Pierre B., condamné en septembre 2024 pour nuisances sonores liées à des cérémonies religieuses tamoules organisées dans sa cour à Saint-André, a comparu ce jeudi 4 décembre 2025 devant une formation collégiale de la cour d’appel de Saint-Denis. Rejugé une première fois en juillet 2025 par un juge unique, son dossier a finalement été renvoyé devant trois magistrats au vu de sa complexité. Après plusieurs heures de débats, la cour a annoncé que le délibéré serait rendu le 5 février 2026 (Photo www.imazpress.com)
Pierre B., quinquagénaire, avait été condamné en première instance à quatre amendes de 400 euros, soit 1.600 euros, pour des nuisances survenues entre juin et juillet 2023. Deux voisins s’étaient constitués parties civiles et avaient obtenu des indemnisations de 1.800 euros et 1.000 euros. Il a fait appel.
À la barre, Pierre explique que ses cérémonies tamoules - tambours, clochettes, musiques, fumées rituelles, sacrifices, marche sur le feu -, se déroulent trois fois par an, principalement entre fin juin et fin juillet. Il les décrit comme des pratiques familiales et non associatives. Selon la cour, certaines peuvent durer toute la nuit et attirer de nombreux proches, provoquant un engorgement des rues.
- Un contexte local en mutation, selon la défense -
Le voisin présent à l’audience parle d’une situation devenue intenable : "Je suis à 100 mètres, je ne dors plus, je tombe malade, je n’arrive plus à me concentrer au travail". Il déplore que son voisin n’ait jamais tenté de dialogue.
Pierre rappelle qu’à l’époque de l’installation du temple familial, "il n’y avait personne". La zone était alors classée inconstructible car inondable. Depuis, 23 logements ont été bâtis autour de chez lui. Il affirme aussi qu’un rond de batay kok voisin ferait du bruit "tous les soirs jusqu’à une heure du matin".
Pour la défense, représentée par Me Léopoldine Settama, la situation se serait apaisée depuis la condamnation du tribunal de police. Pierre a déplacé son temple à Sainte-Rose. "Tout est redevenu calme", appuie également Me Michaël Nativel, conseil des parties civiles, qui y voit "la vertu" de cette procédure.
- Liberté religieuse, nuisances sonores : deux visions opposées -
Le parquet général rappelle que les nuisances sont établies : certificats médicaux, plaintes, mains courantes. "Il n’est pas question d’interdire une religion, mais de constater que les troubles sont réels et répétés", souligne la représentante du ministère public, Nathalie Le Clérc’h. Elle requiert une amende contraventionnelle de 400 euros et insiste : "Le droit à la religion ne doit pas menacer la santé, la morale, la sécurité, les droits et la liberté des citoyens".
Les parties civiles, par la voix de leur avocat, rappellent les articles protégeant le droit à la tranquillité et demandent 2.000 euros de frais de justice. "Ma famille a vu sa santé altérée", affirme le voisin.
- Un prévenu qui dit se reconstruire dans sa foi -
En défense, la bâtonnière, Me Léopoldine Settama, livre une plaidoirie passionnée. Elle invoque la liberté de culte, l’histoire réunionnaise, le vivre ensemble, l’ouverture culturelle, et estime que l’affaire revient à "faire le procès de l’hindouisme". Elle demande la relaxe.
À la barre, Pierre affirme que sa religion est devenue son refuge : "Je me sacrifie pour mes cérémonies. C’est ce qui me tient debout". Son avocate décrit un homme fragilisé, confronté à des difficultés professionnelles et financières.
Après avoir réentendu toutes les parties, les magistrats de la rue Juliette-Dodu ont mis l’affaire en délibéré. Leur décision sera connue le 5 février 2026.
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