Actualités du monde

Des internautes afghans recourent au "Bill" de Facebook pour dénoncer la corruption

  • PubliĂ© le 31 janvier 2016 Ă  11:32
Un étudiant afghan regarde les dessins humoristique "Be Like Bill" sur un compte  Facebook à Kaboul, le 30 janvier 2016

Les internautes afghans, peu nombreux dans ce pays dĂ©chirĂ© par la guerre, se sont appropriĂ© le dessin mi-humoristique, mi-moralisateur de "Sois comme Bill" qui circule sur Facebook pour dĂ©noncer les travers de leur sociĂ©tĂ©, la corruption en tĂȘte.


"Sois comme Bill" et sa version anglophone "Be like Bill" ont fleuri ces derniÚres semaines sur les pages Facebook du monde entier. Il s'agit, selon ses concepteurs, de permettre aux internautes de "dénoncer nos vices et nos mauvaises habitudes" en mettant en scÚne Bill, un bonhomme dessiné à coups de traits simples "qu'on devrait prendre comme exemple".
"Quand on pose une question à Bill, Bill répond. Bill ne répond pas à la question par une autre question. Bill est brillant. Sois comme Bill", intime un de ces croquis, sur lequel un Bill débonnaire sourit à l'internaute comme pour l'inciter à suivre son exemple.
Mais en Afghanistan, oĂč la culture du bakchich et du patriarcat sont deux des maux les plus saillants, "Sois comme Bill" est devenu un instrument de lutte pour plus de civilitĂ©. Il a Ă©tĂ© rebaptisĂ© Qodos, l'Ă©quivalent afghan de M. Durand, et ne s'adonne ni Ă  la corruption, ni au harcĂšlement de ses compatriotes.
"Qodos voit une femme au volant. Qodos s'occupe de ses affaires et ne fixe pas la femme", explique l'un de ces encarts posté sur la page Facebook qui lui est consacrée en dari, l'une des deux langues d'Afghanistan.
- 66.000 "j'aime" sur Facebook -
Un autre croquis met en scĂšne le mĂȘme Qodos aux prises avec la corruption. "Qodos ne reçoit, ni ne verse de pots-de-vin. Il respecte la loi. Qodos est malin. Sois comme Qodos", martĂšle le message en forme d'invitation Ă  combattre l'un des pires maux qui ronge l'Afghanistan, pays abonnĂ© aux trĂ©fonds du classement de l'ONG anticorruption Transparency International (166e sur 168 selon l'Ă©dition 2015 rendue publique jeudi).
Mais Qodos aborde aussi des thÚmes plus ponctuels, comme l'exode d'Afghans vers l'Europe, un périlleux voyage de plusieurs milliers de kilomÚtres qui a déjà coûté la vie à des milliers de personnes.
"Qodos n'envisage pas de partir pour l'Europe. Qodos est heureux de vivre dans son pays. Qodos est malin. Sois comme Qodos", assĂšne la page Facebook du bonhomme.
Malgré leur apparente naïveté, les messages de Qodos suscitent les louanges d'internautes afghans harassés tant par la corruption que l'incurie de dirigeants incapables, selon eux, de leur offrir des perspectives économiques.
"Si dix Qodos étaient au pouvoir, l'Afghanistan serait un pays prospÚre", note un internaute acerbe.
Le crĂ©ateur de Qodos, qui se prĂ©sente comme un "jeune Ă©tudiant afghan", se dĂ©clare surpris de la popularitĂ© de sa page Facebook qui a rĂ©coltĂ© 66.000 "j'aime", une prouesse dans un pays oĂč seul un habitant sur dix dispose d'un accĂšs Ă  internet.
"J'ai vu cette société souffrir le martyre à cause de la corruption et d'autres maux", explique-t-il à l'AFP. "Cette société a besoin de modÚles comme Qodos".
Le jeune homme tient à garder l'anonymat par peur d'attirer l'attention d'autorités peu réceptives à la satire. Pour preuve, l'an dernier, les services de renseignement afghans ont appréhendé les créateurs de "Kabul Taxi", une page Facebook qui tournait en dérision élus, chefs de guerre et ronds-de-cuir.

Par Veronique DUPONT - © 2016 AFP
guest
0 Commentaires