Tensions

Crise au Liban: nouveaux heurts entre manifestants et soldats

  • PubliĂ© le 29 avril 2020 Ă  09:31
  • ActualisĂ© le 29 avril 2020 Ă  09:44
Des manifestants lancent des pierres sur l'armée à Tripoli, dans le nord du Liban, le 28 avril 2020

De nouveaux heurts ont opposé mardi à Tripoli, la capitale du nord du Liban, l'armée à des manifestants dénonçant une inflation galopante et une dépréciation sans précédent de la monnaie nationale, en pleine pandémie de Covid-19.

AprĂšs quelques heures de calme, des protestataires sont de nouveau descendus en fin de soirĂ©e dans la rue faisant craindre de nouvelles violences marquĂ©es la nuit derniĂšre par la mort d'un manifestant de 26 ans, tuĂ© par balle par l'armĂ©e. Des manifestations ont eu lieu Ă  plusieurs endroits de la ville, dont le quartier al-Mina, oĂč les protestataires ont endommagĂ© la façade d'une banque, selon une journaliste de l'AFP. Un autre rassemblement a eu lieu devant le domicile d'un ancien Premier ministre, Nagib Mikati.

Plus de 20 manifestants ont été blessés dans les affrontements nocturnes, dont quatre hospitalisés, selon la Croix-rouge libanaise. La veille, outre le manifestant tué, une vingtaine de civils ont été blessés ainsi que 40 militaires, selon l'armée.

A Beyrouth, une centaine de manifestants ont dĂ©filĂ© dans le quartier Hamra, oĂč se trouve le siĂšge de la Banque centrale, scandant des slogans contre son gouverneur. A SaĂŻda (sud), des manifestants ont lancĂ© des cocktails Molotov sur la branche locale de la Banque centrale.

Dans la journée, Tripoli, la deuxiÚme ville du pays, a été le théùtre de violences. Des centaines de jeunes ont saccagé et incendié une demi-douzaine de banques, arraché les pavés des trottoirs pour les lancer sur l'armée et incendié deux véhicules militaires. Ils ont été dispersés à coups de gaz lacrymogÚne et de balles en caoutchouc.
Face à la crise économique inédite depuis la fin de la guerre civile (1975-1990) et malgré les restrictions imposées face au nouveau coronavirus, la mobilisation populaire -- déclenchée initialement à l'automne dernier-- a repris il y a quelques jours contre le pouvoir accusé de corruption et d'incompétence. Plusieurs banques ont été vandalisées à travers le pays.

- "Cri des gens" -

"Je veux Ă©lever la voix contre la faim, la pauvretĂ©, l'inflation et l'injustice", a lancĂ© un manifestant de 41 ans, Khaled. Ce vendeur de piĂšces de rechange pour motos dit ne plus pouvoir subvenir aux besoins de ses trois enfants depuis la perte de son emploi, dans un contexte dĂ©gradĂ© avec la pandĂ©mie. Le Premier ministre Hassan Diab a reconnu "une aggravation Ă  une vitesse record de la crise sociale", assurant "comprendre le cri des gens", mais a Ă©galement rejetĂ© "tout vandalisme", lors d'une rĂ©union du gouvernement. Il a dans le mĂȘme temps dĂ©noncĂ© les "intentions malveillantes en coulisses".

Son ministre de l'Economie, Raoul Nehmé, a fait état d'une hausse de 55% des prix sans préciser la période correspondante. La crise économique a été le principal catalyseur en octobre 2019 d'un soulÚvement inédit contre une classe politique inchangée depuis des décennies et accusée de corruption et d'incompétence. Elle s'est amplifiée avec l?interdiction par les banques de tout virement à l'étranger et la mise en place de restrictions draconiennes sur les retraits en dollars, suspendus totalement en mars. Les banques sont accusées par la rue de complicité avec le pouvoir et d'avoir contribué à l'endettement public effréné et la faillite de l'Etat.

- "Explosion inévitable" -

Tout cela a Ă©tĂ© aggravĂ© par les mesures prĂ©ventives contre la propagation du virus, qui ont paralysĂ© un pays oĂč sont officiellement recensĂ©s 717 cas, dont 24 dĂ©cĂšs.
Au Liban, environ 45% de la population vit désormais sous le seuil de la pauvreté, selon des estimations officielles.

En quelques semaines, la livre libanaise, indexée sur le dollar depuis 1997, a perdu plus de 150% de sa valeur face au billet vert au marché noir, dépassant le seuil des 4.000 livres pour un dollar. Le taux officiel de 1.507 livres reste inchangé.

L'inflation est quotidiennement dénoncée sur les réseaux sociaux, les prix de certains produits alimentaires ayant quasiment doublé. Le gouvernement affirme travailler sur un plan de relance économique n'ayant toujours pas été finalisé. "Jusqu'à présent, le gouvernement n'a rien fait, si ce n'est suspendre le paiement des eurobonds", a affirmé à l'AFP l'économiste Sami Nader, en référence au premier défaut de paiement dans l'histoire du pays, annoncé en mars. D'aprÚs lui, le pays se dirige "vers une explosion sociale inévitable, avec une monnaie ayant perdu prÚs de 200% de sa valeur, et une forte baisse du pouvoir d'achat".

AFP

guest
0 Commentaires