Allemand, informatique, géosciences, arabe ou encore créole, plusieurs filières sont menacées de disparition à la rentrée prochaine à l'Université de La Réunion. Les cas les plus préoccupants concernent les filières d'histoire, de géographie et de lettres modernes sur le campus du Tampon. Leur disparition pourrait provoquer la migration de centaines d'étudiants vers le campus Nord où existent déjà ces enseignements. Au total, c'est le sort de plus de 25 niveaux d'une quinzaine de filières qui sera fixé le 19 mai prochain lors du conseil d'administration de l'Université. En attendant, syndicats étudiants et politiques se mobilisent pour les sauver.
"Le budget est constant et certaines filières se développent", explique Fabrice Lemaire, vice-président du conseil d'étude de la vie universitaire pour justifier ces éventuelles fermetures. C'est le cas de la filière Sciences de l'homme et de l'environnement qui a vu ses effectifs "fortement augmenter" ces dernières années. Autre raison invoquée, l'ouverture de la 3ème année de médecine à la rentrée prochaine demandera "un budget conséquent". Fabrice Lemaire constate également que "l'université a des problèmes pour financer le matériel pédagogique pour les travaux dirigés".Dans le même temps, "certaines filières sont de plus en plus dépeuplées", précise le représentant de l'université. C'est le cas, entre autres, de la licence de créole, de la licence d'allemand, du Master 1 de mathématique, des DU arabe, chinois, hindi, tamoul ou encore de formations scientifiques (géosciences, M1 atmosphère, M1 et M2 magma, M1 TSA, M1 TRN...). Au total, près de 25 niveaux d'une quinzaine de filières n'atteignent pas le seuil d'ouverture (nombre minimal d'étudiants) fixé l'an dernier en conseil d'administration pour assurer leur "rentabilité".
Les cas les plus préoccupants concernent les filières d'histoire, de géographie et de lettres modernes du campus du Tampon. La filière histoire a vu ses effectifs baisser de 30% en 3 ans. En 2007, la L1 d'histoire comptait 96 étudiants, la L2 53 étudiants et la L3 32 étudiants. Ce chiffre est passé à 87 étudiants en L1 en 2010, 25 étudiants en L2 et 15 étudiants en L3. La filière géographie a vu quant à elle ses effectifs baisser de 18%, selon Fabrice Lemaire. Le constat est le même pour la filière lettres modernes. "Ce sont des filières déficitaires. Il sera difficile de les maintenir", explique le vice-président du conseil d'étude de la vie universitaire.
Si cette menace se concrétisait, cela pousserait des centaines d'étudiants du Sud à s'orienter vers d'autres filières ou à migrer vers le campus Nord pour continuer à suivre ces formations. D'où l'inquiétude de l'Unef. "Les conséquences sur le train de vie de l'étudiant du Sud seront nombreuses", note le syndicat dans un communiqué. Ils "devront penser à se reloger, à trouver les moyens de se procurer un véhicule ou autre moyen de transport pour les déplacements. A cela, s'ajoutent les frais pour se nourrir en dehors du foyer familial", peut-on encore lire.
Le Crous propose actuellement 836 lits. Devraient s'ajouter une centaine de lits supplémentaires d'ici septembre avec la livraison de 89 chambres. A chaque rentrée, le Crous constate déjà "une très forte demande". "La distance est bien évidemment prise en compte dans l'attribution des chambres", tient à préciser Jean-Jacques Aldo, chargé de communication au Crous. "Ce ne sera sûrement pas suffisant pour accueillir cet afflux", reconnaît Fabrice Lemaire.
L'Unef dénonce par ailleurs une "logique comptable" au détriment d'une "logique pédagogique". Cet avis est partagé par la sénatrice Gélita Hoarau qui a décidé de se mobiliser aux côtés du "collectif pour le développement de la micro région Sud". "On s'est battu en 1994 pour délocaliser certaines filières vers le Tampon et Saint-Pierre. Aujourd'hui, on les démantèle au profit du Nord. Nous ne pouvons pas laisser faire cela", affirme la sénatrice.
L'élue appelle à "une mobilisation unitaire" des politiques, des étudiants, des enseignants et de la présidence de l'université "pour empêcher ces fermetures". "Nous devons envoyer au ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur et au ministère de l'Outre-mer une motion commune demandant le maintien de ces filières", explique Gélita Hoarau. La sénatrice et le collectif dirigé par Krishna Damour devraient nouer des contacts avec l'ensemble des interlocuteurs énoncés avant le 19 mai prochain, date du conseil d'administration qui devrait fixer le sort de ces formations.
Concernant les formations du Sud, plusieurs hypothèses sont avancées par Fabrice Lemaire. Le CA pourrait soit décider de les supprimer de façon progressive (L1 en 2011, L2 en 2012 et L3 en 2013...), soit les supprimer d'un seul coup. Les autres idées avancées sont : un regroupement de l'enseignement de l'histoire et de la géographie sur le campus du Tampon ou encore la création d'un pôle lettres modernes au campus du Tampon. "Toutes les formations de lettres modernes de l'île seraient alors déplacées dans le Sud pour en faire le c?ur de l'enseignement", explique Fabirce Lemaire. Quoi qu'il en soit, certaines formations devraient ne pas survivre à ce conseil d'administration.
Mounice Najafaly pour
