conduire en cas de conduite sous stupéfiants existe déjà et est déjà appliquée par nos collègues lors des contrôles routiers" note Idriss Rangassamy du syndicat Alliance Police nationale. Selon lui, "c'est de la poudre aux yeux".
"Je pense que ce gouvernement fait des annonces pour faire des annonces mais ne s'attaque pas vraiment aux délinquants de la route et plus particulièrement aux mineurs qui commettent de plus en plus de délits routiers."
"Il faut plus de sévérité dans la sanction mais aussi remettre l'éducation civique à sa place en expliquant aux petits que lorsqu'un policier demande de s'arrêter il faut s'arrêter et coopérer", ajoute-t-il.
Pour le syndicat Unité SGP Police, "en cas de consommation de produits stupéfiants, une tolérance zéro doit être la règle".
Mais cette règle existe déjà. "Dès lors que les forces de l'ordre constatent une infraction qui peut être sanctionnée par la suspension administrative du permis, ils procèdent à sa rétention."
Guillaume Martinol est membre d'une association de sécurité routière mais également pilote instructeur. "Pour moi, la suspension du permis de conduire pour les situations d'addiction c'est normal, puisqu'on le fait pour l'alcool."
Toutefois, selon lui, ce n'est pas suffisant. "C'est une direction qui traine. Là ils officialisent mais il y a plein d'autres choses à faire." "Il faudrait aller plus loin car par mal de personnes conduisent sous l'emprise de médicaments or quand on conduit un véhicule il faut être à 100% de sa capacité. La capacité de conduire est extrêmement importante".
Pour Guillaume Martinol, il faut également "réapprendre aux gens à se servir d'une voiture". "Tant qu'on n'apprendra pas aux personnes à se servir d'une voiture il y aura des accidents et des morts", conclut-il.
Dans ce cas, qu'est-ce qui change ?
- Drogue au volant : la suspension du permis de conduire rendue automatique -
La conduite après avoir fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants est interdite, quelle que soit la quantité absorbée.
Selon la loi, le fait de conduire sous l'emprise de stupéfiant entraîne une perte automatique de six points du permis de conduire (ce qui signifie, pour les détenteurs d'un permis probatoire depuis moins d'un an, une invalidation administrative et la perte du droit de conduire).
Des peines d'emprisonnement allant jusqu'à 10 ans d'emprisonnement peuvent également être décidée en cas d'accident mortel avec circonstance aggravante.
Des peines complémentaires peuvent être prononcées comme la suspension du permis de conduire jusque 3 ans, l’annulation du permis avec interdiction de le repasser pendant 3 ans ou plus ou encore l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière ou encore un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants.
La nuance qui s'impose désormais avec l'annonce du gouvernement, c'est que désormais – le préfet "devra" suspendre le permis de conduire alors qu'auparavant il "pouvait décider" de la suspension du permis.
Le durcissement intervient après plusieurs accidents graves, causés par un conducteur ayant consommé de la drogue et qui ont marqué l'opinion publique ces derniers mois, comme l'affaire Palmade ou encore le décès de trois policiers dans le Nord.
Jusqu'à présent, lorsque les forces de l'ordre contrôlent un individu sous l'emprise de stupéfiants au volant d'un véhicule, elles procèdent à la rétention du permis de conduire et à l'envoi du procès-verbal au préfet ou au sous-préfet.
Libre à lui ensuite de mettre en œuvre ou non, dans un délai de 120 heures après la rétention du permis, la procédure de suspension, tout comme dans le cas d'une conduite sous l'emprise d'alcool, d'un excès de vitesse supérieur ou égal à 40 km/h, ou encore en cas de refus d'obtempérer.
La Première ministre a ainsi déclaré que le gouvernement entendait être "intraitable" et "sanctionner plus sévèrement les conduites addictives".
EN DIRECT | Prise de parole de la Première ministre @Elisabeth_Borne à l’issue du Comité interministériel de la sécurité routière (@RoutePlusSure). https://t.co/WQ8cfdwPtp
— Gouvernement (@gouvernementFR) July 17, 2023
Gérald Darmanin ayant précisé que huit points seront désormais supprimés, contre six actuellement, en cas de conduite sous stupéfiants ou sous alcool. Ils devront par ailleurs se soumettre à un stage obligatoire.
