La compagnie Sakidi prépare actuellement la mise en scène de deux pièces de l'auteur russe Anton Tchekhov. Petite particularité : les ?uvres ont été traduites en langue créole. Un choix volontaire de la part de Lolita Tergémina, directrice artistique de Sakidi. "C'est une façon de démocratiser la culture, de faire connaître des ?uvres classiques au public réunionnais et de faire perdurer de grands auteurs", raconte-t-elle.
Jeudi 15 septembre : répétition de la première scène de la pièce "Une demande en mariage" au théâtre du Grand Marché. David Erudel campe le rôle d'Ivan Vassilievitch venu courtiser la jolie Natalia Stepanovna interprétée par Yaëlle Trulès. La demande en mariage acceptée par Alex Gador, prêtant ses traits à Stepan Stephanovitch, père de Natalia, on pourrait croire que l'union des deux protagonistes ne rencontrera pas d'obstacles. Sauf qu'elle est compromise par un râlé-poussé entre Natalia et Ivan à propos d'une histoire de terrain. Et ce n'est que le début.Dans une ambiance détendue, sur un ton humoristique, le trio de comédiens fonctionne bien, et le spectateur entre rapidement dans l'univers comique de Tchekhov à la sauce créole. "L'idée, c'est d'entremêler la langue créole avec les ?uvres classiques, c'est de montrer que le créole est capable de traduire le niveau de langue de grands auteurs, comme Tchekhov, Molière ou Shakespeare", explique Lolita Tergémina. La jeune metteuse en scène, également comédienne, souhaite ainsi "rendre à la langue créole toute sa noblesse", mais également "permettre à un certain public réunionnais d'accéder à la culture théâtrale classique".
Ces ?uvres classiques, Lolita Tergémina les tient particulièrement à c?ur. "A La Réunion, on n'a pas souvent l'occasion de jouer ces rôles et ces textes. Pour moi, c'est dommage, parce que ce sont les fondamentaux du genre théâtral, et ils traitent bien souvent de sujets encore très actuels de nos jours, et dans lesquels le public peut se retrouver", estime-t-elle.
Les deux pièces qu'elle a choisi de traduire, "La demande en mariage" et "L'ours" de Tchekhov, explorent ainsi les rapports entre l'homme et la femme, les désaccords entre eux, la méfiance de l'un envers l'autre, mais aussi la façon dont chacun apprend à apprivoiser l'autre.
Lolita Tergémina souligne : "Les thèmes abordés dans ces ?uvres sont fidèles à la société réunionnaise. Ils sont universels. La formation d'un couple, la mise en place de la confiance, les petites disputes...Tchekhov est parvenu à retranscrire toute une palette de sentiments humains sur le ton de la comédie, et chacun peut se retrouver à travers ses personnages".
Mais la directrice artistique précise : "Malheureusement, très souvent, les gens n'osent pas se tourner vers ces textes, ils ont peur de ne pas les comprendre. En les traduisant en créole, mon objectif premier, c'était de rendre cette littérature classique accessible à tous, et de permettre aux jeunes comme aux gramounes de s'ouvrir à cette culture".
Pour Lolita Tergémina, "c'est aussi un moyen de faire perdurer les grands noms du théâtre". Elle souhaite d'ailleurs continuer sur ce chemin, en adaptant par la suite les textes de Shakespeare ou d'Aristophane en créole et souhaite aussi revenir sur le devant de la scène. "La mise en scène est une belle expérience, mais je suis avant tout comédienne", rappelle-t-elle.
En attendant, elle continuera à superviser les répétitions pour les pièces de Tchekhov. La première aura lieu le 18 novembre 2011 à la salle Guy Agénor de la Plaine des Palmistes. Des séances scolaires sont également au programme les 21 et 22 novembre, toujours à la Plaine des Palmistes. S'en suivront deux représentations à Saint-Paul, une publique et une scolaire, et une tournée à Saint-Denis, où un accord a été passé avec la mairie pour jouer dans les quartiers. Un moyen de rendre accessible ces pièces à toute la population.
Samia Omarjee pour