Commande publique : les délais de paiement ont raccourci mais pas pour toutes les entreprises et cela pose problème

  • Publié le 4 décembre 2025 à 05:35
Chantier BTP

Baisse des commandes publiques, délais de paiement à rallonge…Le secteur du BTP vit des moments difficiles depuis plusieurs années. Dans ce contexte, le Haut Conseil de la Commande Publique (HCCP) de La Réunion se réunit régulièrement pour faire le point sur le secteur. Si une charte a été signée pour diminuer les délais de paiement, et qu'une nette amélioration a été remarquée, toutes les collectivités ne sont pas bonnes élèves…Et ce sont les entreprises qui en pâtissent (Photo : rb/www.imazpress.com)

Le HCCP a été créé en 2010 à La Réunion. Un nouvel élan a été donné en 2019, avec l’objectif "de pérenniser une commande publique responsable et durable et d’en maximiser les retombées économiques et sociales au profit de son écosystème", notait l'Etat à l'époque.

450 acteurs publics en font partie, dont l'Etat, les collectivités, les chambres consulaires, et les organisations professionnelles et syndicales. Ces derniers ont signé en 2024 une charte d'engagement pour l'amélioration des délais de paiement. 

Des paiements qui doivent, légalement, être versés 30 jours maximum après du réception du chantier quand le donneur d'ordre est l'Etat, une collectivité territoriale, ou un établissement public local. Ce délai s'étend à 50 jours pour les établissements publics de santé. 

- Du mieux, mais toujours pas assez - 

Dans son dernier bilan daté d'août 2025, la Direction régionale des finances publiques (DRFIP) a relevé que "61% des collectivités locales paient en moins de 30 jours, contre 48% en 2024". 54,8% des collectivités ont par ailleurs réduit leur délai de paiement par rapport à l'an dernier. 

Au 31 juin 2025, les "bons" et "mauvais" élèves détonnaient particulièrement : Trois-Bassins, La Possession et Saint-Benoît sont les trois communes à avoir respecté au mieux les délais depuis le début de l'année, avec respectivement 95,61%, 90,77% et 80,2% des chantiers réceptionnés payés dans les temps.

Au contraire, les communes au plus bas, Saint-Philippe, Sainte-Rose et Sainte-Suzanne n'avaient réglé que 6,11%, 7,42% et 8,08% de leurs factures dans les 30 jours impartis. 

Tableau DRFIP

"C'est très hétérogène dépendant des acteurs. On connaît des difficultés pour faire appliquer la charte avec certains d'entre eux", confirme un dirigeant d'une entreprise de BTP, souhaitant rester anonyme. 

"Il y a des mairies et collectivités qui sont très bonnes élèves, et d'autres qui mettent sérieusement les entreprises en difficulté avec des retards conséquents. Aujourd'hui, on a des délais qui peuvent aller jusqu'à 80 jours. Et ce n'est qu'une moyenne, certaines créances ont presque un an de retard", assure-t-il. 

"Les retards de paiement ne respectent pas la loi, avec des délais pouvant dépasser 120 jours", confirme Anthony Lebon, président de la FRBTP.

"Certains adhérents nous expliquent une situation particulièrement préoccupante : un donneur d’ordre public cumule à lui seul plus de 4 millions d'euros d’impayés, illustrant l’ampleur du problème", note-t-il. Une autre collectivité accumulerait à elle seule plusieurs dizaines de millions d'euros d'impayés. 

Et alors que des intérêts doivent être versés en cas de retard, "ils sont rarement versés, malgré l’obligation légale", dénonce-t-il par ailleurs. "Les difficultés rencontrées ne sont pas conjoncturelles, mais relèvent de problèmes structurels : absence d’anticipation budgétaire, manque d’ingénierie dans la gestion des marchés publics…", liste la FRBTP.

"La situation est complexe pour nous, les délais de paiement du secteur public sont parfois très longs. Il y a eu de gros efforts de la part de la direction régionale des finances publiques ces dernières années, avec la création d'une charte, mais ça n'a pas tout réglé", pointe un entrepreneur. 

"J'ai de nombreux chantiers en attente de paiement. Entre 70 et 80% de mes impayés proviennent du secteur public, alors que ce dernier ne représente que 30% de mon activité pour un montant trois millions d'euros", confie-t-il.

Les professionnels alertent sur "le problème entre le budget prévu pour un chantier et la capacité de trésorerie de la collectivité". "Les travaux sont budgétés mais la trésorerie n'est pas forcément disponible", dénoncent-ils.

- Les professionnels de La Réunion dénoncent des "délais cachés" -

Au-delà des retards de paiement, les entreprises se plaignent des "délais cachés". Derrière cette amélioration, les professionnels du BTP temporisent donc : "nous avons encore beaucoup de difficultés autour du règlement de nos chantiers. Il y a une réelle lenteur, ce qu'on appelle des délais cachés, c'est-à-dire le temps entre la fin des travaux et le départ du délai légal de versement", explique Anthony Lebon, 

Tous les paiements en lien avec la commande publique passent obligatoirement par la plateforme Chorus Pro. Depuis 2020, toutes les entreprises françaises, peu importe leur taille, doivent éditer des factures numériques afin d’adresser leurs demandes de paiement pour des contrats conclus par l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics. 