Sécurité routière: les conducteurs sous-stupéfiants se verront retirer 8 points de leur permis de conduire, contre 6 aujourd'hui, annonce Gérald Darmanin
— BFMTV (@BFMTV) July 17, 2023
➡ Le préfet sera également dans l'obligation de suspendre le permis du conducteur sous-stupéfiants pendant 6 mois à un an pic.twitter.com/8jmqnonjkv
Par ailleurs, le véhicule sera immobilisé et confisqué par l'État, qui pourra le revendre ou le garder pour son propre usage.
La durée de suspension administrative du permis (par arrêté) pourra aller jusqu’à six mois et être portée à 1 an en cas d’accident ayant entraîné la mort ou un dommage corporel, ou de refus de se soumettre aux vérifications, a précisé le ministère de l’Intérieur.
Le permis de conduire sera également suspendu le temps d'une "vérification médicale d'aptitude à la conduite dès lors qu'une infraction aura un problème médical pour origine présumée", a annoncé Elisabeth Borne.
Lire aussi - Drogues au volant: le gouvernement durcit le ton et suspend le permis
- Le plan du gouvernement pour la sécurité routière -
Élisabeth Borne a par ailleurs confirmé que la qualification d’"homicide routier" remplacerait celle d’"homicide involontaire" par conducteur.
Cette qualification spécifique s’applique que le conducteur ait consommé, ou non, de l’alcool ou des stupéfiants.
"L’homicide involontaire, c’est de l’imprudence, le pot de fleur qui se détache de votre balcon et qui vient percuter un voisin et le tue", a expliqué le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti. "Tuer un gamin quand on est sous l’emprise de l’alcool ou stupéfiants, ça ne peut pas être assimilé à cet homicide involontaire".
L’"homicide routier", ou "blessures routières", c’est une "infraction nouvelle", "spécifique", "détachée des autres homicides et blessures involontaires" dans le code pénal, dit-il.
Un autre délit va voir le jour, celui de dénonciation frauduleuse du conducteur auteur d’une infraction. Il s’applique selon le ministre de la Justice, aux "petits malins" qui "pour ne pas perdre les points dénoncent le grand-père ou la grand-mère, qui acceptent naturellement d’être le faux auteur de l’infraction".
Enfin, Élisabeth Borne a annoncé que le gouvernement allait "permettre la suspension du permis le temps d’une vérification médicale d’aptitude à la conduite, dès lors qu’une infraction aura un problème médical pour origine présumée".
Cette décision renvoie notamment à une récente affaire survenue à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) : à seulement trois mois d’intervalle, deux piétons sont morts après des accidents causés par le même conducteur âgé de 81 ans.
Elisabeth Borne a également assuré que les sanctions seraient renforcées en cas de "grand excès de vitesse" (au-delà ou égal à 50km/h). Le permis sera automatiquement suspendu dès la première infraction de ce type commise et non plus en cas de récidive comme c’est le cas aujourd’hui.
L'infraction de grande vitesse actuellement sanctionnée par une contravention deviendra un délit, annonce Éric Dupond-Moretti pic.twitter.com/DD7BgZBpsO
— BFMTV (@BFMTV) July 17, 2023
- Des annonces minimes face au nombre de morts sur les routes -
Une nuance très minime face aux dangers de la route et à la réalité des accidents provoqués par des personnes sous l'emprise de stupéfiants. Et pas seulement...
En France, selon les chiffres, les conducteurs sous l'emprise de stupéfiants "sont responsables d'un accident sur cinq".
À La Réunion, d'après les chiffres de la sécurité routière, en juin 2023, 75 accidents corporels ont eu lieu (contre 69 en 2022), soit une hausse de 9%. Trois personnes ont perdu la vie. On compte également 88 blessés dont 20 personnes hospitalisées.
Depuis le 1er janvier 2023, ce sont 426 accidents corporels qui ont eu lieu (contre 361 l'année passée), soit une hausse de 18%. 18 personnes tuées, 523 blessés dont 110 hospitalisés.
Parmi les décès à déplorer depuis le début de l'année, une personne avait moins de 14 ans. 15 hommes ont perdu la vie et trois femmes. La majorité ayant entre 45 et 54 ans.
Dans ces accidents, l'alcool y est le facteur principal pour 38%, 38% également pour la vitesse et 8% pour les conduites sous stupéfiants.
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