Coronavirus

Traitement contre le covid-19 : des pistes françaises prometteuses

  • Publié le 11 avril 2020 à 02:58
  • Actualisé le 11 avril 2020 à 08:10
Don de sang

Alors que l'on entend beaucoup parler de la chloroquine, antidote à l'efficacité controversée mise au point par le Professeur Didier Raoult à Marseille, d'autres pistes de traitement contre ce virus sont actuellement explorées par des scientifiques en France, et ailleurs dans le monde. Certaines sont déjà testées en clinique. Tour d'horizon non-exhaustif des pistes les plus prometteuses de l'Hexagone.

Alors que le covid-19 continue sa progression dans le monde entier, aucun vaccin, remède ou traitement n'a encore été prouvé scientifiquement. Aux quatre coins du globe, les plus grands chercheurs se sont lancés dans une course contre la montre, multipliant les recherches et les essais, essayant désespérémment de trouver le traitement qui permettra de venir à bout de cette pandémie toujours plus meurtrière. C'est à Marseille qu'est né l'espoir le plus bruyant : la chloroquine. Une molécule qui fracture la communauté scientifique mondiale.

"Cela va être beaucoup d'essais, beaucoup d'erreurs, mais nous avons beaucoup d'options à explorer", assure à l’AFP Benjamin Neuman, virologue à la Texas A&M University-Texarkana. Un challenge de taille pour l'humanité. En France, les scientifiques se mobilisent, et, si la preuve d'un traitement efficace n'a pas encore été apportée, certains espoirs naissent. 

• Chloroquine ou hydrochloroquine

Science et Avenir recense déjà, au début du mois d’avril, 45 protocoles d'essai clinique sur la chloroquine ou sa cousine hydroxychloroquine dans le monde. L’efficacité de ces molécules - couramment utilisées pour lutter contre le paludisme -  est défendue par le clivant professeur Raoult à Marseille, et divise fortement la communauté scientifique, qui appelle à la prudence. L’infectiologue marseillais assure que associée à un antibiotique, l’hydroxychloroquine est efficace pour lutter contre le coronavirus.

Dans une première étude, effectuée sur 20 malades soignés à l'Institut hospitalo-universitaire (IHU) de Marseille, les résultats publiés par le docteur marseillais sont les encourageants : “70% des patients traités étaient guéris virologiquement”.

La deuxième étude porte sur un échantillon de 80 patients. Dans une nouvelle publication, Didier Raoult affirme que “81,3% des patients présentaient des résultats favorables et sont sortis de l’unité avec de faibles scores infectieux”.


- L’efficacité de ces méthodes restent à prouver -

Mais ces études sont loin de trouver grâce aux yeux de tous. On reproche à l’infectiologue marseillais un manque de rigueur méthodologique. Selon l’épidémiologiste Dominique Costagliola, explique à l’AFP que “dix jours après le début des symptômes, 90% des gens qui ont une forme modérée ont une charge virale contrôlée”, se basant sur de récentes études chinoises.

L’efficacité de ces méthodes restent donc à prouver, d’autant plus que l’utilisation de la chloroquine peut provoquer de nombreux effets secondaires, notamment sur les patients en réanimation.

Pour tenter de répondre à ces interrogations scientifiques et mettre un terme à ce débat public, l’étude Hycovid a été lancée à la fin du mois de mars par le CHU d’Angers en collaboration avec une quarantaine d’autres hôpitaux français.

Une étude d’une plus grande ampleur, qui porte sur 1.300 patients, dont les premiers résultats seront publiés d’ici plusieurs semaines. “Son extrême rigueur scientifique et le nombre de patients inclus feront de cette étude une des plus sérieuses traitant de l’hydrochloroquine”, assure le CHU d’Angers. Afin de répondre aux nombreuses interrogations qui entourent cette étude, le CHU d’Angers a ouvert une foire aux questions sur sa page Facebook.

[ Etude #Hycovid ]

Le lancement de l’étude #Hycovid visant  à mettre fin au débat sur l’#hydroxychloroquine dans le...

Publiée par CHU Angers sur Mercredi 1 avril 2020

D’abord qualifié de “prometteur” par le gouvernement, le ministre de la Santé Olivier Véran s’est ensuite montré plus sceptique quant à la généralisation de ce traitement peu onéreux. Alors que des dizaines de protocoles cliniques sont aujourd’hui en cours, Olivier Véran affirme qu’aucun d'entre eux n’avait encore prouvé l’efficacité de la molécule.

"J'ai des éléments qui me reviennent des hôpitaux qui ne montrent pas, à ce stade - je suis extrêmement prudent - un effet statistiquement significatif de l'une ou l'autre des molécules", a déclaré Olivier Véran le 7 avril sur RMC. Ainsi, en l'absence "d'étude consolidée, définie, randomisée", le gouvernement réfléchit "à encore amplifier le cadre de ces expérimentations".

