[VIDÉOS] Contre le crime organisé

Crise sécuritaire sans précédent en Equateur, placé en état de "conflit armé interne"

  • Publié le 10 janvier 2024 à 05:46
  • Actualisé le 10 janvier 2024 à 07:43

Le président de l'Equateur Daniel Noboa a déclaré son pays en état de "conflit armé interne" et ordonné la "neutralisation" des groupes criminels impliqués dans le narcotrafic, au troisième jour d'une crise sécuritaire sans précédent, marquée mardi par une spectaculaire prise d'otage en direct sur un plateau télé.

Dans un décret signé dans l'après-midi, le président Noboa a reconnu "l'existence d'un conflit armé interne" et ordonné "la mobilisation et l'intervention des forces armées et de la police nationale (...) pour garantir la souveraineté et l'intégrité nationale contre le crime organisé, les organisations terroristes et les belligérants non-étatiques".

Après avoir déjà décrété l'état d'urgence lundi, M. Noboa, 36 ans, plus jeune président de l'histoire de l'Equateur, a ordonné cette fois la "neutralisation" de tous ces groupes criminels, dont il a fourni une liste exhaustive, tout en soulignant la nécessité pour les forces armées d'agir "dans le respect des droits de l'Homme".

- "Police! Police!" -

Ces bandes criminelles, pour la plupart de simples gangs de rues il y a encore quelques années, sont devenus les acteurs sanglants du narcotrafic aux tentacules internationales, à mesure que l'Equateur s'est converti en principal point d'exportation de la cocaïne produite au Pérou et en Colombie voisines. Autrefois un havre de paix, le pays est aujourd'hui ravagé par la violence de ces gangs.

Ennemi public numéro 1, le chef des Choneros (l'un de ces gangs comptant environ 8.000 hommes, selon les experts), Adolfo Macias, alias "Fito", s'est volatilisé dimanche de la prison de Guayaquil (sud-ouest).

Son évasion a précipité cette crise sécuritaire majeure à laquelle tente de faire face le président élu en novembre sur la promesse de rétablir la sécurité.

Dernier et spectaculaire épisode, des hommes armés vociférant ont fait irruption mardi après-midi sur le plateau d'une télévision publique à Guayaquil, prenant brièvement en otage journalistes et autres employés de la chaîne.

Munis de pistolets, fusils à pompe et grenades, les assaillants encapuchonnés ont frappé et forcé sous la menace de leurs armes les personnes terrorisées à se mettre au sol, tout en fanfaronnant devant la caméra et faisant avec les doigts les habituels signes de reconnaissance des gangs de rues.Au milieu des coups de feu, la diffusion de ces images surréalistes s'est poursuivie en direct pendant de longues minutes. Jusqu'à apparemment l'intervention des forces de l'ordre aux cris de "Police! Police!".

Personne n'a semble-t-il été tué ou blessé dans le raid, et au moins une dizaine des assaillants ont été interpellés, a constaté l'AFP.

Avec ce nouvel incident retentissant culmine une crise sécuritaire que rien ne semble pouvoir endiguer depuis la disparition dans la nature de "Fito".

"Ce sont des jours extrêmement difficiles", l'exécutif ayant pris "la décision importante de lutter de front contre ces menaces terroristes", a reconnu mardi le secrétaire à la communication de la présidence, Roberto Izurieta.

- Toutes les écoles fermées -

L'évasion de "Fito" a été suivie de plusieurs mutineries et prises en otage de gardiens dans diverses prisons, le tout relayé par d'effrayantes vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrant les captifs menacés par les couteaux de détenus masqués. Mardi, de nouvelles vidéos sont apparues, montrant cette fois l'exécution d'au moins deux gardiens, par arme à feu et pendaison.

Dans un communiqué, l'administration pénitentiaire (SNAI) a fait état de 139 de ses personnels actuellement toujours retenus en otage dans cinq prisons du pays. Le SNAI n'a pas commenté les vidéos d'exécution.

Les forces de sécurité ont de leur côté diffusé des images fortes de leurs interventions depuis dimanche dans divers pénitenciers, montrant des centaines de détenus en sous-vêtements, mains sur la tête et allongés sans ménagement sur le sol.

L'état d'urgence décrété lundi par M. Noboa s'étend à tout le territoire et pendant 60 jours. L'armée est ainsi autorisée à assurer le maintien de l'ordre dans les rues (avec un couvre-feu nocturne) et les prisons.

Il reste manifestement sans grand effet jusqu'à présent: de très nombreux incidents, dont l'enlèvement de sept policiers, ont également été signalés un peu partout dans le pays, en particulier sur la côte Pacifique et dans la ville portuaire de Guayaquil, où les groupes criminels sont tout puissants.

Les images diffusées sur les réseaux sociaux, difficiles à vérifier, donnent une idée de ces violences et alimentent l'impression d'un chaos qui s'installe progressivement dans certaines localités du pays: attaques au cocktail Molotov, voitures incendiées, tirs au hasard sur des policiers, scènes de panique...

Dans le grand port de Guayaquil, plongé dans la psychose, de nombreux établissements hôteliers et restaurants ont fermé leurs portes au public, tandis que des véhicules de l'armée patrouillent dans les rues, a-t-on constaté. Dans la capitale Quito, gagnée par la peur, magasins et centres commerciaux fermaient également prématurément, avec des embouteillages bien plus lourds que d'habitude mardi soir.

Dans la soirée, le ministère de l'Education a ordonné la fermeture provisoire de toutes les écoles du pays.

AFP

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