Nouvelle route du littoral

Roches malgaches : le pillage en silence

  • PubliĂ© le 28 janvier 2016 Ă  00:45
galets

Ce pourrait ĂȘtre une photo de carte postale. De la verdure Ă  perte de vue digne des plus beaux paysages qu'a l'habitude de nous offrir Madagascar. Pourtant, au beau milieu de cette forĂȘt se trouve " un trou profond de 45 mĂštres Ă©tendu sur la surface de deux terrains de football ", relate Julien Sartre du Quotidien de La RĂ©union dans un article paru le ce mercredi 27 janvier 2016. Ce trou, c'est la carriĂšre d'Ambokatra destinĂ©e Ă  fournir les roches massives qui alimenteront le chantier de la Nouvelle Route du Littoral (NRL). Un pillage en silence au vue et au su des autoritĂ©s françaises, dont la RĂ©gion, et malgaches

Contrairement Ă  ce qu’avait affirmĂ© Dominique Fournel, vice-prĂ©sident de la RĂ©gion RĂ©union en charge de la NRL, 220 000 tonnes de galets malgaches alimenteront le chantier de la nouvelle route du littoral. DĂ©jĂ  plusieurs milliers de tonnes ont Ă©tĂ© livrĂ©es et d’autres cargaisons sont prĂ©vues d’arriver dans les prochaines semaines.

Si cette importation pose indubitablement la question de la pertinence des Ă©tudes qui ont Ă©tĂ© faites avant le lancement du chantier et l’attribution du chantier, ces roches malgaches soulĂšvent plusieurs autres interrogations : " Cette goutte d’eau (220 000 tonnes de roches sur les 19 millions de tonnes prĂ©vues pour le chantier – NLR) n’est pas sans poser de nombreux problĂšmes environnementaux, Ă©thiques et aussi politiques ", souligne le Quotidien.

Des problĂšmes environnementaux Ă  plusieurs titres tout d’abord. Les photos publiĂ©es par le Quotidien le montrent, l’ancienne colline d’Ambokatra oĂč jadis trĂŽnaient des arbres du voyageur est aujourd’hui dĂ©figurĂ©e avec " un trou profond de 45 mĂštres Ă©tendu sur la surface de deux terrains de football ". Les villageois qui vivent non loin de la carriĂšre ont quant Ă  eux " bien du mal Ă  trouver le sommeil " rapporte le journal qui dĂ©crit le va et vient des camions, la nuit, pour Ă©viter " de congestionner la circulation dans le centre-ville de Tamatave la journĂ©e ".

Plus inquiĂ©tant et qui concerne directement La RĂ©union, l’efficacitĂ© du processus de lavage des roches malgaches est mise en doute, et ce, alors que  le PrĂ©fet avait conditionnĂ© la possibilitĂ© de ces importations au le respect des rĂ©glementations sanitaires et environnementales en vigueur. Selon le Quotidien, deux bateaux sont missionnĂ©es afin d’arroser les chargements de galets, ce qui ne manque pas d’agacer le directeur gĂ©nĂ©ral de la sociĂ©tĂ© du port autonome de Tamatave, Christian Avellin, qui ne cache d’ailleurs pas " qu’il est plus que rĂ©servĂ© sur l’efficacitĂ© du processus ".

Le Quotidien se penche aussi sur les autorisations d’extraction de ces roches, rappelant que le collectif pour Madagascar prĂ©sidĂ© par le docteur Philippe Andriatavy avait saisit le 18 novembre 2015 l’Office nationale de l’environnement malgache afin de demander la " suspension de l’exploitation de la carriĂšre d’Ambokatra – Toamasina pour usage non conforme au permis dĂ©livrĂ© " ainsi qu’une " Ă©tude d’impact environnemental et humain ". " Cette carriĂšre n’est pas faite pour exporter des roches massives. Elle existe depuis longtemps afin de fournir en graviers et en sable la rĂ©gion de Tamatave. Lorsqu’une multinationale paye seulement 0,5% de taxes alors qu’elle se sert du sol malgache pour construire une route Ă  La RĂ©union, j’appelle cela du pillage de ressources ", s’emporte le prĂ©sident du Collectif pour Madagascar dans les lignes du Quotidien.

