Jean-Marc Reiser est de retour dans le box des accusés: le forestier alsacien, habitué des prétoires et condamné à la perpétuité l'été dernier pour l'assassinat de l'étudiante Sophie Le Tan en 2018, est jugé en appel à partir de mardi par la cour d'assises du Haut-Rhin.
L'accusĂ©, le cheveu ras, vĂȘtu d'un tee-shirt gris et d'un jean, a pris place peu aprĂšs 09H00 dans le box vitrĂ©. Dans ses mains, l'homme de 62 ans, qui connaĂźt parfaitement son dossier pour l'avoir longuement travaillĂ©, tenait une pochette verte. Ă l'invitation de la prĂ©sidente de la cour, Christine Schlumberger, il a pris la parole pour dĂ©cliner son Ă©tat civil.
Assis derriÚre ses avocats, Me Emmanuel Spano et Me Thomas Steinmetz, il fait face aux conseils de la partie civile, M. Gérard Welzer et Rémi Stephan, qui représentent la famille de Sophie Le Tan.
"C'est une blessure qui s'ouvre à nouveau, ça sera trÚs difficile de revivre à nouveau pendant ces deux semaines toutes ces émotions", a déclaré avant l'audience Laurent Tran Van Mangh, le cousin du pÚre de la victime, s'exprimant au nom de la famille.
"On va revivre ce drame Ă©pouvantable, les reconstitutions... ça va ĂȘtre trĂšs Ă©prouvant pour la famille."
Tout l'enjeu du procÚs se situe autour de la qualification retenue par le tribunal: y a-t-il eu préméditation, comme le soutiennent les parties civiles et l'accusation, ou la mort de la jeune femme n'est-elle que le résultat d'une "entreprise de séduction" qui a "mal tourné" et amené l'accusé dans un "état de fureur", comme il se défend?
En juillet 2022, la cour d'assises du Bas-Rhin avait écarté les explications de cet homme froid et imposant et l'avait condamné à la réclusion criminelle à perpétuité assortie de 22 ans de sûreté, jugeant qu'il avait effectivement prémédité le meurtre de Sophie Le Tan, le 7 septembre 2018.
- Scie à métaux -
Ce jour-lĂ , l'Ă©tudiante d'origine vietnamienne Ă©tait venue visiter un appartement Ă louer Ă Schiltigheim, au nord de Strasbourg, repĂ©rĂ© via une annonce postĂ©e sur le site LeBonCoin. Attendue plus tard pour fĂȘter son anniversaire avec sa famille, elle n'avait plus donnĂ© signe de vie.
Son corps n'a Ă©tĂ© retrouvĂ© qu'un an plus tard, en octobre 2019, par des cueilleurs de champignons, tombĂ©s par hasard sur des restes humains dans une forĂȘt Ă une quarantaine de kilomĂštres de Strasbourg.
Malgré les preuves accablantes, les traces de sang retrouvées dans son appartement, sa cave, et jusque sur une scie à métaux, Jean-Marc Reiser a longtemps nié toute implication.
C'est seulement aprĂšs la clĂŽture des investigations qu'il a formulĂ© des aveux, contestant toute volontĂ© de tuer, mais reconnaissant ĂȘtre entrĂ© dans "une phase de frustration, de colĂšre et de rage" lors du rendez-vous avec l'Ă©tudiante, et lui avoir portĂ© des coups violents quand celle-ci repoussait ses avances.
C'est cette version que Jean-Marc Reiser veut faire entendre aux jurés, avec les nouveaux avocats qu'il a sollicités pour ce procÚs, Emmanuel Spano et Thomas Steinmetz.
"Il n'y a pas ce schéma que présente l'accusation d'un homme qui aurait tout prévu depuis des mois au millimÚtre, par des stratagÚmes trÚs élaborés, pour Îter la vie, de maniÚre préparée et consciente, à Sophie Le Tan", soutient Me Spano. "Cette version-là nous paraßt caricaturale."
- Violence "banalisée" -
Sur les faits de violence, les avocats contestent que les coups aient Ă©tĂ© portĂ©s avec l'intention de donner la mort et rappellent que la cause exacte du dĂ©cĂšs n'a pas pu ĂȘtre Ă©tablie.
"Jean-Marc Reiser dit qu'il n'a pas compris comment les choses en sont arrivĂ©es lĂ , puisqu'il avait dĂ©jĂ portĂ© des coups sur d'ex-compagnes sans que ça se termine de cette maniĂšre", pointe Emmanuel Spano. Me Steinmetz rappelle que l'accusĂ© a grandi dans un environnement familial oĂč la violence Ă©tait "banalisĂ©e".
"Toutes les preuves sont là ", estime au contraire Me Gérard Welzer, avocat de la famille Le Tan qui "ne comprendrait pas qu'une autre peine (que la perpétuité) soit prononcée".
Il évoque les "charges accablantes", les mensonges répétés de Reiser et son passé judiciaire: acquitté au bénéfice du doute en 2001 pour la disparition d'une autre jeune femme, il avait cependant été condamné pour viol dans une autre affaire, en 2003.
Le verdict est attendu le 29 juin. Jean-Marc Reiser encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
AFP


