Pour la première fois, une femme s'apprête à gouverner le Japon: Sanae Takaichi, une nationaliste radicale, a été élue samedi cheffe du Parti Libéral-Démocrate (PLD) au pouvoir, et devrait prendre tout prochainement la tête du gouvernement.
Le PLD a certes perdu cette année la majorité absolue dans les deux chambres, mais l'opposition semble trop fragmentée pour l'empêcher d'être élue Première ministre par le Parlement dans les prochains jours, la semaine du 13 octobre, selon les médias locaux.
Mme Takaichi, 64, ans, succède à Shigeru Ishiba, démissionnaire et qui avait été élu chef du gouvernement en octobre 2024 en la battant lors de l’élection pour la tête du PLD.
Samedi au 2e tour de ce scrutin pour lequel ont voté uniquement des élus et membres du PLD, Sanae Takaichi a devancé le ministre de l'Agriculture et très médiatique Shinjiro Koizumi, 44 ans.
Takaichi devra veiller à ce que le PLD, formation de droite nationaliste au pouvoir quasiment sans interruption depuis 1955 mais aujourd'hui de plus en plus boudée par les électeurs, retrouve un peu de sa superbe.
"Avec tant d'entre vous, nous avons inauguré une nouvelle ère pour le PLD", a-t-elle lancé devant ses pairs quelques minutes après son élection.
"Plutôt que de me sentir heureuse en ce moment, (je sens que) le véritable défi se trouve devant nous. Je suis convaincue qu'il y a une montagne de travail que nous devons affronter ensemble," a-t-elle déclaré.
"Nous devons tous nous rassembler à travers toutes les générations et travailler comme un seul pour reconstruire (le PLD)... Tout le monde devra travailler dur," a-t-elle ajouté sous les applaudissements.
Interrogé par l'AFP il y a quelques jours, Junichi Takase, professeur émérite à l'université des études étrangères de Nagoya, corroborait: "la tendance de la scène politique est une transition des anciens partis vers de nouveaux partis et le PLD doit donc se renouveler pour survivre".
- Thatcher comme modèle -
Comme cheffe du gouvernement, elle devra notamment faire face aux enjeux posés par le vieillissement de la population dans l'archipel et par la dette nationale colossale, à l'économie chancelante et aux inquiétudes croissantes au sujet de l'immigration.
La dernière élection nationale, en juillet, a ainsi signé l'essor du parti nationaliste Sanseito, dont le slogan est "Les Japonais d'abord". Faisant écho aux populismes d'autres pays, ce parti blâme les étrangers pour une multitude de problèmes.
Mme Takaichi avait estimé que le Japon devrait "reconsidérer les politiques qui permettent l'entrée de personnes ayant des cultures et des origines complètement différentes".
"Le Japon est confronté à des problèmes structurels tels que la stagnation économique et la baisse du taux de natalité depuis près de 30 ans. Au lieu de cela, le thème du +problème des étrangers+ est artificiellement mis en avant, détournant l'attention du public", a récemment regretté auprès de l'AFP l'Association culturelle kurde du Japon.
Takaichi qui est aussi connue pour son attitude intransigeante envers la Chine est soutenue par l'aile conservatrice du parti et les partisans de son mentor politique, l'ancien Premier ministre Shinzo Abe (2006-2007, puis 2012-2020), assassiné en 2022.
Elle a axé son programme politique sur le renforcement de la défense nationale et de la sécurité économique, et aurait récemment déclaré qu'elle n'hésiterait pas à demander la renégociation des droits de douane avec les États-Unis si certaines parties de l'accord étaient "injustes ou préjudiciables" pour le Japon.
Elle a également exprimé sa vive inquiétude concernant la criminalité et l'influence économique des étrangers au Japon, appelant par exemple à un durcissement des règles relatives à l'achat de biens immobiliers.
Sur le plan économique, la candidate soutient un assouplissement monétaire agressif et d'importantes dépenses budgétaires, faisant écho aux politiques controversées de Shinzo Abe, les "Abenomics".
Ancienne batteuse dans un groupe de heavy metal à l'université, Mme Takaichi considère la Britannique Margaret Thatcher (1925-2013) comme son héroïne politique.
AFP