Cette requĂȘte est finalement restĂ©e " classĂ©e ", selon le Quotidien qui parle de situation dĂ©sormais " clarifiĂ©e ", grĂące notamment au systĂšme des " ristournes ", un moyen lĂ©gal d’ " acheter " l’accord des autoritĂ©s malgaches et de lever certaines barriĂšres qui pourraient constituĂ©s des freins Ă  la poursuite des extractions. Le Quotidien fait Ă©galement rĂ©fĂ©rence Ă  des " ristournes occultes ", moyen bien connu Ă  Madagascar oĂč la corruption fait malheureusement rage. " Nous avons fourni des tables et des chaises de seconde main au ministĂšres des Mines " reconnaĂźt d’ailleurs Jean-Baptiste GuĂ©net, le directeur gĂ©nĂ©ral de Colas Madagascar, sociĂ©tĂ© en charge de l’exploitation de la carriĂšre d’Ambokatra pour le compte du chantier de la nouvelle route du littoral.

Cet article pose plusieurs questions de fond. A La RĂ©union, les boucliers ne cessent de se lever face aux projets de carriĂšre, Ă  Bellevue, aux Lataniers ou encore Ă  la Ravine du Trou. Rien de plus normal compte tenu de l’impact tant environnemental qu’économique et humain que de tels projets peuvent avoir. Pourtant, Ă  Madagascar, la question de l’humain semble avoir Ă©tĂ© balayĂ©e d’un revers de la main, comme si la population malgache n’avait pas son mot Ă  dire quant Ă  ses inquiĂ©tudes et Ă  ses interrogations relatives Ă  son bien ĂȘtre. Est-ce parce que Madagascar est un des pays les plus pauvres au monde que la France, par l’intermĂ©diaire de La RĂ©union, se permet d’ignorer l’intĂ©rĂȘt du peuple malgache au profit d’un chantier dont le montage stratĂ©gique et financier montre dĂ©jĂ  des signes de prĂ©occupations ?

En ce qui concerne l’impact environnemental, ces images peuvent donner un avant goĂ»t de ce qui attend les RĂ©unionnais dans les prochains mois. Comme le rappelle Julien Sartre, la carriĂšre d’Ambokatra ne concerne " que " 220 000 tonnes de roches malgaches, une " goutte d’eau " comparĂ© au 19 millions de tonnes nĂ©cessaires sur le chantier rĂ©unionnais. D’oĂč la question que l’on pourrait se poser : l’impact environnemental, esthĂ©tique, Ă©conomique et humain des carriĂšres qui pourraient prochainement ouvrir a-t-il Ă©tĂ© vĂ©ritablement Ă©valuĂ© par les services de la RĂ©gion et de l’Etat ? 

Enfin, d’un point de vue Ă©thique, peut-on se permettre de sacrifier les magnifiques paysages de Madagascar sur l’autel de l’avancement du chantier de la nouvelle route du littoral alors qu’aujourd’hui, et plus que jamais, la RĂ©gion RĂ©union se targue d’ĂȘtre le chef de file d’une coopĂ©ration rĂ©gionale accrue, notamment dans le domaine touristique avec les Iles Vanilles dont Madagascar fait partie. Comment peut-on, d’un cĂŽtĂ©, dĂ©fendre la cause du tourisme rĂ©gional lorsque, de l’autre cĂŽtĂ©, on pille le territoire voisin ?

Alors que la convention de Rotterdam rĂ©glementant l’importation et l’exportation de produits dangereux a Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e pour protĂ©ger les pays du Tiers-Monde, le silence de la communautĂ© internationale concernant le pillage de ressources (roche, fer, et autres matĂ©riaux prĂ©cieux) Ă  Madagascar  interpelle et pose la question de la valeur de ce pays et de sa population aux yeux du reste du monde


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guest
9 Commentaires
9 ans

Alex , pourquoi les français pillent vers les anciens pays colonisés ? mais vous dites que La France est un pays riche . Alors laisser les nÎtres et retourne en France . laissez les malgaches comme ça

Alex
Alex
9 ans

Mais je rigole tellement...
Réunionnais nombrilistes !