Le dépôt des factures y est horodaté, assurant normalement le paiement en temps et en heure. Mais d'après les professionnels du secteur, certains maîtres d'ouvrage jouent la montre avant le dépôt sur Chorus, retardant ainsi les paiements.

"Il peut y avoir des refus de dépôt direct sur Chorus Pro, certains exigeant une validation préalable par la maîtrise d’œuvre, entraînant une perte de la date certaine et des intérêts moratoires", dénonce la FRBTP. Elle affirme par ailleurs que des "retenues de garantie" sont payées "hors délais légaux". 

Ce "processus de validation des factures générant des délais cachés" est "en contradiction avec les principes de transparence", souligne la fédération. 

"Entre la pré-validation avant publication, mais aussi parfois l'absence de certains éléments de la facturation - qui devraient être ajoutés directement sur Chorus - les délais s'allongent. Tout le monde joue avec la complexité du processus", regrette un chef d'entreprise. Il dénonce aussi le fait de devoir "réclamer les intérêts moratoires, alors que la loi exige à ce qu'ils soient versés automatiquement en cas de retard". "Ce n'est jamais donné de facto", affirme-t-il. 

Enfin, la FRBTP souligne une "moyenne de règlement" qui fausserait les vrais délais de chaque collectivité. 

"Les collectivités font une moyenne de toutes les factures, et mélangent les marchés de travaux et de fournitures. Mais si, par exemple, une collectivité achète une rame de papier payée comptant à 1.000 euros, et règle sa facture de deux millions d'euros à une entreprise de BTP au bout de deux mois… En faisant la moyenne, elle est dans les temps", explique Anthony Lebon.

- Des entreprises en difficulté -

Plus prudents, certains membres de l'HCCP restent conscients des difficultés rencontrées par les entreprises. "Ce qui ressort, c'est qu'à partir du moment ou les factures sont déposées dans Chorus, les délais sont respectés. Ce qui est souvent difficile, c'est le temps de les déposer", note effectivement Patricia Paoli, qui siège à l'HCCP pour la CCIR.  

"Bien sûr, il y a des communes qui sont plus rapides que d'autres. Il y a toujours des bons et moins bons élèves, mais globalement c'est quand même respecté", estime-t-elle. Elle souligne par ailleurs que "certaines entreprises ont des difficultés d'accès à la plateforme", et rappelle que des formations sont délivrées par la CCIR. 

Le Département, qui avait réglé 88,45% de ses factures à la moitié de 2025 et se plaçant parmi les "bons élèves", se réjouit qu'"au premier semestre, le délai de paiement est de 21,7 jours". 

"Nous sommes nettement en-deçà du délai de paiement réglementaire. Malgré tout, nous cherchons à l'améliorer et à encore réduire ce délai, même s'il est parmi ceux les plus intéressants. Ça suppose une organisation interne, et d'écouter les entreprises et les difficultés qu'elles peuvent rencontrer au moment du paiement des marchés", souligne Jérôme Gruchet-Aubry, directeur de la commande publique au Département. 

Toutes ces problématiques finissent en tout cas par "mettre les entreprises en difficulté, surtout celles qui ont des PME ou qui utilisent des sous-traitants", dénonce un professionnel. La FRBTP, elle, alerte : les trésoreries des entreprises sont "gravement fragilisées, compromettant la continuité des chantiers et l’emploi local". 

"Les avances prévues par les textes sont difficilement versées, souvent conditionnées à des garanties bancaires ou personnelles ce qui accentue la tension financière", détaille-t-elle, dénonçant des collectivités qui "invoquent le non-versement de leurs subventions pour justifier les retards, ce qui ne les exonère pas de leurs obligations légales". 

"L’incapacité à honorer les créances (y compris URSSAF et fournisseurs) en raison des problèmes de trésorerie (dues au retard de paiement) expose les entreprises à des procédures de redressement judiciaire ou liquidation judiciaire, avec des conséquences graves sur la pérennité de l’activité", alerte la fédération. 

Une nouvelle réunion de l'HCCP devrait se tenir en janvier 2026. L'occasion, une nouvelle fois, de faire remonter les difficultés du secteur. L'Etat, de son côté, indiquait en août dernier que des actions étaient en cours pour continuer d'améliorer les délais de paiement, avec la création notamment d'un centre de gestion financière par la DRFIP pour le ministère de la Justice "permettant de fluidifier la chaîne de la dépense publique". 

En attendant, la FRBTP appelle au "respect strict des délais légaux et des intérêts moratoires", une "meilleure anticipation budgétaire des collectivités avant le lancement des projets", et "des procédures administratives pour garantir la sécurité juridique des entreprises".

as/www.imazpress.com/redac@ipreunion.com

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2 Commentaires
Ti pas ti pas
Ti pas ti pas
1 heure

Ça avance, ça avance.

Phrase du jour :
Su en politique tu fais appel à ton papa pour t'aider c'est que tu es bien faible. Trop molle diront certains.

Papa pour un
Maman pour l'autre

Disons 2 enfants tendres.

Doudou
Doudou
3 heures

Bravo pour la Possession. Il n y a pas mieux pour 2025 . 👍