Les récentes révélations sur une série de rendez-vous entre le président de la Fifa Gianni Infantino et le ministÚre public suisse ont mis à mal l'instruction de plusieurs dossiers judiciaires sur les instances du ballon rond... et plongé la fédération internationale dans l'embarras.
DerniĂšre controverse en date: le patron du foot mondial serait intervenu auprĂšs du procureur gĂ©nĂ©ral suisse pour que soit abandonnĂ©e une enquĂȘte le visant et portant sur l'attribution d'un contrat de droits de tĂ©lĂ©vision, a affirmĂ© lundi le quotidien suisse la Tribune de GenĂšve. Dans une sĂ©rie de courriels dĂ©voilĂ©s par le journal, Infantino explique Ă son ami d'enfance, Rinaldo Arnold, devenu procureur dans le Haut-Valais, rĂ©gion d'origine des deux hommes, qu'il va "essayer d'expliquer au MPC (le ministĂšre public suisse, NDLR) qu'il est dans (s)on intĂ©rĂȘt que tout soit Ă©clairci aussi vite que possible, qu'il soit dit clairement que je n'ai rien Ă voir avec cette affaire".
Le mĂȘme Arnold qui l'avait dĂ©jĂ aidĂ© Ă organiser une premiĂšre rencontre avec le procureur gĂ©nĂ©ral Michael Lauber, lui rĂ©pond alors: "Ce qui est important c'est le rendez-vous dans deux semaines. Si tu veux, je peux de nouveau t'accompagner". Quelques mois plus tard, l'enquĂȘte sera en effet abandonnĂ©e.
La Fifa n'a jamais dĂ©menti la tenue de rencontres entre MM. Infantino et Lauber, expliquant qu'elles Ă©taient destinĂ©es Ă montrer que la fĂ©dĂ©ration, qui a le statut de plaignante dans certaines procĂ©dures, Ă©tait "prĂȘte Ă collaborer avec la justice suisse". "Cela ne pose aucun problĂšme dans de nombreux pays, en Suisse oui", s'est dĂ©fendue la Fifa dans un communiquĂ© lundi soir.
- Potentielle collusion -
Mais le flou juridique dans lequel ces rendez-vous se sont dĂ©roulĂ©s soulĂšve la question d'une potentielle collusion entre la Fifa et la justice. VisĂ© par une enquĂȘte disciplinaire pour ses rencontres informelles avec M. Infantino, le patron du parquet helvĂ©tique Michael Lauber a Ă©tĂ© sanctionnĂ© dĂ©but mars d'une rĂ©duction de salaire.
"M. Lauber n'a pas dit la vĂ©ritĂ©, a agi de maniĂšre dĂ©loyale, a violĂ© le Code de conduite du MPC et a entravĂ© l'enquĂȘte", a assĂ©nĂ© l'AutoritĂ© de surveillance du ministĂšre public. En France, ces rĂ©vĂ©lations ont Ă©tĂ© saluĂ©es par Michel Platini, ancien prĂ©sident de l'UEFA et candidat Ă la prĂ©sidence de la Fifa avant d'ĂȘtre suspendu de 2015 Ă 2019 de toute activitĂ© liĂ©e au football en marge de plusieurs procĂ©dures judiciaires. L'ancien Ballon d'Or, qui a toujours clamĂ© son innocence, a mis en cause l'impartialitĂ© des procĂ©dures menĂ©es en Suisse.
"Ce que j'affirme depuis des années prend forme, à savoir une collusion entre la justice suisse et une clique à l'intérieur et à l'extérieur de la Fifa composée de deux équipes: une premiÚre qui voulait m'éliminer de l'élection à la présidence de la Fifa, une seconde qui a man?uvré au service de l'actuel président de la Fifa" Gianni Infantino, a accusé Platini dans une déclaration transmise à l'AFP.
Le Français se voyait en effet succĂ©der Ă Sepp Blatter Ă la tĂȘte de la Fifa. Mais, pour des soupçons de "gestion dĂ©loyale" et "d'abus de confiance" pour un paiement tardif de 2 M CHF Ă Platini, Blatter a Ă©tĂ© suspendu, entraĂźnant dans sa chute l'ex-capitaine des Bleus.
- "Contre l'injustice" -
Sur la base d'une plainte au pĂ©nal transmise par la chancellerie française Ă la Suisse, Platini dit attendre dĂ©sormais que la justice helvĂ©tique ouvre une enquĂȘte "indĂ©pendante, exhaustive". "Mon combat est contre l'injustice. Ils ne l'emporteront pas au paradis", fait-il valoir. Blatter, 84 ans, n'a lui jamais Ă©tĂ© jugĂ©. RĂ©cemment blanchi en partie, il espĂšre un abandon total des poursuites et ne dĂ©sarme pas, affirmant Ă l'AFP que "les faits rĂ©cents redonnent des munitions pour Ă©tayer la thĂšse du complot".
Au total, plus d'une vingtaine de procédures ouvertes depuis cinq ans en Suisse, visant entre autres le Français JérÎme Valcke, ex-numéro 2 de la Fifa et Nasser Al-Khelaïfi, patron du groupe de télévision beIN Media et du Paris SG, n'ont toujours pas trouvé d'épilogue. Le procÚs en Suisse de trois anciens responsables du foot allemand, sur des soupçons d'achat de voix pour l'attribution du Mondial-2006, qui s'était ouvert le 11 mars, a lui été suspendu en raison du coronavirus.
Selon la presse suisse, du fait des délais de prescription, le procÚs n'aura finalement pas lieu. Mais interrogé par l'AFP, le tribunal pénal fédéral n'a pas souhaité confirmer l'information, promettant de communiquer "en temps voulu sur la suite de la procédure".
AFP