Situé à 500m de la Carriere d'Ambokatra, le barrage de boues acide de traitement du nickel opéré par Sheritt, des millier d'hectare dévasté, violet !

45m sur quelques hectares d'exploitation de roche destiné au BTP, comme il y en a des milliers en France.

Pardon mais vous vous trompez de débat messieurs les journalistes.

9 ans

Horrible!..
= qui provoque une sensation d'effroi et de répulsion

Jacques Delaunay
Jacques Delaunay
9 ans

Je constate que comme d'habitude la France fait du n'importe quoi Ă  Mada cela n'est pas drĂŽle , ce qui l'est c'est la dĂ©claration de l'autre imbĂ©cile qui claironne qu'en dĂ©dommagement des tables et des chaises de seconde main ont Ă©tĂ© offertes, on croit rĂȘver devant une telle insolence et une arrogance d'un autre age ! au fait pourquoi pas du papier toilette de deuxiĂšme cul ??? La StĂ© Colas devrait prĂ©senter des excuses et vite car il ne faudra plus s'Ă©tonner des rĂ©actions disons, brutales et brulantes des Malgaches.

sud974
sud974
9 ans

VoilĂ  le super projet sois disant respectueux de l'environnement ;la rĂ©gion devrait arrĂȘter de berner les gens route il y aura sĂ»rement mais a quelle prix et quelle consĂ©quence pour les gĂ©nĂ©rations futur

Reza
Reza
9 ans

Ce qui est désolant dans tous ça. Cest qu'on nous prend pour des imbéciles à la REUNION et à Madagascar.
On a fait tout une polémique sur cette affaire, pour que la fin ce soit une entreprise française qui a obtenu le marché du granit a Madagascar.
Vous savez Ă  Madagascar on utilise la pierre dans toutes les constructions, votre route du littoral c'est une goutte d'eau par rapport Ă  tout ce qu'on a comme granit.
Juste pour vous dire que ces cailloux ne profite pas au malgache. Certe cette entreprise crĂ©e de l'emploie Ă  Madagascar mais on aurai pu donner ce marchĂ© Ă  des entreprise malgache et non pas Ă  TAMATAVE ou le cailloux est plus cher mais Ă  Fort-Dauphin oĂč il est moins cher et oĂč Ă©galement il y a des exploitant malgache.
Bref on nous a tous manipulĂ© et on a suivi comme des chĂšvres comme ce pauvre journaliste qui sait mĂȘme pas de quoi il parle. Juste des constatation et pas d'analyse.

Sounouk
Sounouk
9 ans

C'est ce qui s'appelle du colonialisme. Seuls les naïfs pouvaient encore croire que ça n'existait plus..... Ca a changé de visage, ce n'est plus le "gros blanc" qui pille les pays "en développement" (quoique ça existe encore cf le Niger et son uranium) mais le "toute couleur" qui se sert sur moins fortuné et surtout obligé pour survivre. Donc c'est encore plus ignoble.

9 ans

Madagascar n'a pas attendu les roches pour la Réunion pour défigurer le pays, il suffit de voyager un peu pour s'en rendre compte. Et la corruption permanente, ça commence à l'aéroport..
On lave les roches par contre tous les jours entrent à la Réunion des tas de marchandises à l'aéroport, au Port dans les containers, dans les bateaux de plaisance etc sans contrÎle de quoique ce soit...alors l'aspect sanitaire et environnemental il y a longtemps qu'on s'assoit dessus..

ecolo bobo pasteque
ecolo bobo pasteque
9 ans

"roche massives",
"grenier vert des supermarchés"
spiruline, letchi, prostitution

madagascar, refuge des speculateurs et exploiteurs de la Reunion; ahahah, c'est une découverte?