Avortée lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, la réforme des retraites est remise sur la table du gouvernement. Si Élisabeth Borne doit détailler les contours de cette réforme le 10 janvier 2023, l’heure est aux dernières concertations. Des échanges nécessaires avant la présentation le 23 janvier en Conseil des ministres, première étape avant l’Assemblée nationale en février. Une copie très attendue, essentiellement par le président de la République qui, dans ses vœux aux Français, a confirmé sa volonté d’aller rapidement sur cette promesse de campagne. Tellement vite que, même sans être Madame Irma et sans lire dans le marc de café, on est à peu près sûr que le 49.3 passera par là.
Élisabeth Borne ne nous fera pas croire que ce qu’elle appelle un « dialogue avec les partenaires sociaux » y changera grand-chose. Il n’y a qu’à regarder le nombre de 49.3 qu’a utilisé la cheffe du gouvernement pour faire passer en force le budget de la Sécurité sociale et la loi sur les finances.
Car là encore, l’arme fatale de l’exécutif qu’est le 49.3, risque bel et bien d’être de sortir de la manche du superbe maillot offert à Élisabeth Borne par ses collaborateurs Pour cela, l’exécutif ferait adopter le texte via un projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificatif (PLFSSR) afin d’avoir recours au 49.3. En effet, le 49.3 peut être utilisé autant de fois que souhaité pour un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. En jeu, le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 65 ans d’ici à 2031.
Pourtant interrogée par Le Parisien sur la possibilité de présenter la réforme dans un projet de loi classique ou dans un projet de loi de finances de la Sécurité sociale rectificatif, Elisabeth Borne a répondu : "Chaque chose en son temps, rien n'est tranché. Moi, à ce stade, je me préoccupe surtout du contenu de la réforme. On verra le reste le moment venu."
Invité de Public Sénat, le sénateur Renaissance François Patriat a confirmé que la réforme des retraites devrait être adoptée via un projet de loi de finances rectificatives. Ce qui laisse peu de place au doute sur l’utilisation du 49.3. « Le gouvernement va tout faire pour essayer de convaincre [les oppositions] » a d’abord martelé le sénateur de l’Orne, ajoutant que « l’objectif, c’est qu’il n’y est pas de 49.3 ». Néanmoins, dans le cas « d’un durcissement » des oppositions, le parlementaire a concédé « qu’on doit se garder la carte de pouvoir avancer par 49.3 ».
Quant à Yaël Braun-Pivet, présidente de l'Assemblée nationale, "il est tout à fait démocratique d'utiliser des outils fournis par la Constitution, dont l'article 49.3".
Mais alors, quelle portée a la voix des Français face à l’entêtement perpétuel de l’exécutif ? À quoi cela sert que la population s’oppose, que les Français donnent leur avis puisqu’au final, le gouvernement finira par avoir le dernier mot, tel un enfant capricieux qui ne veut pas céder, et ce, « quoiqu’il en coûte » ? Quelle portée à la voix de la population, dans une soi-disant démocratie où le gouvernement dégaine le 49.3 à tout va ?
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- Mobilisation de la rue -
Alors, c'est bien Madame Borne, de vous préoccuper du contenu de la réforme. Mais les Français dans tout ça, sont-ils eux aussi au cœur de vos préoccupations ? Madame Borne, il ne faudra pas vous étonner si les Français descendent dans la rue pour protester contre cette réforme. Eh oui, car, selon un sondage Odoxa pour Public Sénat, 67% des Français sont opposés à cette réforme. “Il n’y a que les retraités, les 65 ans et plus, qui se déclarent favorables”, note Frédéric Dabi, directeur de l’institut Ifop.
Pour la première fois depuis 12 ans et la réforme Woerth (qui avait relevé l’âge légal de 60 à 62 ans) tous les syndicats sont prêts à se mobiliser ensemble contre la réforme annoncée.
Les secrétaires généraux de la CFDT et de la CGT, Laurent Berger et Philippe Martinez, ont déjà promis une mobilisation sociale « déterminée » en cas de report de l’âge de départ.
C’est par la mobilisation “dans la rue” qu’il sera possible de “faire reculer” la réforme des retraites, a prévenu lundi la nouvelle patronne d’Europe-Ecologie-Les Verts, Marine Tondelier.
La députée Réunionnaise Nathalie Bassire a elle, déjà affirmé son opposition. "À l’instar des députés de mon groupe parlementaire LIOT (libertés indépendants outre-mer et territoires) je voterais en faveur d'une motion de censure contre le gouvernement si ce dernier incluait le recul de l'âge légal de départ à 65 ans dans sa réforme des retraites à venir." "Ce qui nous est proposé aujourd’hui, c'est de la grande bouillie, un texte qui est incompréhensible, qui va nous mettre à dos une grande partie de la société française", dit-elle.
Et surtout Madame Borne, pensez-vous aux millions de Français déjà éreintés par leur emploi, qui devront travailler jusqu’à 65 ans pour pouvoir cotiser et avoir un tant soit peu une retraite digne de ce nom, et surtout leur permettant de vivre à peu près convenablement ? Pensez-vous à ces Français qui se lèvent chaque matin pour aller gagner leur vie à la sueur de leur front, pendant que votre chauffeur vous amène tranquillement de votre demeure jusqu’à votre bureau doré ?
Mais non bien sûr, et comme toujours, ce sont les Français qui trinquent.
Élisabeth Borne, l’assure, "l’âge de départ à 65 ans n’est pas un totem". Pourtant, à la fin, il risque – comme dirait un célèbre animateur – de n'en rester qu’un : le 49.3. Apparemment, cette année sera donc celle de la réforme des retraites, mais certainement pas celle où le Président et son gouvernement prendront enfin en compte les attentes des Français.
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