L'affaire des paillotes en guise de prétexte

Quand l'intolérance s'immisce à La Réunion

  • Publié le 12 juillet 2018 à 03:00
  • Actualisé le 12 juillet 2018 à 07:01

Ce vendredi 13 juillet 2018, deux importantes décisions de justice devraient être rendues par le tribunal de grande instance (TGI) de Saint-Denis. Mises en délibéré la semaine dernière, ces dernières concernent de près ou de loin, l'affaire des paillotes de la plage de l'Hermitage. La première sera rendue par des juges spécialisés en affaire civile et permettra de savoir si le TGI est compétent, ou non, pour reconnaitre les baux commerciaux des restaurateurs. La deuxième décision, elle, sera rendue lors de l'audience correctionnelle. Elle concerne une certaine Laura R., 41 ans, qui a tenu des propos racistes en traitant les Réunionnais de "bande de singes". Pour justifier ses dires, elle a expliqué avoir été piétinée lors de la mobilisation menée à l'Hermitage, par le collectif anti-paillotes en avril dernier. Une explication fort peu crédible qui a fait bondir l'assistance lors du procès. Durant cette manifestation, rappelez-vous, des insultes avaient fusé, notamment envers des "zorey". Aussi, tout laisse à penser que l'affaire des paillotes, serait devenue LE prétexte pour tenir des propos xénophobes.

La Réunion, un exemple de "vivre-ensemble"? Suite au procès qui s'est tenu jeudi dernier au TGI de Saint-Denis, on peut se poser la question.

"Bande de singes"

Alors que la prévenue, Laura R., n'a même pas daigné se déplacer devant les juges, elle, qui a traité les Réunionnais de "bande de singes" sur Facebook, connaitra son devenir judiciaire ce vendredi 13 juillet 2018.

Lorsqu'en déposant plainte contre elle, le député Jean-Hugues Ratenon a fait éclater l'affaire, cette mère de famille de 41 ans avait d'abord tenté de justifier ses propos en déclarant que son compte Facebook avait été piraté.

Puis, au fil de l'enquête, elle a fini par avouer qu'elle avait menti. Et, dans un courrier adressé au tribunal dionysien, elle a expliqué que son commentaire ne concernait pas tous les Réunionnais mais deux hommes qui, lors de la manifestation anti-paillotes du 6 avril 2018, l'auraient piétinée.

Jeudi, lorsque le juge a dévoilé cette explication, les membres du Kolèktif Union Rényoné Rèsponsab (KURR) présents dans la salle, ont soupiré. 

"La Réunion na pas besoin de ce genre de propos"

Pour Jean-Hugues Ratenon, qui s'est avancé à la barre du tribunal très igne, "La Réunion n'a pas besoin de ce genre de propos racistes". Quant à son avocat, Me Alex Vardin, il a profité de sa plaidoirie pour déclarer : "Il n'y a pas des Français de la Métropole ou de La Réunion (...) Il ne faut pas que ce genre de propos vienne gangréner notre société".

La robe noire a ainsi demandé au tribunal de "lancer un message fort pour que cela ne se reproduise pas".  À son tour, le parquet, a affirmé : "on ne peut pas tout dire ni tout penser".

 "Tous les humains descendent du singe..."

Me Henri Moselle, avocat de Laura R., a ensuite pris la parole. En tentant de défendre sa cliente, il a plaidé : "ici c'est le procès de l'ignorance de certaines personnes. En Métropole, les insulaires sont considérés comme des paresseux..." Il a ensuite ajouté : "Est-ce que le fait de dire +zoreil+ est raciste? Est-ce que le fait de dire +malbar+ est raciste? Et si on dit +cafre+, est-ce qu'il y a une connotation raciste?"

Pour soutenir son propos, il a même ajouté : "la question qui se pose c'est : est-ce que dire "bande de singes" est un propos raciste?".

Dans l'assistance, les yeux se sont écarquillés et les soupirs sont devenus lourds. Mais Me Moselle a continué : "Tous les humains descendent des singes..." 

Une analyse anthropologique pour le moins... étrange

Lui qui a demandé la relaxe "pure et simple" de sa cliente est bien optimiste. Pour rappel, le commentaire que Laura R. a laissé sur le réseau social Facebook est le suivant : "Bande de singe occuper vous de netoyer vos plages le dimanche quand vous faites vos barbek interdit grasse a nou metro on vous fai vivre si on vous livre rien de metropole vous rester des paysans du singe"  (nous avons conservé l'orthographe du post). 

"Zoreil", un terme raciste?

Quant à l'interrogation de Me Moselle qui se demande si le terme "zoreil" présente, ou non, une connotation xénophobe. Non, Me Moselle, en langue créole il désigne simplement une personne originaire de l'Hexagone, sans aucun jugement particulier

En revanche, au même titre qu'éructer "sale kaf", "sale malbar", "bande de singe"..., traiter quelqu'un de "sale zoreil", comme cela a pu être entendu lors des heurts survenus à l'Hermitage au mois d'avril, oui, cela peut inspirer la haine.

Même sur Facebook.

En avril dernier, Me Alain Antoine, avocat du collectif de défense du DPM avait réagi : "Le repli communautaire que je constate sur les réseaux sociaux n’est pour moi qu’une forme d’expression du mécontentement ressenti".

Un mécontentement que chacun d'entre nous peut exprimer autrement que par des propos haineux.

La Réunion - nout Rényon fondkèr kaf, malgas, zorey, malbar, yab, shinoi, maoré -, le mérite bien....

sw/www.ipreunion.com

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2 Commentaires
Aterla
Aterla
6 ans

Une personne inconnue dit une phrase indigne sur les réseaux sociaux : Le réseau social doit l'enlever au plus vite, pas de doute.
De là à en faire... un procès me semble exagéré, sauf si on a intérêt à attirer un feu qui ne couve jamais bien loin...

Léna
Léna
6 ans

Que Bellon referme la boite de pandore.