Chikungunya : plus de 54.500 cas confirmés et 45 décès à La Réunion cet été

  • Publié le 11 décembre 2025 à 11:36
  • Actualisé le 11 décembre 2025 à 11:38
Chikungunya CHOR saint-paul urgence

La Réunion a été touchée par une nouvelle vague épidémique de chikungunya au cours de l’été 2024-2025. Plus de 54.500 cas ont été confirmés biologiquement, 45 personnes sont décédées et près de 200.000 personnes ont consulté en médecine de ville pour des symptômes cliniquement évocateurs. Plusieurs mois après, Santé Publique France fait le bilan. Nous le publions ci-dessous (Photo : rb/www.imazpress.com)

Cas hospitalisés
- 554 cas hospitalisés pendant plus de 24h notifiés à la cellule régionale de Santé publique France à la Réunion dont 138 cas sévères ;
- 4 groupes distincts parmi la population des cas hospitalisés : les moins de 6 mois, les femmes enceintes, les plus de 65 ans et les « autres » (voir définition plus loin) ;
- Les moins de 6 mois hospitalisés souvent pour prise en charge des douleurs ;
- Les patients de plus 65 ans hospitalisés étaient pour la plupart porteurs de nombreuses comorbidités

Décès

- 45 décès liés au chikungunya dont 22 directement liés ;
- Parmi ces décès, 2 décès néonataux ;
- Chez les plus âgés, une majorité de décès pour cause cardio-vasculaire ou respiratoire
dans un contexte de polypathologies décompensées ;
- Chikungunya comme élément déclencheur de vulnérabilités.

- 554 cas hospitalisés pendant plus de 24h -

Depuis le début de l’année, 640 signalements d’hospitalisations de patients positifs pour le chikungunya ont été transmis à la cellule de Santé publique France Réunion. Parmi ces signalements, 84 concernaient des patients pour lesquels le diagnostic de chikungunya était fortuit et sans lien avec l’hospitalisation. Les données présentées dans ce bulletin concernent les 554 hospitalisations de plus de 24h en lien avec le chikungunya.

Parmi ces cas sévères et comorbides, on observe significativement beaucoup plus d’hommes que de femmes, contrairement à la population générale de cas hospitalisés pour chikungunya (p=0,0004). L’âge médian des cas sévères est significativement plus élevé que celui des autres cas (p=0,004).

La plupart des signalements de cas hospitalisés provenait du CHOR (48% des signalements) loin devant le CHU Sud (33%) et les autres hôpitaux. Ceci constitue selon toute vraisemblance un biais de surveillance – la participation à la surveillance hospitalière est volontaire – la plupart des cas hospitalisés ayant été pris en charge au niveau du CHU Sud. Pour le CHOR, un travail rapproché avec les cliniciens et les secrétariats des différents services a permis d’atteindre plus de 80% d’exhaustivité. Ce travail va débuter avec le CHU Sud.

Dans la population des cas hospitalisés pour chikungunya, 4 sous-groupes pouvaient être identifiés. Il s’agit des bébés de moins de 6 mois, des femmes enceintes, des plus de 65 ans et des "autres" regroupant les cas qui n’appartenaient à aucun de ces 3 groupes. Etant donné l’hétérogénéité de ces groupes, les données de surveillance sont présentées de façon séparée.

1. Les moins de 6 mois

Soixante-six hospitalisations de plus de 24h ont été signalées chez des nourrissons de moins de 6 mois. Parmi eux, 22 ont présenté une forme sévère de la maladie, soit 33%. Hormis leur âge, aucun de ces bébés (à l’exception d’un seul) ne présentait de facteur de risque de sévérité.

A l’admission, le motif le plus fréquemment rapporté (52% des cas ; n=34) était l’altération de l’état général (fièvre, perte d’appétit, etc...) suivi de la prise en charge des douleurs (23% des cas ; n=15) nécessitant parfois des antalgiques de palier 3. Au moment de leur admission à l’hôpital, 95% des bébés présentaient une éruption cutanée (maculeuse ou maculo-papuleuse pour la plupart).

Parmi les cas sévères, les atteintes les plus fréquemment décrites étaient neurologiques (91% des cas ; n=20). Dans ce groupe également, les admissions pour prise en charge de la douleur étaient plus fréquentes (36% versus 23%) et l’âge médian des cas plus bas (37 jours de vie versus 48 jours ; p=0,04) que pour l’ensemble des cas.

On note que 2 cas de transmissions materno-fœtales ont été décrits.

