"Demande de signalement d'un individu non-vacciné" : attention à ce formulaire parodique

  • Publié le 30 décembre 2021 à 13:57

Un formulaire de "demande de signalement d'un individu non-vacciné adressée au procureur de la République" qui serait "prêt pour fin janvier" et aurait fuité d'un "ministère" a été relayé le 27 décembre par l'avocat Carlo Brusa, inquiet qu'une telle procédure puisse être mise en place. Mais ce document, comprenant de nombreuses incohérences visuelles comme procédurales, est un faux, a confirmé à l'AFP le créateur du visuel. Il l'avait partagé, à l'origine, dans un groupe Facebook parodique.

"Inutile de me signaler je ne suis pas vacciné et il faudra m'abattre ! Ce n'est pas là fascisme ? C'est pire…Vivre sans vaccin ou mourir pour la liberté ! Il n'y a qu'une seule réponse mourir pour la liberté !", écrit sur Twitter l'avocat Carlo Brusa, de l'association Réaction 19, dans une publication relayée plus de 1.800 fois depuis le 27 décembre.

Capture d'écran prise sur Twitter le 29/12/2021

Son message s'accompagne d'une photo d'un document de "demande de signalement d'un individu non-vacciné", floqué du logo de la République Française, avec la légende : "le formulaire est déjà prêt pour fin janvier, une taupe au ministère me l'a envoyé, faite tourner au maximum svp". Il n'est pas précisé de quel ministère il s'agit.

De nombreuses incohérences

En cherchant dans un moteur de recherche ainsi que sur le site impots.gouv.fr, qui répertorie les formulaires officiels, ce document n'existe pas. Mais cela serait logique s'il avait effectivement "fuité" d'un ministère et ne devait être divulgué que "fin janvier", comme le soutient la publication de Carlo Brusa.

En revanche, le visuel comporte de nombreuses incohérences, qui permettent de remettre en question son authenticité.

D'abord, le document comporte un numéro "Cerfa", ce qui veut dire qu'il s'agit normalement d'un formulaire administratif réglementé, un document officiel dont un arrêté établit le modèle.

En cherchant le numéro 14637-10 dans un moteur de recherche, il apparaît un formulaire correspondant à une "demande de remboursement du différentiel de taxation", qui n'a donc rien à voir avec la vaccination.

Ensuite, il est écrit sur le formulaire relayé par l'avocat que la demande de signalement d'un individu non-vacciné est adressée "au procureur de la République". Ce magistrat, destinataire des plaintes et signalements, protège l'intérêt public en assurant le respect de la loi pénale.

Or, le logo n'est pas celui du ministère de la Justice, comme cela devrait être le cas, a relevé dans un thread un internaute répondant à Carlo Brusa.

Il faut également noter qu'un "signalement" au procureur de la République ne peut être fait que par une autorité ou un agent de l'Etat ou d'une collectivité territoriale. Un particulier ne pourrait donc pas effectuer un "signalement" d'une autre personne non-vaccinée au procureur à l'aide d'un tel formulaire.

Capture d'écran du Code de procédure pénale prise le 30/12/2021

Cette demande de signalement serait en outre faite en vertu de "l'article R53-13-1 du code de procédure pénale", indique le visuel viral.

Mais cet article n'a rien à avoir avec la vaccination : il est relatif à une "demande d'effacement du fichier national automatisé des empreintes génétiques et du service central de préservation des prélèvements biologiques". Un article qui a, en outre, été abrogé le 29 octobre 2021 et n'est donc plus en application.

Capture d'écran prise sur le site lefigrance.gouv.fr le 30/12/2021

Une ancienne version du formulaire d'effacement du fichier national des empreintes génétiques possède exactement la même mise en page que le visuel relayé sur les réseaux sociaux, comme le montre la comparaison ci-dessous.

( Juliette MANSOUR)

 

 

Cela laisse penser que c'est le formulaire qui a été utilisé pour créer la "demande de signalement d'un individu non-vacciné" en changeant simplement l'en-tête.