Le 9 avril, c'est Emmanuel Macron lui-même qui rend visite au professeur marseillais. Ce dernier a présenté au chef d'Etat sa dernière étude, qui confirme selon lui l'efficacité de son traitement : plus de 91% de réussite, sur un échantillon de patients plus large (plus de 1000 patients). Cette rencontre ne représente pas "une reconnaissance" de la méthode de Dider Raoult, précise ensuite l'Elysée.

• Transfusion de plasma ou coviplasm

L’EFS (Etablissement français du sang) a lancé au début du mois d'avril un essai clinique de transfusion de plasma de patients guéris depuis au moins 14 jours, le programme COVIPLASM. Les prélèvements ont débuté le 7 mars dernier, dans trois régions de métropole, la Bourgogne-Franche-Comté, le Grand Est et l’Ile-de-France.

Afin de mener à bien cet essai, plus de 200 patients guéris du covid-19 vont être prélevés de leur plasma, composante liquide du sang riche en anticorps, et en immunoglobulines. Les anticorps sont utiles pour lutter contre les virus, puisqu’ils s’attaquent aux antigènes, les substances étrangères à l’organisme.

Ainsi, le transfert du plasma d’un patient guéri contenant des anticorps développés par l’organisme pourrait aider des malades en phase aiguë à lutter contre le virus, explique l’EFS. La transfusion permettrait ainsi au patient d’augmenter la production d’anticorps.

Il est encore trop tôt pour évaluer l’efficacité de cette technique. L’EFS indique que des premiers résulats seront connus deux à trois semaines après le début de l’essai clinique, soit vers la fin du mois d’avril, précisant qu’en fonction de “l’efficacité du traitement et de l’absence d'apparition d’effets secondaires délétères, l'essai clinique pourra être élargi à un nouveau groupe de patients”.

• Xav-19 par Xénothéra

C’est au coeur d’une société de biotechnologie nantaise que naît un nouvel espoir dans la lutte contre le coronavirus. Xénothéra a mis au point Xav-19, “un mix d’anticorps protecteurs similaires à la réponse naturelle de l’homme”, qui permettrait de traiter le covid-19, et “sauver des milliers de vies”. C'est en tout cas ce qu'affirme Odile Duvaux, la créatrice de la start-up, qui cherche aujourd'hui à lever 3 millions d’euros pour poursuivre les essais auprès des patients.

L'entreprise participe d’ailleurs à l’appel d’offres “coronavirus” lancé par l’Agence nationale de la recherche (ANR). L’entreprise, qui travaille à l’origine sur la transplantation, a découvert au fil de ces dernières années de recherche que ces anticorps “humanisés” (produits à partir de cochons) peuvent aussi être utilisés pour lutter contre des infections virales. En 2016, un de ses programmes de recherche s’était montré concluant pour traiter le virus Ebola.

Défendu par le député François de Rugy à l'Assemblée nationale, ce processus scientifique passerait donc par une "injection de ces anticoprs chez les patients hospitalisés, avant que leur cas ne s'aggrave et qu'ils soient placés en réanimation", explique Odile Duvaux dans Ouest-France.

- L'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et le projet Discovery -

L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), coordonne depuis le 22 mars un essai clinique européen baptisé Discovery. L'objectif : tester et comparer 4 stratégies thérapeutiques expérimentales : le remdesivir, le lopinavir, la combinaison lopinavir et interféron. Pour arriver à cette liste de molécules antivirales à tester, l'Inserm a analysé les données scientifiques concernant les autres coronavirus (SARS et MERS), ainsi que des publications chinoises sur le covid-19.

L'essai clinique porte sur 3.200 personnes atteintes de formes sévère du covid-19, dont 800 en France. Cet essai est évolutif, ce qui signifique que si une molécule s'avère inefficace, elle sera abandonnée. Au contraire, si l'une d'entre elle apparaît efficace, alors elle sera testée dans le cadre de l'essai. C'est ce caractère adaptatif qui fait "la grande force de cet essai", selon l'INSERM, puisque cela permet des réactions en temps réel, au fil des avancées de la recherche, afin de "mettre en évidence le meilleur traitement pour nos malades", explique Florence Ader, l'infectiologue du CHU de Lyon qui pilote le projet international depuis la France.

Au départ, cinq hôpitaux français participent à cet essai clinique (Bichat à Paris, Lille, Nantes, Strasbourg et Lyon). Cette liste devrait être élargie à une vingtaine d'établissements de santé. 

Si à ce jour, il n'existe aucun traitement à l'efficacité prouvée, de nombreux projets sont nés depuis le début de l'épidémie. Cette mobilisation exceptionnelle de la communauté scientifique mondiale risque, à terme, de peser lourd dans la guerre contre le coronavirus.

 ldp / www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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