De nouveaux incidents ont éclaté mercredi en fin d'après-midi à Tanjombato, un quartier de la périphérie d'Antananarivo où sont regroupés plusieurs grandes surface. Un camion a été caillassé par des manifestants qui voulaient s'emparer des marchandises alimentaires qu'il transportait. Le chauffeur a perdu le contrôle du poids lourd. Il a fini sa course contre des maisons écrasant un piéton qui se trouvait sur le trottoir. Le malheureux n'a pas survécu à ses blessures. La police a tiré à blanc sur les manifestants pour les disperser. Un calme précaire s'est ensuite instauré. Le couvre-feu est maintenu à Antananarivo. Par ailleurs en milieu de journée, le maire d'Andry Rajoelina, principal opposant au président de la République, Marc Ravalomanana, a tenu un rassemblement devant plus de 15 000 personnes - 35 000 selon la mairie. Il a affirmé "nous irons jusqu'au bout. Nous voulons la démocratie". Il ne cache pas son intention d'accéder au pouvoir, "car l'actuel président est complètement discrédité".
Le rassemblement de ce mercredi matin a été organisé par d'Andry Rajoelina pour rendre hommage au jeune Franky, 17 ans, qui a été la première victime des émeutes.Le jeune homme a été tué par balle lundi, lors de l'attaque d'une chaîne de télévision privée appartenant à Marc Ravolamanana. Devant la dépouille de la victime, l'opposant du président a déclaré : "Ce n'est pas possible de laisser faire cela. Si quelqu'un doit être mis en prison à Madagascar se sont ceux qui font tirer sur le peuple simplement parce que ce peuple demande plus de démocratie ".Il accuse ainsi directement le président de la République d'être à l'origine des émeutes qui secouent la ville depuis lundi. " Il n'y a pas de conciliation possible entre le président de la république et nous ", affirme Andry Rajoelina. Sous les acclamations du public, il a lancé : " Il faut qu'il parte, qu'il quitte le pouvoir. Le pouvoir appartient au peuple ".
Un dispositif de sécurité impressionnant entourait le maire d'Antananarivo lors de son discours. Le public ne pouvait voir que le haut de son visage. " J'ai peur pour ma vie. Des commandos ont été formés et sillonnent les rues de la ville pour me tuer. Est-ce que c'est cela, la démocratie ? ", demande-t-il. Andry Rajoelina a ensuite longuement rendu hommage à toutes les victimes des émeutes, dont le bilan ne cesse de s'alourdir. Le chiffre avoisinerait désormais les 70 morts.
Le rassemblement s'est terminé dans le calme en début d'après-midi, mais la situation demeure extrêmement précaire ainsi que le prouvent les incidents à Tanjombato. Marc Ravolamanana, qui s'est rendu sur plusieurs sites pillés lundi et mardi -dont sa chaîne de supermarchés-, a indiqué qu'il ne laisserait pas " cette situation insurrectionnelle perdurer ".
Par ailleurs, des troubles continuent d'être signalés dans plusieurs villes du pays et notamment à Tamatave. Selon certaines informations, l'ancien maire de cette ville, Roland Ratsiraka, aurait été arrêté. Il est le neveu de l'ancien président Didier Ratsiraka battu en 2002 par Marc Ravalomanana, et il est proche d'Andry Rajoelina. Si son arrestation est confirmée, cela conforterait le maire d'Antananarivo dans ses craintes. Lors du rassemblement sur la place du 13 mai, il avait annoncé que plusieurs de ses proches étaient menacés d'incarcération. L'emprisonnement encore supposé de Roland Ratsiraka, ne pourrait qu'être pris comme une provocation par le camp de d'Andry Rajoelina avec toutes les conséquences que cela suppose.
En hommage aux victimes des émeutes, le maire d'Antananarivo a appelé à une journée " ville morte " pour jeudi. " Nous verrons ensuite ce que nous ferons ", a-t-il conclu.