L'outil "Forensic" du logiciel InVid, co-développé par l'AFP, et disponible ici semble confirmer cette hypothèse, car il détecte une différence de pixels avec différents filtres, souvent synonyme de manipulation, au niveau de l'intitulé du visuel viral et des logos Cerfa et de la République Française.

Capture d'écran prise le 29/12/2021 sur Invid
Capture d'écran prise le 29/12/2021 sur Invid

 

 

D'où vient ce formulaire ?

La première occurrence de ce document remonte au 19 décembre, dans un groupe Facebook public parodique intitulé "Fichier National de Signalement Non-vaccinés (3e dose)", qui en a fait sa photo de couverture.

Capture d'écran prise le 30/12/2021 sur Facebook
Capture d'écran prise le 30/12/2021 sur Facebook

 

 

La description du groupe indique : "Faites preuve de civisme, signalez les personnes non vaccinées dans votre entourage. Notre équipe interviendra promptement", et Facebook signale que le groupe "a partagé des publications qui enfreignent les Standards de la communauté".

Plusieurs autres versions du document, dont une version imprimée ont depuis été republiées au sein du groupe, des membres se moquant de personnes ayant cru à la véracité du document.

Capture d'écran prise le 30/12/2021 sur Facebook

"C'est bien parodique", a confirmé à l'AFP le 29 décembre le créateur du visuel, également l'un des sept administrateurs du groupe, ajoutant avoir fait cela "à partir d'une image basse définition" d'un formulaire sans "remplacer tous les champs", dans le but de "se moquer de tous les raccourcis des antivax avec Vichy et le IIIe Reich".

Lire aussi : Auschwitz, étoile jaune et vaccins: quand la "complosphère" invoque le nazisme pour dénoncer la "dictature sanitaire"

"Ce n'est pas la première fois que nos blagues nous échappent un peu", a-t-il poursuivi. "Cela fait deux ans que nous nous moquons de tous les profiteurs (Raoult, Fouché, Di Vizio) [...] il faut savoir qu'on avait déjà fait deux fois des groupes de ce genre, supprimés par Facebook".

Le projet de loi sur le pass vaccinal examiné en commission

Face à Omicron, le gouvernement a accéléré son calendrier: initialement prévu pour une entrée en vigueur fin janvier, le projet de loi transformant le pass sanitaire en pass vaccinal a commencé à être examiné par la commission des Lois à l'Assemblée nationale le 29 décembre.

Un pass sanitaire est contrôlé à l'entrée du marché de Noël d'Ajaccio, en Corse, le 7 décembre 2021. ( AFP / Pascal POCHARD-CASABIANCA)

Le texte sera ensuite discuté dans l'hémicycle du Sénat à partir du 5 janvier et son entrée en vigueur est prévue dès le 15 janvier. A ce stade, le projet de loi transforme le pass sanitaire en pass vaccinal "pour l'accès aux activités de loisirs, aux restaurants et débits de boisson, aux foires, séminaires et salons professionnels ou encore aux transports interrégionaux", notamment ferroviaires.

Contrairement à ce qui est en vigueur aujourd'hui, "un test ne suffira plus", a résumé lundi le Premier ministre Jean Castex. La seule présentation d'un test négatif demeurerait en revanche valable "pour l'accès aux établissements et services de santé et médico-sociaux", ce que le Conseil d'Etat voudrait voir étendu également aux "motifs impérieux de nature familiale".

Dans son avis rendu lundi, le Conseil d'Etat relève que le pass vaccinal "est susceptible de porter une atteinte particulièrement forte aux libertés" et "peut limiter significativement la liberté d'aller et de venir et est de nature à restreindre la liberté de se réunir et le droit d'expression collective des idées et des opinions".

Pour limiter cette "atteinte aux droits et libertés", il suggère que "le certificat de rétablissement" du Covid-19 puisse être considéré "comme un substitut du justificatif de statut vaccinal", "dans des conditions définies".

Mercredi, la France a de nouveau franchi un nouveau record de contaminations au Covid-19, en dépassant pour la première fois le seuil des 200.000 cas, après 180.000 cas mardi, selon les chiffres de Santé publique France.

Infographie sur la situation en France concernant le coronavirus à la date du 30/12/2021



Juliette Mansour, AFP France
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