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La folie de la basket, "pilule de jeunesse" universelle et inclusive

  • PubliĂ© le 15 novembre 2019 Ă  11:18
Défilé Off-White à Paris, le 17 septembre 2018

Cool, fraßche et dynamique, la basket est "une pilule de jeunesse", assure le créateur du luxe Pierre Hardy, l'un des premiers à avoir détourné la chaussure de sport en une piÚce mode qui a submergé la rue et les podiums.


Uniforme des Fashions weeks, les sneakers accompagnent aussi les sorties du soir, dédramatisent les robes ultraféminines ou accessoirisent les tenues d'affaires.
Le plus puissant code vestimentaire des adolescents, c'est le dénominateur commun intergénérationnel, car tout le monde en porte, les rappeurs américains comme Pierre Cardin, 97 ans.
Au dernier show de lingerie de Savage X Fenty de Rihanna, les mannequins en sous-vĂȘtements sexy arboraient des baskets. MĂȘme l'opĂ©ra de Paris "qui s'habille comme vous et moi" en chausse des personnages historiques.
Selon la plateforme de mode Stylight, les baskets du luxe -parmi lesquelles Off-White, Alexander McQueen ou Balenciaga sont les plus convoitĂ©es - ont surpassĂ© en tant que piĂšce forte le sac Ă  main. Les consommateurs du monde entier sont prĂȘts Ă  investir "302 euros en moyenne" pour une paire de designer.
- "Créativité incroyable" -
Dans la derniÚre étude d'une autre plateforme, Lyst Index, une paire d'Adidas est sur la liste des 10 produits les plus populaires pour les femmes tandis qu'une Nike et une Adidas sont parmi les piÚces mode les plus convoités par les hommes.
"Les silhouettes, mĂȘme trĂšs sophistiquĂ©es sont construites autour des baskets. Elles sont devenues de vraies chaussures avec une crĂ©ativitĂ© incroyable", dĂ©clare Ă  l'AFP Pierre Hardy qui dessine les chaussures pour HermĂšs et sa propre marque aprĂšs avoir travaillĂ© chez Dior et Balenciaga.
Ainsi, la maison Berluti fondĂ©e en 1895, ancien bottier apprĂ©ciĂ© par ses costumes, vient d'annoncer l'arrivĂ©e en boutiques de nouvelles sneakers Gravity qui "mĂȘlent le savoir-faire artisanal et la technicitĂ© des matĂ©riaux". En noir ou orange, elles exhibent des contours rehaussĂ©s, un clin d??il Ă  la tradition bottiĂšre.
Roi des chaussures architecturales, Pierre Hardy confie pour sa part s'ĂȘtre lancĂ© il y a 15 ans dans la basket pour apporter au segment du luxe "trĂšs sophistiquĂ©" un produit "frais, juvĂ©nile et dynamique" qui renverrait "Ă  un souvenir de quand on Ă©tait adolescent et on s'en fichait d'ĂȘtre bien habillĂ©".
"La basket était une issue vers un autre vocabulaire de création. Pour les hommes, cela a permis d'introduire des matiÚres qu'on n'utilisait pas du tout, des couleurs fortes, des motifs plus fun (...). La mode s'adresse d'abord à une certaine jeunesse qui s'est tout de suite reconnue là-dedans".
"Une femme qui ne peut plus porter de talons peut ĂȘtre encore plus Ă  la mode et assumer complĂštement ce confort", ajoute-t-il.
"La mode et le luxe se sont emparĂ©s de la chaussure de sport au moment oĂč le confort est devenu dĂ©terminant pour la recherche de nos vĂȘtements", souligne l'historien de la mode Denis Bruna, commissaire d'une exposition sur l'histoire de la chaussure et la dĂ©marche au musĂ©e des Arts dĂ©coratifs de Paris.
- Courir ou pas courir -
Pour Alexandre Samson, responsable de la création contemporaine du musée de la mode parisien Palais Galliera, le succÚs des sneakers s'inscrit dans la mouvance "normcore", particuliÚrement incarnée par le Géorgien Demna Gvasalia, directeur artistique de Balenciaga et qui vient de quitter sa propre marque, Vetements.
Le choix de la basket est dicté par les modes de vie actifs, la profusion de vélos et trottinettes dans le paysage urbain ou... par des angoisses.
Dans Vernon Subutex 3, dernier roman de Virginie Despentes, une bourgeoise parisienne qui "sait tout faire en escarpins" enfile aprĂšs la tuerie du Bataclan pour la premiĂšre fois ses Fila blanches pour aller Ă  un concert, de peur de devoir courir en cas d'attentat.
Comme "courir n'est pas certainement un acte élégant", les maisons du luxe "ont détourné les baskets de leur usage premier" en les rendant lourdes ou instables avec lesquelles "on fait tout sauf courir", souligne Alexandre Samson.
Si les historiens de la mode prédisent un inversement de tendance et le retour à des chaussures plus conventionnelles voire contraignantes, Pierre Hardy reste confiant.
AprÚs toutes ces années de démarche libérée, "il sera difficile de se recontraindre à un certain inconfort", conclut-il.

Par Olga NEDBAEVA - © 2019 AFP
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