2. Les femmes enceintes

Dans ce groupe, 142 hospitalisations ont été signalées. Le 1 er motif d’admission était le chikungunya en contexte de grossesse (71% de cas ; n=100). La prise en charge s’orientait autour du suivi de la fièvre au cours de la grossesse, de la prévention de la transmission mère-enfant au moment de la naissance, du suivi d’anomalies du rythme cardiaque fœtal et/ou des contractions utérines.

Hormis la grossesse en elle-même, seules 14 femmes enceintes présentaient d’autres comorbidités (9,9%). L’obésité était la comorbidité la plus fréquemment rapportée (6% des femmes enceintes ; n=8). Seules 2 cas sévères ont été rapportées (une décompensation hépatique et un HELLP syndrome atypique grave).

3. Les plus de 65 ans

A ce jour, 290 hospitalisations de personnes de plus de 65 ans ont été signalées dont 92 pour une forme sévère.

Les motifs d’admission les plus fréquemment cités étaient l’altération de l’état général (avec ou sans fièvre, asthénie, perte d’appétit, perte de mobilité...) (44% des cas ; n=125), les chutes (15% des cas ; n=42) ou une décompensation de pathologie existante (15% des cas ; n=41).

Dans ce groupe, à l’admission, on rapportait moins fréquemment la présence d’une éruption cutanée que dans les autres groupes (présente dans seulement 21% des cas pour plus de 80% chez le femmes enceintes et les moins de 6 mois).

Hormis leur âge, les cas étaient pour la plupart porteurs de nombreuses comorbidités : 86% de l’ensemble des cas, soit 249 sujets avaient plus de 2 comorbidités. L’hypertension artérielle (67% des cas ; n=178), le diabète de type 2 (42% des cas ; n=110) ou encore l’insuffisance rénale étant les plus fréquentes (27% des cas ; n=69).

Dans le groupe des cas présentant une forme sévère (92 sujets soit 32% des plus de 65 ans), les comorbidités étaient plus nombreuses (50% des cas avec plus de 4 comorbidités pour 36% pour l’ensemble des plus de 65 ans ; p=0,018) et globalement plus fréquentes mais leur distribution restait similaire à celle de l’ensemble des plus de 65 ans (voir Figure 5).

4. Les "autres"

Ce groupe, hétérogène, est constitué des cas pédiatriques de plus 6 mois (n=10) et d’adultes de moins de 65 ans à l’exception des femmes enceintes (n=46).

Les motifs d’admission étaient également plutôt variables : altération de l’état général (25% des cas ; n=14), décompensation de pathologie préexistante (23% des cas ; n=13), chikungunya (7% des cas ; n=4) ou encore motifs divers (20% des cas ; n=11).

La plupart des patients de ce groupe était porteuse de comorbidité facteur de risque de forme sévère du chikungunya (84% d’entre eux ; n=47) mais près de la moitié (47% d’entre ; n=22) n’était porteur que d’une seule comorbidité.

Dans ce groupe, 22 cas sévères ont été rapportés (soit 39% des cas). Les décompensations les plus fréquemment rapportées étaient les décompensations hépatiques (en contexte de cirrhose alcoolique le plus souvent) (36% des cas ; n=8) suivie des décompensations rénales (27% des cas ; n=6).

Parmi ces formes sévères, les comorbidités préexistantes différaient (mais non significativement) des comorbidités rapportées dans l’ensemble du groupe. Elles étaient non seulement plus fréquentes (95% de cas avec facteur de risque de sévérité pour 84% chez les autres) et plus nombreuses (64% des cas sévères présentaient au moins 2 facteurs de risque de sévérité contre 44% chez les autres) mais les comorbidités les plus fréquemment retrouvées différaient également (non significatif). Les personnes ayant souffert d’une forme grave du chikungunya présentaient plus fréquemment une obésité (32% ; n=7), une insuffisance rénale (24% ; n=5), une pathologie respiratoire préexistantes (19% ; n=4), ou une pathologie cardiaque (14% ; n=3), que l’ensemble des personnes hospitalisées de ce groupe (voir Figure 6).

- Nombre de décès -

En ce qui concerne les décès survenus chez des adultes (n=43), ils sont tous survenus chez des personnes porteuses de nombreuses comorbidités. En effet, dans 70% des dossiers, les patients présentaient plus de 4 comorbidités facteurs de risque de sévérité. Les comorbidités les plus fréquentes étaient celles habituellement présentes dans la population réunionnaise (hypertension artérielle, diabète de type 2, pathologie cardiaque préexistante...). Les causes ayant mené au décès étaient variables mais les causes cardiovasculaire et respiratoire étaient les plus fréquentes. Les investigations ont conclu au lien direct du chikungunya dans 21 des décès.

Un décès survenu chez un nouveau-né a été classé comme directement lié au chikungunya et l’autre comme indirectement lié. Ils sont survenus chez des nouveau-nés sains.

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