Tribune libre de Wilfrid Bertile

De l'inquiétude à l'espérance, quelle Réunion d'après crise ?

  • Publié le 22 avril 2020 à 09:51
clinique sainte-clotilde

Après plusieurs mois de crise sanitaire règnent encore l'ignorance et l'incertitude. En conséquence, on navigue à vue aussi bien dans la gestion de la crise que dans ses modalités de sortie. Si on ne sait pas de quoi demain sera fait, pourquoi ne pas penser à après-demain ? Beaucoup disent que les choses ne seront plus comme avant. En quoi pourrait-on les améliorer à La Réunion ?

Dans cette crise, on ne sait pas sur quel pied danser : les masques ne servent à rien, mais leur port peut devenir obligatoire. Les tests ne sont pas utiles, mais il faut les généraliser. L’immunité collective serait une possibilité de mettre fin à l’épidémie, mais on confine la population pour éviter son extension. Le Covid 19 n’est qu’une " grippette ", mais on va dépasser les 30 000 morts en France. Si on l’a eu, on sera immunisé, mais ce n’est pas sûr.

La chloroquine, que l’on connaît bien ici,  administrée depuis des décennies contre le paludisme, est maintenant considérée comme dangereuse par ses effets secondaires alors que, faute de mieux, elle ne peut faire de mal contre le coronavirus…Entre les experts qui se contredisent et les décideurs qui improvisent,  la gestion de la crise a entamé la confiance que nous  devrions avoir en nos dirigeants.

Les mêmes incertitudes pèsent sur la sortie de crise. Par le confinement, on a arrêté l’économie faute de moyens pour protéger la population. Par le déconfinement, on veut faire repartir l’économie et la vie sociale sans maîtriser la situation sanitaire. Comment éviter que le déconfinement ne provoque un rebond de l’épidémie ?

En cas de nouvelle vague, il faudra reconfiner et ces séquences de " stop and go " peuvent se multiplier. Si on ne trouve pas un vaccin ou de médicament, il faudra vivre avec ce virus... Il faudra nous résoudre à porter des masques, à pratiquer la distanciation sociale, à faire les gestes barrières… pendant un long temps.

Mais au-delà des changements dans notre vie quotidienne, il faudrait aussi tirer les leçons de cette crise pour notre devenir, aussi bien au plan global que local. Sans doute, cette crise sanitaire aura-t-elle accéléré dans le monde la prise de conscience de la nocivité du capitalisme financier qui recherche partout le moins-disant social et fiscal, qui épuise les ressources naturelles, qui appauvrit la biodiversité…au profit de quelques-uns.  De là, croire que sans une reprise en mains par les peuples les dirigeants du monde voudront changer le système serait une illusion.

Le Gouvernement français a répondu à l’urgence,  mais il n’a pas changé de philosophie. Il a mis provisoirement de côté ses dogmes sur les dépenses publiques et l’endettement pour aider les entreprises  et assurer, par le chômage partiel et les aides sociales, des revenus aux travailleurs et aux plus démunis. Il va demander des sacrifices pour rattraper la croissance perdue et  rembourser les dettes.

Ce sont les mêmes qui vont payer : d’une part les travailleurs ( une partie du patronat prône le " travailler plus " alors que le chômage risque d’exploser) et d’autre part les classes moyennes puisque le Gouvernement se refuse à demander un effort aux plus riches en rétablissant l’ISF et en créant une tranche supplémentaire de l’impôt sur les revenus.

Concernant La Réunion, grâce à la réduction drastique des liaisons aériennes, l’épidémie importée est contenue. Leur rétablissement devra s’accompagner d’un strict contrôle sanitaire des passagers  sous peine d’une nouvelle vague de contagion. Comme après la crise financière de 2008, la reprise économique se fera sans doute plus facilement ici qu’en France hexagonale puisque les transferts publics soutiennent la consommation, moteur de notre économie. Des secteurs resteront plus longtemps sinistrés, notamment le tourisme qui devra s’appuyer  davantage sur la clientèle locale qui assure au demeurant quelque 60% de son chiffre d’affaires.

Le moment est sans doute venu de tirer les leçons de notre dépendance excessive des importations, d’aller vers une économie plus productive, de revoir notre politique de coopération. Il nous faut structurer encore plus  les filières d’import-substitution pour davantage de plus-values locales, d’emplois et d’autonomie alimentaire. Cette autonomie est aussi à rechercher en recentrant notre politique de coopération régionale sur notre région (Mozambique, Madagascar, Comores, Mayotte, Maurice…) grâce notamment à une nouvelle desserte maritime régionale de La Réunion.

Outre d’assurer notre approvisionnement par des circuits plus courts, celle-ci permettrait de faire de La Réunion un centre de transformation et de conditionnement des produits de la zone avant exportation vers l’Europe et  inversement, de faire de La Réunion un centre de distribution de produits vers la zone (médicaments).

Tout cela est souvent dit et répété. Après la crise, un plan de relance économique devra être mis en place. S’il est décidé que ses moyens seront principalement orientés vers les entreprises de l’agriculture, de l’industrie, du tourisme, de l’économie circulaire, de l’économie sociale et solidaire, de la transition écologique, on aura pris la bonne direction.  

Wilfrid Bertile  

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1 Commentaires
KUNTA KINTé
KUNTA KINTé
5 ans

Son sommeil en politique est long , on l'invite à y retourner !