Céline Viry s’est éteinte, et avec elle, une page du maloya s’est refermée. Mais sa voix, elle, ne s’éteindra pas. Elle résonnera dans chaque roulèr qui bat, dans chaque kayamb qui lutte, dans chaque kabar où la terre vibre sous les pas des enfants de l’île. Céline n’était pas seulement l’épouse de Firmin Viry, ce zarboutan que tout le monde reconnaît : elle était elle-même une figure debout, une militante, une gardienne inflexible d’un patrimoine trop souvent effacé, minoré, folklorisé.
Elle n’a jamais couru après les projecteurs. Elle préférait la lumière des veillées, les silences complices dans lakour, les regards chargés de mémoire qu’on échange entre vieux complices du combat culturel. Car oui, Céline Viry était une combattante. Une combattante de l’ombre, de l’intérieur, de ces luttes qui ne font pas la une, mais qui façonnent les fondations invisibles de ce qui tient debout.
Son engagement n’était pas un slogan, mais un mode de vie. Elle portait le maloya comme une seconde peau, non comme un costume de scène. Pour elle, cette musique n’était pas un divertissement, mais un acte de résistance. Dans ses gestes, ses paroles, ses choix de vie, elle défendait un monde, un langage, une vision de La Réunion que tant ont tenté de gommer : celui d’une culture vivante, populaire, enracinée, insoumise.
Dans l’ombre de Firmin, disaient certains. Mais qui écoute les kabars sait bien que Céline était la sève. Elle tenait la case, nourrissait le collectif, tissait les liens de transmission. Elle était cette mémoire incarnée qui, sans jamais hausser le ton, donnait aux jeunes la force de relever la tête. Il n’y avait pas chez elle de folklore pour touristes, seulement la dignité nue d’un peuple qui refuse de se taire.
Elle appartenait à cette génération de femmes réunionnaises que l’histoire officielle a souvent invisibilisées : des femmes de combat, de silence et de feu, qui ont tenu debout les cases, les familles, les savoirs, les rituels. Ces femmes qui n’ont jamais attendu l’autorisation d’exister pour prendre toute leur place.
Aujourd’hui, les institutions salueront sa mémoire, sans doute. Elle appartient à celles et ceux qui, dans les quartiers, les hauteurs, les champs de canne et lakour, continuent de faire vivre la Réunion qui ne se renie pas, ne s’aligne pas.
Ceux qui l’ont connue, aimée, accompagnée, savent qu’elle était une mère, une sœur, une militante, une musicienne, une passeuse de feu. Elle laisse derrière elle une Réunion qui lui ressemble : fière, blessée, résistante, belle, debout.
Repose en paix, Céline Viry. Et que les tambours te portent jusqu’aux étoiles. Là où le maloya ne meurt jamais.
Toutes nos condoléances à notre potomitan Firmin VIRY ainsi qu'à tous les membres de la Rolev Viry.
Natou et Patrice Sadeyen
Nout Farfar lémisyon radyo