Dans un article publié le 18 décembre 2025, le directeur de la CISE affirme que ni la mairie, ni la CIREST, ni la CISE ne portent de responsabilité dans la crise de l’eau qui frappe Saint-André. Pourtant, les habitants subissent des coupures depuis deux à trois ans, parfois quotidiennement. Comment peut-on encore prétendre qu’aucune responsabilité n’est engagée ? Vous gérez l’eau à Saint André depuis plus de trente ans. Il est donc difficilement concevable qu’aujourd’hui, face à une crise aussi profonde, vous rejetiez toute responsabilité (Photo : sly/www.imazpress.com)
Vous invoquez la sécheresse, mais elle n’explique pas pourquoi certains quartiers sont correctement alimentés tandis que d’autres vivent sous coupures permanentes, sauf lorsqu’il pleut. Le climat ne choisit pas ses victimes : si certains secteurs — notamment ceux raccordés à Bras des Lianes — sont plus touchés, c’est parce que le réseau y est plus fragile, plus ancien et insuffisamment entretenu.
La preuve est encore plus flagrante : Bras-Panon, qui est lui aussi alimenté à partir de Bras des Lianes, n’est jamais impacté, même en période sèche. Si la pluie était réellement la cause, les deux communes seraient touchées de la même manière. La réalité est simple : quand il pleut, l’eau revient ; quand il ne pleut pas, les coupures reprennent dans les mêmes zones. Ce n’est donc pas un phénomène climatique, mais la démonstration d’un réseau incapable d’assurer un service continu là où il est le plus vulnérable. Les habitants de ces quartiers ne devraient pas vivre au rythme des averses, mais au rythme d’un service public fiable, entretenu et anticipé — ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Vous mentionnez également que 40 % de l’eau se perd dans la nature. Ce chiffre n’a rien de nouveau : il est connu, documenté et signalé depuis des années par l’Observatoire de l’Eau et plusieurs rapports publics. Ne pas avoir traité ces pertes massives relève d’un manque d’anticipation et d’un défaut de pilotage de la part de la mairie, de la CIREST et de la CISE.
Vous invoquez ensuite l’augmentation démographique pour expliquer les difficultés du réseau. Mais si la croissance de la population était réellement un facteur déterminant, comment justifier que, pendant toutes ces années, vous ayez continué à valider et raccorder de nouveaux logements, lotissements, résidences et bâtiments publics ? Soit le réseau pouvait supporter tous ces nouveaux aménagements, et votre argument ne tient pas ; soit il ne le pouvait pas, et vous les avez validés malgré tout. Dans les deux cas, la responsabilité vous incombe.
Depuis des années, ce sont toujours les mêmes quartiers qui subissent les coupures répétées : Mille Roches, Butor, La Cressonnière, Cambuston, Ravine Creuse, Rivière du Mât, Patelin, Bois Rouge, ZAC Fayard, centre-ville, chemin Lagourgue, chemin Lefaguyès, chemin du Centre, avenue des Mascareignes... Pour ces familles, la situation est devenue intenable. Elles n’arrivent plus à s’organiser, n’osent plus inviter du monde chez elles, vivent dans la crainte permanente que l’eau soit coupée au moment de cuisiner, de se laver ou de recevoir. Ce ne sont pas des chiffres : ce sont des vies bouleversées.
Les entreprises aussi sont touchées : certaines sont à l’arrêt, d’autres doivent réduire leur activité. Les restaurants, notamment, diminuent leur nombre de couverts faute d’eau disponible. C’est toute l’économie locale qui en souffre.
Ce constat est d’autant plus incompréhensible que la CIREST a engagé des travaux importants à Saint-Benoît. La collectivité y a lancé un chantier majeur de modernisation des réseaux, avec des travaux lourds débutés le 15 septembre 2025. Ces interventions visent à renouveler les réseaux, améliorer l’hydraulique et mettre les installations aux normes.
Pourquoi de tels chantiers sont-ils engagés à Saint-Benoît alors que la situation est plus critique encore à Saint-André ?
Il est trop facile aujourd’hui d’affirmer que ce n’est pas votre responsabilité et de demander aux citoyens de “faire des efforts”.
Les habitants, eux, n’ont jamais été responsables de cette crise : ils paient leurs factures et subissent les coupures. Ce ne sont pas les usagers qui sont en faute, mais les gestionnaires, qui n’ont pas entretenu le réseau pendant plus de trente ans.
Dans l’immédiat, il apparaît nécessaire de mettre à disposition des bacs de récupération d’eau équipés de gouttières et d’un système de distribution autonome permettant d’alimenter un robinet domestique, ainsi que de suspendre la facturation tant que le service rendu n’est pas conforme au règlement de service. Il est inadmissible de faire payer un service qui n’est ni continu, ni fiable.
Les habitants de Saint-André ne doivent pas vivre en fonction de la météo. Leur hantise, désormais, ce n’est pas la pluie : c’est le moment où elle cessera.
Françoise Fontaine
Citoyenne engagée, membre du collectif "Les Gardiens des Ressources de la Réunion"
