Tribune libre de Monique Orphé

Protection de l’enfance : l’indignation ne suffit plus, pour des actions concertées et efficaces

  • Publié le 24 septembre 2025 à 16:18
  • Actualisé le 24 septembre 2025 à 16:21
Monique Orphé

À La Réunion, en 2024, 995 enfants ont été victimes d’atteintes sexuelles, dont 382 dans le cadre familial, et 158 viols, en hausse de 23 % par rapport à 2023. Ces chiffres, dévoilés par la gendarmerie et l’ODPE, confirment ceux révélés il y a quelques semaines par l’Observatoire départemental de la protection de l’enfance, où 7 400 informations préoccupantes ont été signalées, contre 5 380 en 2022 (+38 %). Derrière ces chiffres se cachent des visages et des enfances brisées.

- Briser le silence : une parole à crédibiliser -

60 % des agressions sexuelles subies par des mineurs proviennent du cadre familial. L’inceste, comme d’autres violences sexuelles, détruit l’intimité et la confiance des enfants. Le fait que 45 % des informations préoccupantes débouchent sur un classement sans suite interroge. Il est nécessaire que la parole de l’enfant soit mieux accueillie, sans pour autant remettre en cause l’autorité parentale.

- Mieux anticiper et mieux protéger les violences sexuelles -

Le plan national 2023-2027 prévoit 22 actions pour renforcer la prévention et la prise en charge. À La Réunion, le plan départemental 2024-2028 repose sur cinq axes clés : repérage précoce, prise en charge globale et gouvernance partagée. Mais les moyens humains et financiers ne sont pas à la hauteur du défi à relever : il est urgent de les renforcer pour infléchir durablement ces violences.

Amplifier les actions suivantes :

• Renforcer l’accueil et la mise à l’abri des victimes : il est urgent d’augmenter les lieux d’accueil et de mieux accompagner les familles d’accueil. Le repérage est primordial : dès la première alerte, les victimes doivent être mises en sécurité et accompagnées, encore faut-il se donner les moyens d’une véritable mise à l’abri de l’enfant.

• Garantir un soutien psychologique immédiat et durable : les enfants ne peuvent être simplement renvoyés à leur « résilience ». Les unités spécialisées (UAPED, centres psychotraumatiques) et la CRIP974 doivent être accessibles partout, avec davantage de psychologues et pédopsychiatres pour une prise en charge de qualité.

• Former tous les acteurs de première ligne afin de repérer rapidement les signaux d’alerte.

• Accélérer le traitement judiciaire, avec des sanctions rapides et un accompagnement juridique.

• Faire preuve de fermeté dans les sanctions infligées aux auteurs, avec suspension de l’autorité parentale si les faits sont avérés.

Un devoir collectif

"Chaque enfant doit pouvoir vivre sa vie d’enfant dans un milieu apaisé. Aucun ne doit grandir dans la peur, la honte ou la souffrance.
Protéger nos enfants n’est pas une option : c’est un devoir moral, social et humain."

Monique Orphé Conseillère départementale de La Réunion

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1 Commentaires
steyer gauthier
steyer gauthier
2 mois

Depuis plus de 25 ans j'interviens dans le champs médico sociale sur notre île, dont 18 à l'Aide Sociale à l'Enfance. Je suis donc acteur et témoin "privilégié" d'une triste réalité de terrain. Depuis tout ce temps, je tente de faire entendre le témoignage et la voix des "petites mains du travail social". Mais il semble que l'on reste sourds à mes appels et ma bonne volonté. Ce message en est un de plus. Que fait réellement l'observatoire de la protection de l'enfance? Qui observe quoi? Pour en faire quoi? Une question qui reste pour moi sans réponse. Quand au manque de moyen, cela fait longtemps que je n'y croit plus: Nous n'en avons jamais eu autant, financièrement et humainement. Mais la multitudes des intervenants, des dispositifs, des procédures, des forces vives, des bonnes volontés... crée un morcellement et une délitement de l'intervention sociale sans précédents.
Il m'est arrivé d'accompagner des enfants, ayant vu 3 ou 4 psychologue différents (scolaire, CHU, département, établissement médico-sociale...). Tous arrivaient à cette conclusion effarante: "Votre enfant va mal, il devrait voir un psychologue!!!!!!!" D'autres familles sont "suivis" (poursuivis) par une multitude d'intervenants sociaux, à ne plus savoir qui fait quoi. Et chaque intervenant se plaignant de n'avoir ni temps, ni moyen!
Des solutions concrètes existent, j'en suis certain. Pour ce qui est de la volonté politique de mettre à plat nos systèmes de protection sociale et de procéder à un remaniement en profondeur, j'en doute.
Je reste en tout cas disponible pour faire ma part, témoigner, proposer, dénoncer, réfléchir, et agir.